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De l'internalisation de compétences en digital marketing, par Eric van der Haegen et Nicolas Vanderseypen (root: Consulting)

Lundi 16 Mars 2020

De l'internalisation de compétences en digital marketing, par Eric van der Haegen et Nicolas Vanderseypen (root: Consulting)

L’internalisation de compétences liées au marketing digital est un thème qui a déjà fait couler pas mal de pixels. Nous avons déjà tout lu sur le sujet, et son contraire. Il nous paraissait intéressant d’expliquer les raisons du phénomène, ses bénéfices et écueils potentiels ainsi que les diverses solutions qui s’offrent aux acteurs du marché.
 
Le mot "internalisation" fait peur. Pour certains il est la promesse de la destruction d’une partie du business, pour d’autres il est annonciateur de catastrophes opérationnelles à venir. Mais qu’en est-il vraiment ?
 
Avant toute chose, il nous semble utile de préciser le sens du mot. L’internalisation (inhousing chez Shakespeare) est la prise en main d’activités jusqu’alors sous-traitées. Nous considérons qu’elle commence par la reprise de la gestion des licences et outils utilisés pour gérer le media digital et la data. Plusieurs niveaux d’internalisation existent donc.
 
La tendance (globale) est loin d’être nouvelle, mais sa récente résurgence s’explique selon nous par la croissance accélérée des activités des marques sur les canaux digitaux. Cette croissance est propulsée par une série de phénomènes tant stratégiques que techniques :
 
> Les investissements digitaux au niveau mondial continuent de croître : L’étude CMO Survey publiée par Deloitte en avril 2019 démontre une diminution systématique des investissements médias traditionnels au profit des canaux digitaux sur les 10 dernières années.
 
> En Europe, l'e-commerce a atteint de nouveaux sommets, les plus hauts mesurés depuis 2009 à travers une série de secteurs différents. La Belgique n’est pas en reste, avec 11 milliards dépensés en 2018 en achat de biens et services (source : export.gov, e-commerce in Belgium - June 2019). La qualité de notre réseau Internet, sa pénétration, le parc d’appareil mobile et les habitudes d’achats en ligne sont autant de facteurs de croissance.
 
Ce qui signifie que les marques se tournent logiquement vers ces environnements, de manière significative - avec donc un accroissement des investissements médias. Cette augmentation provoque chez les annonceurs une série d’inquiétudes somme toute légitimes. 
 
Tout d’abord les coûts liés à ces opérations, qui s’envolent. Les questions relatives à la gestion de la data et des données privées. L’impact sur le customer journey (plus d’intervenants dans la supply chain signifie plus de problèmes potentiels). Les questions autour de la brand safety, la vitesse d’exécution (dans un monde où la réactivité dicte les conditions du succès), la dilution de la connaissance de la marque et de ses intentions, et enfin la gestion des budgets médias. 
 
Sur ce dernier point, une attention toute particulière est portée aux achats programmatiques dont la complexité, le détail des inventaires et la transparence relative au niveau financier inquiètent. 
 
Il est donc logique que les annonceurs se posent des questions et envisagent de reprendre le contrôle de ces activités. La plupart ne se rendent pas compte qu’ils sont déjà sur la voie de l’internalisation. Posséder ses propres licences d’outils est la première étape, souvent déjà franchie en ce qui concerne par exemple le social media ou le SEA - les partenaires externes exécutant directement dans les comptes des clients. C’est pour nous une façon de travailler impérative, qui devrait être la norme. 
 
Pour le reste, une internalisation complète du média ne se fait pas du jour au lendemain. C’est en tout cas le message que nous essayons de faire passer à nos clients. 
 
De tels projets sont complexes, ils prennent du temps et impactent différentes composantes d’une société - des RH aux finances, en passant par les infrastructures IT. Leur importance doit donc être bien comprise, et surtout appuyée et facilitée par tous au sein d’une organisation. 
 
Les décisionnaires doivent faire en sorte d’allouer à la fois du temps et les ressources nécessaires aux collaborateurs qui vont participer activement au projet. Les enjeux stratégiques pour l’entreprise doivent être communiqués clairement et compris par tous. Les négociations de contrats technologies devront se faire avec une connaissance accrue des pratiques en la matière, et une vue complète du panel complet d’outils qui seront nécessaires pour assurer le bon déroulement des opérations actuelles tout en gardant un oeil sur le futur (il est compliqué de changer ou migrer une partie de son écosystème technique d’une solution vers une autre).
 
Cela étant dit, l’internalisation totale (technologies et équipes) n’est pas une fin en soi. Il existe toute une série de situations intermédiaires qui conviennent parfaitement. Des annonceurs opèrent aujourd’hui certaines activités eux-mêmes, mais toujours épaulés par des partenaires tiers. Toutes les sociétés ne sont pas candidates à ce type de projet ; du fait de leur taille par exemple, ou encore de la nature de leurs opérations (toutes n’opèrent pas un e-commerce par exemple).
 
Les bénéfices mesurés lors de premiers projets que nous avons pilotés sont avérés. Entre rapidité et maîtrise des coûts. Pourtant, nous avons entendu et lu quantité d’articles illustrant un retour en arrière ; certaines sociétés n’étant pas satisfaites de cette nouvelle configuration. Les principaux soucis viennent le plus souvent d’une absence d’émulsion interne (il est par exemple difficile en matière d’expérience, de se tenir à jour quand on est "isolé" au sein d’une structure dans laquelle n’évoluent pas d’autres profils similaires au sien).
 
Et les agences dans tout ça ? La bonne nouvelle est qu’elles existeront toujours. Elles se doivent "simplement" de migrer et rassembler leurs activités pour devenir des centres d’expertises. Les annonceurs seront aussi responsables de leur maintien. S’ils souhaitent bénéficier d’un conseil de qualité, ils se doivent de comprendre la nature complexe des activités liées au media digital. Leur gestion demande du temps et de l’expérience. Les deux requièrent un investissement en conséquence - la valeur ne se trouvant pas dans l’économie à outrance sur la rémunération.
 
La question de l’internalisation vaut donc la peine d’être posée. Y répondre par la négative n’est pas un échec, bien du contraire. Se lancer dans un tel projet peut être extrêmement bénéfique. Il n’y a pas de solution unique, si ce n’est une approche commune de tous les acteurs : travailler en partenariat, rémunérer à la hauteur des prestations et comprendre les enjeux nous semble un bon début.

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