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Et si DPG Media ouvrait son Ad Manager à l'ensemble du marché?, par Geert Debruyne (fma)

Dimanche 5 Octobre 2025

Et si DPG Media ouvrait son Ad Manager à l'ensemble du marché?, par Geert Debruyne (fma)

Que l’on soit relativement jeune ou que l’on appartienne à un public cible plus mûr, nous appréhendons tous l’achat média sous le même angle. Dès lors que l’on gère des budgets importants, on collabore avec une agence média qui planifie, négocie, achète et rend compte de votre espace média. Et qu’il y ait là un problème de « séparation des tâches », comme le qualifient les auditeurs tatillons, n’a pas vraiment d’importance. La question est de savoir si ce sera encore le cas dans 5 ans...
 
La réponse est assurément "non", du moins en termes de "chiffres" et de "budgets". Pourquoi ? Eh bien, l’achat d’espace média et la négociation des montants précités passent, bien sûr, par une régie ou "saleshouse" pour parler la langue globalisée. C’est logique, car ce sont les DPG Media, RMB, JCDecaux et Ads & Data qui possèdent et vendent le produit final, à savoir l’espace média.
 
Et c’est précisément là que des (r)évolutions remarquables surviennent chez chacun d’entre eux ! Ces derniers se battent pour leur survie (pensez à RMB et France TV) et misent sur les innovations technologiques indispensables afin de tenter de résister aux grands acteurs mondiaux. Mais dans le même temps, les régies deviennent également des concurrentes des agences médias. 
 
Vous avez peut-être assisté au lancement par DPG Media de son Ad Manager+, il y a deux semaines. « Ad Manager+ est une extension de la plateforme publicitaire en libre-service Ad Manager existante, qui ajoute des fonctionnalités d’IA pour faciliter la planification média, la gestion des campagnes et l’optimisation. » Relisez la phrase précédente, cher annonceur, et repérez un concept qui vous frappe. C’est lui qui m’a interpellé, qui m’a coupé le souffle pendant un instant et qui m’a finalement poussé à jeter un regard discret dans la salle. Je n’y ai vu que des visages stoïques, même chez les CEO des agences médias.
 
Bizarre... car que dois-je comprendre de cette déclaration ? Quelque chose comme : « Nous sommes prêts à faire de la planification et de l’optimisation média de manière très efficace et moderne ». Or, c’est exactement ce qui figure dans la vision et la description des tâches de presque toutes les agences médias...
 
DPG Media affirme ainsi proposer un service en libre-service dopé à l’IA, qui simplifie la publicité sur les canaux digitaux premium pour les agences comme pour les annonceurs. La stratégie qui sous- tend cette approche est digne de Harvard, ce qui n’a rien d’étonnant lorsque votre patron s’appelle Van Thillo et compte parmi les plus brillants esprits du marché.
 
Le professeur Clayton Christensen explique de manière incroyablement pertinente et claire ce qui se joue en l’occurrence. Ecoutez pendant une minute - de la minute 23 à la 24 - ce professeur de Harvard… Voilà précisément ce qui est à l’œuvre ! Ils font une percée par le bas, avec une stratégie brillante, parfaitement rodée et ultra préparée. Maisf ranchement, ils n’avaient pas d’autre choix ! Saviez- vous qu’aux États-Unis, les achats directs pèsent désormais 40% de l’ensemble du marché média ?
 
Que les patrons d’agences soient restés de marbre en écoutant n’a rien de très étonnant. Ils ont bien conscience de ce qui se trame outre-Atlantique et n’en sont probablement plus à redouter les saleshouses comme rivales, mais à penser avant tout à leur intérêt et aux opportunités. Rien de ce qui est humain ne nous est étranger ! Moins d’outils maison, moins de maintenance de bases de données, un meilleur ciblage, un accent mis sur les gros clients efficaces et surtout des coûts réduits dans l’exécution des contrats publicitaires (lisez : avec moins de personnel). En d’autres termes, DPG Media fait en fait le strict nécessaire à la place des agences. Et pendant ce temps, ces agences continuent de se débattre. WPP Media Belgium a notamment fait ses adieux cette semaine à son CEO, son CFO et son Trading Director. Leurs trois fonctions seront reprises par... WPP Media Nederland.
 
En conclusion : centraliser et globaliser pour compenser la baisse des marges et, fort heureusement, soutenir l’investissement. C’est bien sûr un phénomène de tous les temps… Ce qui nous intéresse plus particulièrement chez fma, c’est de savoir si ces investissements (comme Ad Manager) constituent une bonne réponse à la violence du monde média international.
 
Sur certains points, oui, et c’est déjà une bonne nouvelle ! L’objectif de transparence de fma trouve, par exemple, une meilleure réponse dans Ad Manager+ que dans DV360 (Google Ads et donc aussi YouTube). La structure des coûts de ce dernier n’est pas un modèle de clarté et de transparence. L’Ad Manager fait mieux avec son approche « pas de frais techniques supplémentaires/pas de coûts cachés ». Mais l’épreuve de vérité reste à venir…
 
L’Ad Manager peut aussi exploiter les données first-party locales issues de la base de données de DPG Media, mais "local" signifie ici forcément "limité" : moins de points de données que Meta, par exemple. Tout comme la portée ne s’étend bien sûr qu’au réseau DPG. Mais, et c’est ce que nous retenons du State of the Union du CIM du 23 septembre dernier et du cas de la Loterie Nationale, « les médias locaux ont converti deux fois plus efficacement que les plateformes internationales ».
 
En bref, à l’heure actuelle, l’Ad Manager de DPG Media est certainement une bonne solution pour les campagnes moins complexes sur le marché belge ou néerlandais, sans trop de restrictions (cookies et autres). Si vous souhaitez connecter vos propres fournisseurs de données ou utiliser des modèles d’attribution et que vous avez besoin d’enchères avancées, ce n’est pas (encore) la solution.
 
On peut faire mieux, et on devrait d’ailleurs faire mieux, parce qu’il faut bien l’admettre : DPG Media ne remportera pas le combat face aux mastodontes mondiaux. Et DPG Media ne peut pas non plus sauver à lui seul nos médias belges. Ce que ce groupe fait principalement aujourd’hui, c’est renforcer sa position sur le marché belgo-néerlandais et prendre une avance technologique considérable. Mais s'il veut vraiment aider le secteur belge des médias, ne devraient-ils pas ouvrir son Ad Manager à l’ensemble du marché ?
 
Si nous voulons vraiment concurrencer les ad managers de Meta, TikTok et bientôt Netflix et Amazon, nous devons travailler de manière beaucoup plus groupée et oser proposer une offre unique pour assurer la survie de notre contenu premium.
 
Voici donc la question à laquelle nous espérons obtenir une réponse positive dans les mois à venir : d’autres acteurs locaux importants rejoindront-ils l’Ad Manager de DPG Media ?
 
Ce serait une belle (r)évolution...
 

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