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DEI vs. Retribalisation

Mardi 31 Janvier 2023

DEI vs. Retribalisation

Alors que les notions de diversité, d’égalité et d’inclusion irriguent tous les rapports de tendances marketing, le dernier volet de la très impressionnante étude "Noir, jaune, blues" menée sous la direction de Benoît Scheuer (Survey in Action) pour Le Soir et la RTBF, a de quoi nous inquiéter quant à l’état d’esprit de nos concitoyens. 
 
Parlant de ces fleuves souterrains qui traversent notre société, celui de l’aspiration à la retribalisation prend de l'ampleur partout sur la planète, écrivent les auteurs de l'étude. « Si nous utilisons ce mot de "retribalisation", c’est parce qu’on retrouve dans ce fleuve les ingrédients de l’idéal typique imaginaire de la tribu : appel à l’autorité d’un chef, valorisation de la tradition, homogénéité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse, valorisation de l’émotion au détriment de la raison, ordre vu comme "naturel" versus "culturel", clôture et méfiance vis-à-vis de l’extérieur perçu comme menaçant et de l’étranger "envahisseur" », ajoutent-ils. 
 
Cette forme de tribalisme, caractérisée par un retour sur soi, sur sa famille ou sur son groupe, est partagée équitablement par un peu plus d'un Flamand (54,4%) et d'un Wallon (52,8%) sur deux. Mais il y a pire : plus de 66% (!) des Belges aspirent à un gouvernement autoritaire et constatent l'épuisement du modèle parlementaire traditionnel. Le plus souvent des 35+, moyennement éduqués, qui se disent confrontés à une insécurité financière croissante, qui perçoivent la société qui les entoure comme hostile, qui se sentent impuissants et croient que tout était mieux avant… 
 
À l'opposé de cette aspiration à la retribalisation - qualifiée de « très dangereuse pour nos sociétés » par les auteurs de l'étude -, on trouve un deuxième groupe beaucoup plus restreint : les partisans d'une "société ouverte" (22% de la population). Ils ont moins de 35 ans, ont fait des études supérieures et, accessoirement, ils sont plus susceptibles de vivre à Bruxelles qu'en Flandre ou en Wallonie. Ils s'inquiètent de la polarisation de la société, mais ils veulent œuvrer à un monde nouveau et meilleur. 
 
Enfin, entre les deux, mon cœur me balance : il existe un troisième groupe (des indécis ?) qui naviguent entre les deux courants - retribalisation et société ouverte ; ils représentent un quart de la population.  
 
« Les résultats de cette étude nous obligent à faire face à ces courants, à les comprendre et à les prendre au sérieux », analyse Fons Van Dyck (Think BBDO) sur son blog. Ne pas détourner le regard de cette réalité, ne pas verser de l'huile populiste sur le feu, mais travailler à rétablir la confiance de la population : « Même si la pandémie et l'inflation disparaîtront bientôt, que la guerre se terminera bientôt, espérons-le, le rétablissement de la confiance et de la foi en un avenir meilleur sera un travail de longue haleine, un marathon, avec de nombreux obstacles et embûches en chemin. Mais il n'y a pas d'autre moyen. »
 
Ce travail de longue haleine devra-t-il aussi être mené par les marques ? S’il est communément admis par des nombreux consultants et études que la très grande majorité des jeunes attendent des entreprises qu'elles s'engagent sur des questions sociales importantes, comment doivent-elles se positionner par rapport à une population aussi très largement acquise à l’autoritarisme et au populisme ? 

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