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Plan TV+M: audiovisuel et publicité, où est passé l'argent?, par Bruno Liesse

Vendredi 20 Juin 2025

Plan TV+M: audiovisuel et publicité, où est passé l'argent?, par Bruno Liesse

Autopromu "rendez-vous des professionnels de la production TV et multimédia", l’événement Plan TV+M qui s’est tenu le 5 juin dernier au Courtyard d’Evere a rassemblé pas moins de 200 personnes issus des milieux précités, mais aussi de quelques métiers voisins. La thématique du jour avait de quoi rassembler du monde : "Audiovisuel et publicité : où est passé l’argent ?". Avec un sous-titre en forme de promesse : "À la recherche de nouveaux modèles de financement". Keynotes, débats, études de cas et networking pour explorer de nouvelles dynamiques entre les secteurs étaient au programme, lisible sur Plantvm.be
 
Ayant le bonheur d’avoir travaillé pour TWIST dans le passé, j’étais invité à présenter un point de vue très publicitaire et à animer un débat entre représentants des régies et agences. Je vous résume ici la section pouvant intéresser les lecteurs de Media Marketing
 
Découverte d’une nouvelle galaxie
 

Des conférences sous l’emblème de TV+M, pour production TV et Multimédia. Bien que ces métiers connexes de la production audiovisuelle concernent directement ou indirectement à peu près chacun d’entre nous, il faut admettre que nous en connaissons peu leurs acteurs et associations. En voici quatre d’un coup, à savoir UpTVm, TWIST, play.brussels et Mediarte, à la base de cette assemblée récente qui nous dit proposer des contenus sur "les dynamiques entre les secteurs de la publicité et de l’audiovisuel & multimédia". Le tout orienté résolument "sud" et bénéficiant également du soutien de Wallonia Clusters, de Wallimage et du BVAP. Autant de noms d’entités qui ne vous diront peut-être rien sauf exceptions, et qui touchent à la production, aux médias et à la publicité au sens large.
 
Pour les principaux responsables des associations du jour, dont respectivement Céline Vanden Eynde (VP, UP-TVm), Pierre Collin (CEO, TWIST), Baptiste Charles (Conseiller Politique, Play.brussels) et Alizé Loumaye (Program Manager, Mediarte), l’enjeu est clair et la perspective de ce deuxième Plan TV+M tout autant : trouver des pistes de supports pour le développement des services locaux face à un marché devenu mondial, hyperconcurrentiel et complexe. 
 
Un état des lieux inquiétant
 

Le focus sera mis sur les flux des investissements publicitaires et associés, venant des annonceurs et dans le but d’inspirer des pistes de nouveaux développements "dans un monde d’audiences fragmentées". Et des budgets qui ne le seraient pas moins. Tout en mentionnant qu’une autre partie des moyens provient aussi du secteur public, avec autant d’interférences sur la ligne, mais ce n’est pas l’objet de cette section-ci. 
 
La grand-messe débute concrètement par un bilan chiffré de la situation, présenté par votre serviteur avec sa casquette agence média (Space). Et il n’est pas rose, mais ça vous le saviez déjà. Pour une fois, je n’ai pas fait d’étude, j’ai regardé tout ce qui existait, et passé en revue une quinzaine de sources : Deloitte UK & US, Publicis Groupe, GroupM, Space, DPG, UMA, VIA , CIM, Nielsen, IAB, Commpass, etc. Mon document de présentation pourrait passer pour un recensement utile, je l’espère, mais brûlant. Ma conclusion est factful et imparable, comme constructive. 
 
Force est de constater, en amont de cela, une triple tendance confrontante : tout d’abord, la globalisation, voire la virtualisation du business. Voulant dire, et comme Zuckerberg ne s’en cache plus, la capacité des plateformes à faire littéralement disparaître certains métiers, du moins matériellement, et au profit d’une automatisation des pratiques, augmentée d’intelligence technique. Le tout au service en effet des headquarters qui sans état d’âme, y voient une façon de mieux centraliser leurs plans marketing avec les économies associées. Ceci vaut pour le media planning, le trading, mais aussi bientôt pour la création et dans toutes ses composantes. 
 
Ensuite, le shift de la publicité dite classique vers d’autres formes, en train de devenir les nouvelles normes, en tous cas pour certains segments-cibles. Je pense ici aux jeunes adultes et au native, aux vidéos formats courts, aux tutos ou à l’influence, mais le search et la performance sont autant de nouveaux piliers stratégiques, moins fun et plus productifs. Enfin, la méconnaissance cruciale des décideurs quant aux facteurs qualitatifs, sociétaux ou tout simplement basiques parlant des bases de leur métier. Difficile dans ce cas de résister au populisme marketing des géants américains (et d’ailleurs). Seule la bonne information et l’éducation professionnelle pouvant constituer l’antidote aux décisions trop rapides, sous influence, ou court-termistes.
 
Quant aux recommandations attendues par la salle et dont les contenus restent à débattre, les trois pistes seraient les suivantes et dérivent logiquement des grands constats :
 
> Le gâteau des budgets pub ne se réduit pas, il se divise en portions qui se déplacent, et vite. Il convient donc d’être agiles et de suivre les tendances plutôt que de résister, ou pire encore, s’isoler « dans son petit commerce sans regarder la rue et causer avec ses voisins, même concurrents ». La première règle serait déjà de renforcer la solidarité au sein d’un secteur, et mieux, entre secteurs connexes. Le tout à un niveau national et en visant le marché international. De ceci, et malgré des initiatives visibles, nous sommes éloignés - parlant de la FWB mais aussi des médias belges. Sauf que l’ensemble des participants au rassemblement Plan TV-M « semblent converger vers cet objectif et la nécessité de créer un hub commun dont l’utilité serait vite reconnue », dixit Pierre Collin, le CEO de TWIST, le cluster média dont la mission est de renforcer l’innovation et la croissance de l’industrie des médias en Wallonie. 

