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Raf Van Raemdonck (Bubka) : "La certification B Corp a insufflé une tout autre dynamique au sein de l'agence"

Lundi 30 Janvier 2023

Raf Van Raemdonck (Bubka) :

Ce fut une bonne année pour l’agence anversoise Bubka : elle a revu son actionnariat, déménagé dans de nouveaux locaux et, cerise sur le gâteau, obtenu sa certification B Corp. 

L'occasion de rencontrer son CEO, Raf Raemdonck, et de revenir sur les points marquants passés et à venir de notre Innovator Agency 2022, résolument engagée en faveur du développement durable.

Décrocher la certification B Corp n’a rien d’une sinécure. Pourquoi vous être lancés dans cet exercice ?

Cela nous a occupés pendant plus de deux ans, en fait depuis le moment où nous avons élargi notre positionnement sur l’efficacité créative en y incluant notre engagement vis-à-vis du développement durable. Nous considérions que nous devions nous-mêmes mettre en pratique cet engagement.

La certification représente en effet une évaluation complète couvrant cinq domaines, allant de la gouvernance à la manière dont vous traitez vos clients. Pour chacun de ces domaines et sous-domaines, vous obtenez un certain nombre de points - 200 au total - et vous devez en engranger minimum 80. Cette évaluation est effectuée par une organisation indépendante, une entreprise de Singapour dans notre cas. Tout ce que vous affirmez, vous devez le documenter et cela prend beaucoup de temps : il nous a fallu environ six mois. 

Le fait que vous soyez maintenant une entreprise B Corp a-t-il changé quelque chose en interne ?

Très certainement. C’est l’un des éléments qui ont insufflé une tout autre dynamique au sein de l’agence. Quand nous avons présenté le projet, il a d’abord été examiné de manière critique comme c’est souvent le cas dans les agences, mais tout le monde était d’accord pour emprunter cette voie. 

D’autre part, le développement durable est souvent une priorité pour les jeunes. Pour Bubka aussi, et la certification permet de juger l’arbre à ses fruits, pour ainsi dire. Ce sera dès lors plus facile pour nous d’attirer de nouveaux collaborateurs potentiels. Ce qui n’est pas sans importance, maintenant que la demande dépasse l’offre sur le marché du travail.

Mais attention, la certification B Corp n’est pas un droit acquis : une réévaluation a lieu tous les trois ans lors de laquelle vous êtes censé faire mieux que la fois précédente. On vous indique les points sur lesquels vous concentrer. Cela nécessite quelques choix politiques et du budget.

Vous n’êtes pas la seule agence B Corp de Belgique : Air, Bonka Circus, Make Sense et Sustainuto détiennent également ce label. Ne serait-il pas utile d’unir vos forces pour mener à bien certains projets durables ?

Outre les efforts de sensibilisation que nous déployons tous, nous discutons en effet de la façon dont nous pourrions nous soutenir mutuellement, mais nous n’en sommes qu’au tout premier stade. Nous cherchons encore comment mettre nos compétences en commun pour accélérer la nécessaire transition, car il y a encore trop peu de marques B Corp en Belgique.

Quel conseil donneriez-vous aux agences qui souhaitent devenir B Corp ?

Commencez aujourd’hui plutôt que demain, et constituez une équipe multidisciplinaire dédiée. Accordez à ce projet le degré de priorité nécessaire pour le faire avancer. Impliquez le CEO dans le processus, car il faut parfois prendre des décisions qui touchent aux fondamentaux de l’entreprise. Je pense par exemple à une modification des statuts : il s’agit de toute une procédure, pas franchement évidente, surtout quand on fait partie d’un réseau international. Il faut d’autre part veiller à ce que tout le personnel participe. Mieux vaut donc commencer à temps à communiquer vos objectifs en interne. Et puis, cultivez la patience.

Quelle est votre prochaine ambition ?

Notre volonté est toujours d’améliorer le monde en faisant ce que nous savons faire : aider nos clients à renforcer leur impact positif grâce à l’expertise et à la normalisation sociale. Nous souhaitons que cette vision et cette approche deviennent la norme sur le marché, pour qu’on ne perde plus de temps et que les consommateurs choisissent de plus en plus souvent des marques plus durables. Ce qui a un impact très important, non seulement sur le climat, mais aussi sur la biodiversité, l’inclusion, etc. 

Nous voulons donc que notre projet fasse tache d’huile, bien que ce ne soit pas évident avec une petite structure de 20 personnes comme la nôtre en Belgique. Nous n’avons pas la caisse de résonance des agences de Londres ou de New York. 

Vous pourriez peut-être envisager une reprise ?

Non, ce n’est pas au programme à court terme, bien que nous cherchions des gens qui partagent nos idées, qui nous soient complémentaires ou avec qui nous pourrions collaborer pour donner plus d’ampleur à notre projet. 

Nous voulons nous débarrasser de tout ce qui freine la transition, comme les marques qui pensent que la transition n’a pas d’importance pour elles parce qu’elles n’en voient pas la valeur ajoutée ; elles ne comprennent pas qu’elles perdront vite leur pertinence si elles n’y participent pas…2 Ou encore de choses comme le greenwashing. C’est néfaste pour la crédibilité de tout le secteur et pour les efforts des marques qui tentent de faire partie de la solution. Les consommateurs ont en effet tendance à mettre tout le monde dans le même sac. Heureusement, depuis l’an dernier, nous disposons d’outils comme CommToZero et des règles du JEP, mais les premiers use cases doivent encore voir le jour. Nous devons accélérer l’ensemble du processus, car le fossé qui nous sépare du consommateur est énorme. Un certain nombre de campagnes vont devoir faire machine arrière, aussi difficile que cela puisse être. 

On pourrait se demander si, dans un tel contexte, tous les annonceurs pourront encore faire de la publicité.

Cela pourrait en effet s’avérer illogique dans certains secteurs. Nous sommes certes convaincus que la plupart des annonceurs sont en transition, mais il en est qui, de par leur ADN, devraient s’abstenir de faire de la pub. Dans ce contexte, l’arrivée du Green Deal européen jouera sûrement un rôle : il oblige les entreprises à rendre compte non seulement de leurs propres émissions de CO2 mais également de leurs émissions de portée 3 (les émissions de carbone indirectes liées aux produits ou aux services fournis, ndlr.). Selon cette logique, les banques, par exemple, ne peuvent plus financer leurs clients pollueurs, et les fournisseurs ou les agences de ces clients pollueurs non plus.

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