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Pas si Innocent que ça !

Vendredi 11 Mars 2022

Pas si Innocent que ça !

L'affaire a fait grand bruit au Royaume-Uni. Il y a quelques semaines, l'autorité de contrôle de la publicité britannique (ASA) interdisait un spot TV de Mother pour la marque de smoothies Innocent, jugé mensonger et trompeur, à la suite d'une plainte déposée par des militants de Plastics Rebellion. 
 
Le film d'animation - que l'on peut encore trouver ici et là sur le Net et sur le compte Twitter de Plastics Rebllion - met en scène une loutre dénommée Otter, dont l’embarcation est détournée par des fêtards qui sèment la pagaille tout en chantant leur indifférence à tue-tête. Au bord d’un précipice, la bestiole reprend le lead et explique qu’il vaut mieux sauver la planète plutôt que de la détruire ; joignant le geste à la parole, tout ce petit monde va se mettre à nettoyer les déchets et transformer les pommes d’un arbre en smoothies Innocent, qu’ils consomment joyeusement en chantant "Allons réparer la planète !"...
 
Dans son rendu, l'ASA reconnait qu'Innocent entreprend diverses actions visant à réduire l’impact environnemental de ses produits, mais ajoute que « cela ne démontre pas que ses produits ont un impact environnemental positif net sur l’ensemble de leur cycle de vie ». 
 
« Nous avons également noté que leurs bouteilles contenaient du plastique non recyclé et que l’extraction des matières premières et leur traitement ultérieur pour produire la bouteille auraient un impact négatif sur l’environnement », note l'Autorité de contrôle britannique. En résumé, elle considère que la marque ne peut pas prétendre que leur achat a des conséquences positives sur l'environnement, comme le laissait entendre la campagne "Little Drinks, Big Dreams" de Mother. 
 
Innocent a réagi en affirmant que la publicité visait avant tout à mettre en avant « la nécessité d’une action collective pour changer les choses » et encourager ses clients à recycler les bouteilles ; elle rappelle avoir pour objectif de recycler 70% de ses emballages d'ici 2023.
 
« Le greenwashing est dangereux. Dans le cas d'Innocent, c'est une chose de cacher ses pratiques écocides, c'en est une autre de prétendre que l'on répare la planète en achetant ses produits. Cela signifie que les consommateurs les achèteront volontairement en croyant qu'ils font du bien à la planète », déplore Plastics Rebellion. L’association rappelle aussi qu’Innocent appartient à The Coca-Cola Company, considérée comme le premier pollueur de la planète pour la quatrième année consécutive par le mouvement Break Free From Plastic. 
 
En 2008, Innocent avait déjà pâti d’une plainte similaire formulée par l’association britannique Rising Tide. A l'époque, la marque annonçait que ses boissons étaient produites en Grande-Bretagne et que les fruits voyageaient exclusivement par bateau ou rail, pour limiter l’impact sur le climat. Or, les jus étaient en réalité mélangés en Europe avant d’être expédiés par camion depuis Rotterdam où sa production avait été déplacée, pour être embouteillés en Angleterre. 
 
Si la décision de l'ASA a de quoi semer le trouble dans l'esprit des consommateurs "responsables" - Innocent Drinks est perçue comme une entreprise pionnière en matière de développement durable, elle est d'ailleurs certifiée B-Corp -, elle devrait surtout pousser les marques et les agences à faire davantage attention aux contenus qu'elles créent.

D'où aussi cette question, posée par Carra Santos, Sustainable Futures Strategist, sur Linkedin : à qui incombe la responsabilité d'anticiper le potentiel d'écoblanchiment d'une campagne ? Au client à l'origine du brief ? Ou à l'agence qui ne l'a pas signalé au moment dudit briefing ? 
 

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