> Embrasser les innovations et les technologies, quitte à (re)devenir un centre d’excellence pour le continent. Au lieu de regarder des vidéos époustouflantes de réalisme produites par l’IA, devenons les champions du genre. A défaut de développer de telles applications pour l’instant, utilisons-les au mieux, apprenons-les, contrôlons-les. Ceci fait appel à un autre conseil général : le décloisonnement des métiers et des services. Parlant de la production AV, pourquoi ne pas connecter ou développer de façon organique les pratiques en plein essor et qui voisinent l’audiovisuel ? A savoir l’influence marketing et le rôle central des éléments vidéo dans cette catégorie, ou les compétences en story-telling si recherchées de nos jours, ou encore les formats "partner content" et tutoriels en tous genres. « Plutôt que d’attendre des briefings pour des fictions ou des émissions TV qui n’arrivent plus, autant assembler tous les genres et les pousser auprès des clients, qui peuvent être des marques en direct, des régies, des agences », aura-t-on entendu dans les réactions. 

> Et justement, « développer un marketing plus efficace sur ces bases », comme titre du dernier slide de la présentation en question. Afin de « faciliter la commercialisation de ces services », mais aussi en valorisant la qualité des productions locales, c’est-à-dire belges, ou dans le cas présent. Sans oublier des aspects pratiques non secondaires comme le prix et la flexibilité : nous en aurions dans notre petite région, et ce serait reconnu depuis longtemps par certains pays limitrophes. Si ce n'est que les bonnes collaborations avec la France ou autres, correspondent à des couloirs délimités et des projets spécifiques. Ici, la volonté serait de valoriser nos avantages et qualités à un niveau industriel et international. Cela devra passer par les points précédents : la maîtrise de toutes techniques possibles et nécessaires, la solidarité indispensable pour atteindre de la masse critique, et le décloisonnement des esprits avant tout le reste. Et le support du public serait un must, car l’auto-financement ou la participation d’investisseurs privés ne sont pas toujours les scénarios les plus intéressants sur le plan stratégique. 

Petite discussion entre amis
 
De débat, il en fut justement question avec une jolie sélection d’intervenants, à commencer par la présidente de l'UMA, Nathalie L’Hoir (Managing Director, UM), mais également Barbara De Wolf (Sales Manager, Brand Studio - Ads&Data), Erwin Lapraille (Media TV Director, RTL Belgium), Denis Masquelier (Media Expert) et Dimitri Lemmens (Head of Content & Creativity, Slice - RMB). Un panel assez riche pour témoigner du versant médias publicitaires, que j’ai eu l’honneur d’animer. Ceci pour une conversation ouverte et sans filtre autour des relations entre audiovisuel et publicité, et dont le but était tout autant « d’aider à anticiper l’avenir et construire des modèles durables. » 
 
L’optique était aussi de donner des exemples à l’audience à titre de benchmark venant des agences médias et des régies. En effet, la nécessité pour ces deux acteurs de se diversifier et trouver des revenus complémentaires était indispensable, depuis plus de dix ans. En cause, les mêmes éléments qui précèdent dont la pression sur les coûts et la redéfinition de valeurs ajoutées. Une diversification devenant bientôt structurelle et au centre des activités.
 
La suite de l’agenda a porté sur des sujets centrés sur le cœur des métiers des communautés de Plan TV-M, comme l’intervention de Joshua Koffel (Head of Product, AB InBev), évoquant sa démarche « face aux publics de plus en plus réfractaires aux formats publicitaires classiques ». Et comment parvenir à maintenir l’attention d’une audience loin des modèles publicitaires d’hier : un exposé éclairant sur les nouvelles formes d’engagement entre marques, contenus et audiences ou l’audiovisuel de qualité trouve pleinement sa place. 
 
En dernière position mais d’un intérêt premier, la conférence partagée sur de nouveaux modèles expérimentés avec succès dans cette recherche pour des nouveaux revenus combinant technologie et contenu. Au micro, trois talents reconnus : Sébastien Rensonnet (producteur et réalisateur, Ovni Media), Guihome (vidéaste, humoriste, producteur), Simon Gérard (Co-Directeur & Producteur, Silent Jill) et Quentin Mayné (Expert en Creator Economy, Level Up & Udpated). En lien avec les précédents sujets, ils ont évoqué la mise en cause des repères traditionnels de la production de contenu. Dont une nécessaire réinvention et l’apparition de nouveaux acteurs. Des keynotes mettant en lumière la façon dont l’essor des superproductions, la diversification des acteurs et l’impact des grandes plateformes reconfigurent la chaîne de valeur et celle du travail. Il fut question d’exemples concrets, belges et internationaux. Toujours dans but de détecter et partager des leviers pour des projets ambitieux, identifier de nouvelles opportunité et repenser les stratégie de développement dans un écosystème en pleine mutation. 
 
Comme indiqué en introduction de ces grandes retrouvailles, il sera probablement utile de tenir ces sessions plus d’une fois l’an, et surtout, d’en retirer différents plans d’action, pour une partie en commun. L’union fait la force, rappelait un orateur. La formule ne serait pas si bateau, dans un marché mondial où nous avons six milliards de producteurs de contenus audiovisuels, ai-je osé préciser. Les professionnels locaux y sont invités à rappeler ce qui les distinguent positivement de tous les autres.

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