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Kris Hoet nous parle de l'innovation et de son projet Warped

Dimanche 19 Février 2023

Kris Hoet nous parle de l'innovation et de son projet Warped

Après une magnifique carrière dans des agences réputées telles que Duval Guillaume et Happiness et FCB Global, Kris Hoet a décidé qu’il était temps de suivre sa propre voie. Celle-ci passe par Warped, studio d’innovation créative dont il est le fondateur, et par l’intérêt fondamental qu’il porte au changement et à la transformation.

Vous pouvez vous targuer d'un état de services impressionnant, tant au niveau national qu'international chez FCB, où vous étiez jusqu'il y a peu Global Chief Innovation Officer. Désormais, vous vous décrivez comme un agent du changement. Que faut-il entendre par là ? Et que recouvre votre nouveau projet, Warped ?

À son lancement en 2014, Warped était une newsletter destinée à fournir de l’inspiration sous un angle inattendu à celles et ceux qui s'y inscrivaient. En effet, selon moi, nous n’abordons pas l’inspiration de la bonne manière : nous la puisons toujours dans notre propre univers et nous voulons pouvoir l’utiliser tout de suite, dès le lendemain. Du reste, je pense que nous devrions la chercher largement en dehors de notre secteur, dans des éléments en avance quant à leur utilisation, dans la technologie par exemple, ou qui dévoilent un nouveau type de comportement ou de business model. D'où ma baseline "Inspired by the unknown". Il faut ouvrir son esprit à l’inconnu.

Ce qui était à l'origine un terrain de jeu, est devenu un business, avec pour objectif de répondre à une problématique qui revient sans cesse sur le marché. Je vois continuellement des entreprises s’acharner à innover de manière systématique. Elles organisent des workshops et toutes sortes de sessions pour se renouveler, mais avec peu d'impact sur le day-to-day. 

Comment les entreprises peuvent-elles inverser la tendance ?

Pour commencer, les entreprises doivent se pencher sur la manière dont elles construisent leur marque. Je pense que celle-ci est trop classique, même si le story-telling et le -doing sont traités de façon innovante. J’entends par là que nous ne cherchons ici qu’à nous différencier, ce qui nous fait passer à côté d’opportunités, en particulier au niveau de la technologie sous-jacente dans laquelle d’énormes investissements sont pourtant consentis. Des investissements pour soutenir le marketing et l’expérience consommateur, mais qui ne permettent quasi aucune différenciation. C’est en partie dû au fait qu’on n’utilise pas l’IT pour construire des marques et que le marketing s’intéresse moins à l’aspect structurel de la technologie. 

Quand on jette un œil sur les listes Best Brands d’Interbrand, on remarque souvent que les grandes marques technologiques qui y figurent en tête possèdent toutes une forme de pensée écosystémique. 

Ce terme nécessite évidemment quelques explications, car il est trop souvent mal utilisé. Par écosystème, j’entends un système dans lequel chaque partie apporte de la valeur à l’ensemble et en retire aussi pour elle-même, toujours au bénéfice de l’ensemble. Amazon en est un très bon exemple. En fait, le groupe utilise le modèle "razer and blade", mais sous stéroïdes. Ils cherchent comment faire entrer les gens dans un écosystème et, d'autre part, comment en tirer profit. Ils ont par exemple lancé Kindle pour répondre à l’évolution des habitudes de lecture. En soi, cet e-reader n’a pas rapporté beaucoup d’argent, mais les chiffres montrent que les utilisateurs de Kindle dépensent deux fois plus sur Amazon que les non-utilisateurs. Et ce dans sept ou huit catégories de plus, par ailleurs. Amazon expérimente ainsi le TIG marketing. Il en va de même pour Prime Video. 

En d’autres termes, il faut veiller à ce que les gens aient non seulement un lien émotionnel avec votre marque, mais qu’ils y soient aussi connectés par le biais du système, d’une manière qui vous fasse gagner de l’argent. Les bons partenariats peuvent également jouer un rôle important pour maintenir les gens au sein d’un écosystème. Les marques sont ainsi mieux à même de s’aventurer sur des terrains de jeu plus modernes. 

Nike est un bon exemple de ce dernier point, avec sa "house of innovation", ses memberships et des initiatives comme ses Cryptokicks, où l’achat de vraies chaussures vous permet d’en acquérir la version virtuelle - l’un des rares investissements intelligents dans le métavers et les NFT, soit dit en passant. Au final, les consommateurs ont du mal à quitter cet écosystème. Ils peuvent le faire, ça ne leur demanderait en fait que peu d’efforts, mais ils ne veulent pas parce qu’ils perdraient alors les nombreux avantages liés au système.

Vous êtes aussi un fervent partisan des petits changements.

C'est vrai. Au sein des entreprises, il faut essayer de changer les comportements d’abord par de petites interventions plutôt qu’avec des projets à grande échelle, pour que chacun se mette à penser différemment et évolue peu à peu. Quelqu'un a dit un jour que la culture n'est rien d'autre que l'effet secondaire d'un comportement cohérent. L’idée est de tenter de faire évoluer le comportement de chacun pour parvenir à une culture plus innovante. 

Enfin, j'aimerais souligner que les entreprises doivent davantage se demander dans quel domaine il est préférable qu’elles innovent. Autrement dit, elles ne doivent pas se limiter à ce qui est hype. Pour cela aussi, il existe des méthodes de réflexion et des moyens de repérer les schémas comportementaux de manière à dégager les macro-tendances. Il est alors plus facile de se concentrer sur les grands terrains de jeu, plutôt que sur des fantaisies superficielles.

Au fait, toutes les entreprises doivent-elles innover ?

Absolument. L’immobilité, c’est reculer. Les comportements changent, de plus en plus vite, et cela a un impact sur votre marque tout court. De plus, au départ, l’innovation est souvent défensive, pour protéger ce qui existe. Pourquoi ne pas faire quelque chose de totalement différent ? 

Et vous, où puisez-vous l’inspiration ?

Partout. Je trouve par exemple la comédie de stand-up très inspirante pour la stratégie : des insights consommateurs bien exprimés, connaître son public… J’écoute beaucoup de choses relatives aux sciences, et je lis beaucoup. Je dispose également d’un réseau international avec lequel j’échange régulièrement des idées. 

Je préfère échanger sur des choses que je ne comprends pas très bien mais qui ont l’air intéressantes et qui m’incitent à me documenter. Il s’agit rarement de sujets en rapport avec la publicité ou la communication. J’aime fouiner, et toute personne ou marque confrontée au changement et à la transformation peut participer à la discussion. 

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