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Le courage de la nuance, par Griet Byl (MM)

Dimanche 28 Janvier 2024

Le courage de la nuance, par Griet Byl (MM)

Les nostalgiques (surtout côté néerlandophone) ont peut-être versé une larme symbolique la semaine dernière, en apprenant que les magazines scolaires Zonneland, Zonnestraal, Zonnekind et Doremi - qui dans un passé pas si lointain faisaient la fierté du Groupe Averbode - cesseront de paraître à partir de septembre. Plantyn, qui avait repris la maison d'édition de l’abbaye l'année dernière, met fin à la version papier et fusionne ces titres emblématiques qui ont appris à (mieux) lire à des générations d'enfants. 

Bien sûr, quelque part, cette décision se comprend en ces temps de rationalisation omniprésente et nécessaire. Même si Plantyn s'adresse principalement au segment de l’éducation, le monde de l’édition belge en général essaie de garder le cap par gros temps depuis plusieurs années. Les raisons ne manquent pas : baisse des revenus due à des budgets sous pression, augmentation des coûts du papier et du personnel, concurrence accrue de l'extérieur. Sans compter une préférence grandissante d’autres formes de consommation média, principalement numériques et audiovisuelles. 

Après tout, une journée ne compte que 24 heures, et si 277 d'entre elles sont consacrées à l'audio et 300 à la vidéo comme le montrent les derniers Audio et Video Observers, combien en reste-t-il pour lire ?

Faut-il s’en inquiéter ? Quand on sait que les aptitudes en matière de compréhension de lecture à l’école sont sous pression et que rédacteurs et journalistes sont censés adapter leur vocabulaire à la « dé-alphabéitisation » croissante (sic), sans doute, en effet. Au point même que l’on pourrait se demander comment la prochaine itération de ChatGPT pourra encore  apprendre à son algorithme à lire convenablement…

En attendant, une autre polémique fait rage en France, autour de l'éternelle question de savoir si une œuvre littéraire peut ou doit être séparée de la personne de son auteur. Dans le viseur cette fois l’écrivain Sylvain Tesson - autrefois plébiscité par le public, mais aujourd'hui discrédité en raison de ses sympathies d'extrême droite : sa nomination en tant que parrain du Printemps des poètes a incité un millier d'acteurs des secteurs culturels à publier une pétition dans Libé en guise de protestation, conduisant la directrice du festival de poésie à présenter sa démission. 

Sa décision résout-elle le problème ? Évidemment pas. « Le service après-vente des prises de position est devenu un job à temps plein et ce temps qu'on y consacre semble de plus en plus vide. Le monde est assez détestable et le serait d'autant plus qu'on n’y admettrait pas d'autres horizons que le sien », déclarait l'écrivain Nicolas Mathieu sur Instagram.

Et vous savez quand même que l’art de jongler avec les mises en perspective font partie des expertises dans lesquelles notre industrie excelle… Après avoir nous vendu un avenir monochrome rose bonbon, il est maintenant grand temps de proposer au moins 50 nuances arc-en-ciel comme alternative à la réalité bien trop noir et blanc. Avec le courage de la nuance, comme le dit si bien notre amie et auteure Véronique Sels.

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