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Ukraine : la guerre des marques n'aura pas lieu (Eric Hollander & Stéphane Buisseret, Air)

Vendredi 11 Mars 2022

Ukraine : la guerre des marques n'aura pas lieu (Eric Hollander & Stéphane Buisseret, Air)

C’est quasiment la retraite de Russie. La plupart des grandes marques internationales sont en train de quitter le pays de Poutine, ou d’y suspendre provisoirement leurs activités. Si on nous avait dit, il y a quelques années, que ce sont elles qui donneraient, sinon l’exemple, au moins le la en matière d’engagement, on nous aurait ri au nez. 
 
A l’époque, on enseignait l’inverse : « les marques ne doivent pas faire de politique. Le risque de se couper d’une partie importante de leur clientèle est beaucoup trop élevé ». Aujourd’hui, le plus grand risque pour une marque, c’est de refuser de faire de la politique. De ne pas dire haut et fort ses choix. De ne pas respecter des valeurs jusqu’alors réservées aux rapports annuels et aux salles de réunions. 
 
La pandémie avait accéléré ce mouvement. Mais la guerre déclarée par Poutine à l’Ukraine ne laisse plus le choix aux marques. Les consommateurs - dont on avait oublié qu’ils sont avant tout des citoyens qui votent aussi avec leur portefeuille - exigent la clarté. Des positions plutôt que des positionnement. Lisibles, tangibles, traduites dans les faits.
 
A l’analyse, on voit pourtant apparaître des motivations différentes, et des degrés d’engagement et de sincérité qui ne le sont pas moins.
 
Ainsi, des marques progressistes qui ont l’habitude d’adopter des positions politiques clivantes ont pris des décisions radicales dès le 24 février, jour de l’invasion russe en Ukraine. Et l’on fut à peine surpris d’apprendre qu’Apple et Nike cessaient, de manière claire et sans ambigüité, toute forme d’activités en Russie en signe de protestation contre la politique du Kremlin. 
 
Dès la première semaine de mars, elles furent rejointes par des marques moins familières de ces prises de positions. Shell, BP, Exxon… Les plus cyniques diront qu’elles sont plus rapides à dénoncer Poutine qu’à investir dans les énergies renouvelables. Mais alors, on aurait aimé que Total en fasse autant, qui se tait dans toutes les langues depuis le début du conflit. Pas besoin de voter écolo pour penser comme Yannick Jadot, le candidat écologiste à la présidentielle française : « Il est inacceptable que Total reste la dernière multinationale du pétrole et du gaz présente en Russie ». 

Dans cette même première semaine, Netflix, Google, Microsoft, ou Ikea décident de plier bagage, avec pour ce dernier, un dégât collatéral de 15.000 employés sur le carreau, que le géant suédois s’engage néanmoins à soutenir et à indemniser. Les plus déterminés déclarent le faire en solidarité avec l’Ukraine, les plus timides prétextent des raisons logistiques.

Certaines marques découvrent aussi le revers de la médaille. Quand on s’engage, le prix à payer n’est pas que financier. Lorsqu’Adidas et Puma s’alignent sur Nike et annoncent leur retrait de Russie, le rappeur français Booba décide de rompre son contrat avec Puma. Il s’en explique sur Instagram : « Vous rompez je romps. Si vous faites de la politique nous devons en faire aussi. » 
 
Mais d’autres découvrent les dangers de l’inertie, ou de l’absence de prises de positions claires. Dès la semaine dernière, l’Université de Yale publiait la liste des marques et enseignes qui conservent une présence significative en Russie. McDonald’s, Coca-Cola, Pepsico, Mondelez, Estée Lauder, Kimberly-Clark et d’autres y figurent. 
 
Moins de 24h plus tard éclot le #boycottmcdonalds. McDo en Russie, c’est plus de 800 restaurants, près de 10% de son chiffre d’affaires et 3% de son bénéfice opérationnel. On peut donc comprendre un léger retard à l’allumage. Mais McDo, c’est aussi des dizaines de millions de clients américains qui vomissent Poutine. Et là, le calcul est vite fait…
 
Ici, pas de leçons de morale. On parle business. 

Si vous voulez faire croître votre marque et son capital confiance, engagez-vous. Agissez. Faites ce que vous dites. Dites ce que vous faites. Et ne trichez jamais.
 
Doing good is good for business!
 
 
 

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