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Aura-t-on encore besoin de journalistes dans le futur ?, par Fred Bouchar (MM)

Dimanche 31 Janvier 2021

Aura-t-on encore besoin de journalistes dans le futur ?, par Fred Bouchar (MM)

C’est la question que posaient nos confrères de L'Echo à Jacques Attali. Réponse - cinglante - de l'économiste français, dont le nouveau livre traite de l'histoire des médias sur plus de 500 pages : « C’est un métier menacé de disparition. »

Pfff. Ça fout un coup moral, non ? 
 
« Les technologies permettent à chacun de devenir le journaliste de lui-même, sans limite ni contrôle du vrai, pour ne parler que de soi à des communautés dont seuls les réseaux sociaux ont les clés », commente-t-il.
 
En même temps, Attali le reconnaît : « On a plus que jamais besoin de journalistes, pour analyser les choses, dire le vrai, repérer les fausses nouvelles, confronter des points de vue contradictoires ». 
 
Ouf. Nous voilà (un peu) rassurés. 
 
Le dernier rapport des tendances médias du Reuters Institute va d’ailleurs dans le même sens : une majorité d’éditeurs et d’experts digitaux sondés disent que la crise a renforcé leur confiance en l’avenir de leur propre entreprise (73%) et envers le journalisme en général (53%). 
 
Du reste, près de 70% estiment que la recrudescence des fake news rassure plus qu’elle n’inquiète et renforce plutôt le journalisme. On s’en rend compte chaque jour : le devoir d’enquête, le fact-checking, le journalisme basé sur les data deviennent des enjeux cruciaux. De même, la nécessité de recruter des journalistes spécialisés vs. des généralistes ultra-polyvalents et réactifs, utiles dans une guerre de clics, mais démunis sur les sujets experts susceptibles de doper l’info payante… Tout est cela est dans le rapport du Reuters Institute.
 
Et tout cela va de pair avec l’une des préoccupations majeures des marques médias : la nécessité de se reconnecter à leur audience. Tout simplement parce que leur modèle d’affaire principal est plus que jamais fondé sur l’abonnement.
 
Vous le saviez déjà, l’enquête du Reuters Institue le confirme : pour 76% des sondés, la crise actuelle a accéléré la transition numérique des rédactions. 
 
Parlant de leurs différents leviers en termes de revenus, ils sont également 76% à qualifier d’important ou de très important les stratégies d’abonnement numérique. Avant le display ou la pub native. Les éditeurs qui continuent à dépendre des revenus print et de la pub digitale devront s’attendre à des lendemains difficiles, préviennent les auteurs du rapport.
 
Parmi les autres leviers de la presse - e-commerce, affiliation ou événements en ligne qui peuvent s’avérer efficace pour créer du lien avec sa communauté et renforcer l’attractivité d’une offre de contenus -, le Reuters Institute évoque également l’application des accords passés (et à venir) avec Google sur l’exploitation des contenus médias. On les avait presque oubliés ces fameux droits voisins ! 
 
2020 fut aussi l’année des newsletters, pointent les auteurs du rapport : ils les décrivent comme des outils très complémentaires pour l’acquisition d’abonnés, par l’engagement qu’elles génèrent, la récurrence de visites et la communauté qu’elles peuvent engendrer.
 
(Nous ne dirons pas le contraire : sur ces deux dernières années, le succès de MM e-News nous a permis d’augmenter de 20% les revenus issus de nos abonnements…)
 
Plus loin, et histoire de boucler la boucle, le Reuters Institute indique que l’intelligence artificielle est la principale innovation à venir en termes d’impact pour le journalisme. L’IA pour trouver de nouvelles histoires et publics, pour accélérer la production de contenus et en améliorer la distribution… Avec toutefois la crainte que ces innovations ne profitent qu’aux médias capables de suivre la cadence infernale d’investissements qu’imposent la tech et l’usage des data. 
 
En résumé, et comme l’écrivait Philippe Laloux dans Le Soir, nous aurons toujours besoin de plus de journalisme, mais sans doute avec moins de journalistes.

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