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Cédric Cauderlier (Mountain View) et la Tech : "Avant tout comprendre les humains"

Jeudi 21 Décembre 2023

Cédric Cauderlier (Mountain View) et la Tech :

Après une année 2023 particulièrement agitée dans le domaine technologique, nous avons voulu en tirer un bilan et tracer des perspectives pour 2024 avec Cédric Cauderlier (Mountain View).

Récemment récompensé par le Martech and Data Award 2023, attribué par Deloitte dans le cadre des Belgian Marketing Awards (BMA), Cédric Cauderlier était tout désigné pour cet exercice : « Tout au long de sa carrière, Cédric Cauderlier a fait preuve d'une grande expertise en matière de data et de technologie dans le domaine du marketing », expliquait notamment Kathleen Peeters, Partner chez Deloitte Digital et initiatrice de l’Award. « Pionnier du digital marketing, il est un évangéliste infatigable, en Belgique et à l'étranger, à travers ses keynotes, son livre, ses chroniques et autres formations. »

Que retiendrez-vous de 2023 sur le plan des technologies marketing ?

ChatGPT a évidemment marqué l’année en mettant un coup de projecteur sur l’Intelligence Artificielle, éclipsant au passage les NFT, blockchain et autres métavers.

Aujourd’hui, l’écosystème marketing ne parle plus que d’IA, et la plupart des influenceurs de la Tech sont devenus des experts en la matière du jour au lendemain. Il n’y a pas d’experts en IA dans notre écosystème, seuls ceux qui développent celles-ci depuis des années peuvent être considérés comme tels, alors qu’ils disent eux-mêmes ne pas les maîtriser.

Pour ma part, j’expérimente et je partage mes expériences sur tel ou tel outil. Et c’est bien la caractéristique de 2023, une période de découverte et d’expérimentation dans un contexte difficile plein d’incertitudes.

Dans ce contexte, je note également une volonté de rationalisation de la part des marques, particulièrement pour les canaux de communication. Les frasques d’Elon Musk sont à ce titre un bon prétexte pour certains annonceurs de se retirer de X.

C’est cependant un mouvement général, accentué par les promesses de réduction de coûts des outils d’IA générative et la tentation de réduire la masse salariale, tout en augmentant la productivité.

Il n’est donc pas étonnant que de grands groupes de communication aient annoncé l’intégration d’IA dans leurs process avec l’ambition à peine voilée de réduire leurs équipes. Mais c’est une erreur de mon point de vue et une mauvaise approche de la Tech, qui, au contraire, devrait être utilisée pour améliorer les services plus que pour réduire les coûts.

Aujourd’hui, beaucoup voient l’IA comme une finalité alors qu’elle n’est qu’un point de départ, une base à partir de laquelle je peux créer de la valeur en tant qu’être humain. ChatGPT ne crée pas de la valeur tout seul…

La maturité digitale a-t-elle progressé en 2023 ?

Non, pas vraiment. Il y a toujours un fossé entre l’usage du digital par la population et ce que font les marques en la matière.

Il y a de l’intérêt, des "POCs", de l’envie parfois, mais ces intentions sont souvent bloquées par les décideurs finaux, qui ne perçoivent pas toujours l’impact que le digital peut avoir sur les résultats de l’entreprise.

En résumé, je dirais que la maturité digitale d’une entreprise est équivalente à la maturité digitale de son Conseil d’administration. C’est donc à ce niveau qu’il faut évangéliser.

Cela dit, ces hésitations s’expliquent aussi par les incertitudes dont je parlais plus haut. Incertitudes technologiques, quels outils choisir aujourd’hui sachant qu’ils pourraient être obsolètes demain ? Incertitudes économiques ensuite, il faut un horizon stable à plus ou moins long terme pour investir dans la technologie, et ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Il faut bien comprendre que la transformation digitale d’une entreprise, c’est changer le moteur d’un avion en plein vol et le redémarrer sans s’écraser entretemps. On peut comprendre que peu osent prendre le risque.

Quels enjeux de 2024 ?

Les données. Elles sont le carburant indispensable des MarTech, IA comprise, mais sont encore trop souvent pas ou peu structurées dans les entreprises. Ce travail de structuration peut prendre des années, il y a donc urgence à l’opérer.

L’intégration des outils, notamment d’IA générative, sera l’enjeu des prochaines années. En 2023, c’est un véritable supermarché des technologies qui a ouvert ses portes avec des rayons remplis d’une multitude d’outils. La prochaine étape pour les marques sera de les sélectionner et de les intégrer dans leurs process. Face à ce barnum, elles seront aidées par deux phénomènes qui ont déjà débuté : la sélection naturelle et l’intégration de fonctionnalités d’IA dans les outils des grandes plateformes, telles qu’Adobe, Meta, Microsoft, etc.

De nouveau, ici, le focus doit être sur l’adéquation entre les objectifs de l’entreprise et les technologies, pas l’inverse. De mon point de vue, ce sont bien ces objectifs qui doivent être le critère de sélection et pas une quelconque course à la technologie pour la technologie. Il faut garder la tête froide et ne pas sauter sur tout ce qui bouge en quelque sorte.

Si 2023 fut le temps de la découverte de ces outils, 2024 devrait être le temps de la compréhension pour mener au choix. En gardant en tête que les technologies sont un moyen, pas une fin en soi.

Cela ne doit pas éviter le travail de compréhension de l’univers digital, qui reste fondamental. Comprendre dans quel monde on vit, comprendre ce que les gens font, ce qui les intéresse, pourquoi ils utilisent tel outil, pourquoi ils sont sur les réseaux sociaux et comment en tant que marque je peux m’y intégrer.

Plutôt qu’une transformation numérique, je parlerais ici d’une intégration numérique, intégration dans la vie numérique des gens.

Quels sont vos points d’attention particuliers pour 2024 ?

Aider mes clients à comprendre l’univers digital, à commencer par les humains.

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