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Corinne Mostaert (Kantar): "Les entreprises doivent tacler les problèmes de durabilité qu'elles créent pour gagner en légitimité"

Jeudi 29 Septembre 2022

Corinne Mostaert (Kantar):



Kantar a publié l’édition 2022 de son Sustainability Sector Index. Un rapport qui met l’accent sur l’impératif de durabilité qui deviendrait de plus en plus urgent pour les marques à cause du contexte actuel fortement troublé. 

À l’heure où les consommateurs veulent que les entreprises montrent l’exemple, l’étude dépeint trois thèmes sur lesquels elles peuvent se concentrer : la circularité et les déchets, la décarbonisation, et la biodiversité. 

Mais quels sont les learnings pour la Belgique ? Corinne Mostaert, Innovation, Customer Experience & Sustainability Lead chez Kantar, répond à nos questions.

Dans son rapport, Kantar mentionne l’impératif de durabilité grandissant pour les entreprises lié au contexte actuel. Est-ce le cas également en Belgique ?

Tout à fait. L’impact de la crise économique se fait largement ressentir en Belgique. Parmi les personnes interrogées, nous avons découvert que 60% souhaiteraient en faire plus pour l’environnement et la société, mais que l’augmentation du coût de la vie les en empêche. 

C’est un enseignement important qui indique que la majorité des consommateurs n’est pas prête à payer plus pour un produit ou un service intégrant un élément de sustainability. La réflexion doit dès lors porter sur la recherche de la meilleure méthode possible pour proposer une solution durable accessible à tous. Cela demande des investissements initiaux afin de développer ces services et solutions car il est souvent nécessaire de revoir le business model.

Cependant, le jeu en vaut la chandelle pour plusieurs raisons. D'une part, il existe un vrai risque commercial de ne pas opérer de changements, quand on sait que 90% des consommateurs souhaitent mener un style de vie durable. D'autre part, effectuer une transition rapide confère le "first mover advantage", c’est-à-dire que ces entreprises peuvent dicter le ton et améliorer leur différentiation et leur pertinence de marque. Enfin, il est important de penser à long terme. Nous recommandons en général des périodes de trois à cinq ans pour les innovations, qu’elles concernent la construction de la marque ou qu’elles soient d’avantage incrémentales.

Et qu’en est-il des trois thèmes de l’étude ? Sont-ils centraux dans nos contrées ?

Dans notre étude, la plupart des questions de durabilité qui interpellent les consommateurs belges relève de six catégories des Objectifs de Développement Durable. Nous y retrouvons, dans l’ordre, des préoccupations comme la surexploitation des travailleurs, la pauvreté, la pollution de l’eau, les droits au travail, la biodiversité, la pollution plastique dans les océans, la pollution de l’air et les émissions de gaz à effet de serre.
Pour ce qui est de la réduction des déchets, nos analyses ont identifié des opportunités pour les marques concernant le surcyclage et les réparations (smartphones, électroménager…) qui sont fortement recherchés par les internautes sur Google. Ils présentent en effet un avantage win-win majeur : moins payer et moins jeter.

La décarbonisation est un peu plus complexe à aborder. Une donnée surprenante que nous avons relevée concerne l’achat de produits créés à partir de méthodes économes en énergie : 22 % des sondés marquent une préférence pour ceux-ci, mais seuls 4% passent à l’achat. C’est un sujet que nous souhaitons explorer plus avant, car encore peu exploré. Je pense personnellement qu’il y a un facteur de tangibilité moindre qui joue en défaveur du carbone par rapport à d’autres comme la gestion des déchets.

Enfin la biodiversité, au-delà du lien évident avec le climat, concerne surtout les entreprises des secteurs qui agissent directement dessus (agroalimentaire, mode…). Les actions concrètes sont donc attendues prioritairement de la part de ces acteurs. 

Certaines entreprises peuvent difficilement opérer sur certains de ces points concrets. Est-ce un problème ?

Au contraire. Les entreprises doivent prioritairement agir là où elles ont la "license to operate" : elles doivent tacler les problèmes qu’elles créent pour gagner en légitimité et en crédibilité.

À ce sujet, nous avons trois recommandations à leur proposer. Premièrement, identifier les réels problèmes durables causés par les opérations de l’entreprise puis agir dessus. Deuxièmement, garder à l’esprit la signification de la marque et ce qui est attendu d’elle. Il n’est ainsi pas nécessaire de porter à son niveau toutes les actions entreprises dans le cadre de la sustainability, mais bien celles en rapport avec ses activités. Et troisièmement, connaitre et prendre en compte le niveau de connaissance de son public, afin de communiquer sur ce qui lui parle. Le résultat ? Crédibilité, pertinence et sincérité qui permettent d’engager les consommateurs dans une action. 

Le rapport belge de l'étude est disponible ici.

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