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La fin du monde ou la fin du mois ?, par Eric Hollander & Stéphane Buisseret (Air)

Dimanche 24 Avril 2022

La fin du monde ou la fin du mois ?, par Eric Hollander & Stéphane Buisseret (Air)

Toutes les enquêtes le montrent : dans nos pays, l’urgence climatique se situe dans le top 3 des préoccupations citoyennes. Rapports alarmants du GIEC, Marches pour le climat… tout indique que l’écologie est devenu l’un des enjeux majeurs du 21ème siècle. 
 
Alors, comment expliquer que nos voisins français votaient ce dimanche (enfin, ceux qui ne s’abstiennent pas…) pour élire Emmanuel Macron contre Marine Le Pen ? Pourquoi le candidat écologiste Yannick Jadot s’est-il vu éliminer dès le premier tour avec moins de 5% des voix ?
 
Les plus optimistes disent que les écolos n’ont plus le monopole du discours environnemental, et que c’est une bonne nouvelle. L’écologie aurait ainsi pénétré l’ensemble du discours politique, quelle que soit sa couleur. Elle aurait donc perdu les élections mais gagné la bataille culturelle. 
 
D’autres attribuent cette défaite cuisante à la dynamique interne des partis écologistes. Historiquement de gauche et allergiques à l’autorité, ils refuseraient les structurations verticales qui favorisent l’émergence d’un leader. 
 
En réalité, si les thématiques environnementales ont été les grandes absentes des débats et programmes électoraux en France - à l’exception de celui de Mélenchon, ce qui explique en partie que la jeunesse ait massivement votée pour lui -, c’est à cause de deux axiomes parfaitement compréhensibles et totalement infondés.
 
> Plus l’inflation monte, plus la préoccupation environnementale baisse. 

C’est aussi simple que ça. La fin du monde, c’est moins tangible que la fin du mois. 

Le taux d’inflation de la Zone Euro est à 7,5% et en mars, la Belgique a retrouvé une inflation inconnue depuis 1983 avec 8,31%. Les prix dans les grandes surfaces ont augmenté de 4,5%... soit beaucoup moins que ceux de l’énergie devenue tout bonnement impayable. 

Résultats : les belges se ruent sur les marques propres des distributeurs et sur les promos. Et qui est en promo ? Ni le local ni les filières courtes qui permettent de consommer des produits meilleurs pour la santé tout en respectant davantage l’environnement. 

Rappelons que selon les experts du GIEC, si l’humanité veut conserver un monde vivable, il nous reste seulement trois ans pour agir.
 
Marketeers, hommes et femmes du métier, il nous faut convoquer à la fois notre imagination et notre sens des responsabilités pour que la consommation durable qui s’amorçait ne soit pas, une fois de plus, perçue comme un luxe dont on peut se dispenser.
 
> Plus la guerre est proche, plus l’urgence climatique s’éloigne. 

« La fin du monde à cause d’une bombe atomique, c’est quand même autre chose que quelques degrés en plus. De toutes manières, il n’y aura plus personne pour assister au tsunami final…» Eh oui, la guerre en Ukraine, c’est un peu comme la pandémie : ça donne envie de stocker de la farine dans sa cave sans être trop regardant sur sa provenance.
 
Mais si la guerre et son cortège d’horreurs accélérait la transition énergétique ? Ne sommes-nous pas en train de réaliser que notre dépendance au pétrole et au gaz russes nous empêchent de protéger nos intérêts ? De venir en aide de manière efficace à un pays voisin envahi ? 
 
Dans l’hebdomadaire Le Point de cette semaine, les experts s'accordent à dire que le conflit pourrait avoir des conséquences positives pour le climat, en incitant les gouvernements à s'affranchir des énergies fossiles pour leur préférer des solutions alternatives plus stables, plus fiables… et plus écologiques.
 
L’Ukraine, c’est une urgence humanitaire, il faut y faire face.
Mais le climat reste notre urgence planétaire. 
 

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