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Blockchain et publicité en ligne : séparer le mythe de la réalité, par Catherine Hubaut (Gamned!)

Jeudi 21 Novembre 2019

Blockchain et publicité en ligne : séparer le mythe de la réalité, par Catherine Hubaut (Gamned!)

Avant l’arrivée du programmatique, trois acteurs se retrouvaient sur la chaîne publicitaire : l’annonceur, l’éditeur et l’utilisateur. A ceux-ci est venue s’ajouter une douzaine d’intermédiaires (AdServer, DSP, SSP, Trading Desk, AdVerification, Data Providers, SDK et autres DMP). Tous participent à chaque campagne, complexifiant cet univers à tel point que plus personne n’y comprend grand-chose. Certains évoquent aujourd’hui la blockchain comme une possible solution pour clarifier et sécuriser un marché devenu opaque. Mais cette technologie est-elle assez mature pour répondre aux besoins du secteur de la publicité en ligne ? 
 
Un écosystème complexe, générateur de fraude
 
Sur le marché de la publicité en ligne, la fraude se chiffre en milliards de dollars. Des robots se font passer pour des humains, des éditeurs surévaluent leur audience, de faux espaces publicitaires sont vendus et les statistiques sur les résultats des campagnes sont gonflées… Facebook et Google ont déjà été pris en flagrant délit de "triche" et ils sont loin d’être des cas isolés. La blockchain pourrait-elle alors être une option crédible pour lutter contre la fraude ? 
 
Son fonctionnement repose sur le même principe qu’un livre de comptabilité. En permettant d’enregistrer l’ensemble des données de la chaîne publicitaire, en les rendant infalsifiables et vérifiables, cette technologie semble avoir de nombreuses cartes à jouer sur les enjeux de lutte contre la fraude : immuabilité, sécurité, transparence des transactions… 
 
Il n’en demeure pas moins que la blockchain ne permet pas encore de prendre des décisions en temps réel. Quand on a 10 millisecondes pour répondre à une enchère, on comprend vite sa limite. Autre point qui freine son essor : l’absence de standard. Ainsi, un SSP peut enregistrer 1% de fraude, lorsqu’une DSP en comptera 2% et un annonceur 4%. 
 
Plus de visibilité et de confiance sur l’ensemble des maillons de la chaîne
 
La blockchain apparaît comme particulièrement pertinente sur la mise en place de listes de diffusion (whitelist et blacklist), la transparence et la simplification de la chaîne de distribution média, la réconciliation ou encore les paiements. Ainsi, cette technologie remplace la confiance par le cryptage. Plus besoin de faire appel à des tiers payants ni à des arbitres de qualité du trafic, comme Google. Couper ces intermédiaires signifie également éliminer les failles, puisque les annonceurs n’auront plus à traiter leurs données à l’extérieur de leur écosystème. 
 
De même, en utilisant la blockchain, les entreprises seraient en mesure d'indiquer clairement les obligations à respecter pour que les paiements soient effectués et un contrat intelligent se chargerait de les faire appliquer. Ces "smart contrats", lignes de codes représentées sous forme d’applications et distribuées sur un réseau blockchain, sont créés pour établir un accord contraignant entre les parties en fonction de certaines conditions. Il peut s’agir d’événements externes, tels qu'un prix, un ensemble d'obligations ou une limite de temps avec une date d'expiration. Les transactions dans la blockchain pouvant facilement être vérifiées, ces contrats intelligents ne peuvent être changés et toutes les parties concernées sont en mesure de suivre la transaction. Ainsi, un annonceur aura la possibilité de ne payer que pour des vidéos qui sont vues à 100 %. La technologie contrôle aussi bien l'application des accords que le paiement.
 
Créer un lien direct avec le consommateur
 
Autre intérêt non négligeable de la blockchain dans le domaine de la publicité en ligne : créer un lien direct et restaurer la confiance entre les internautes et les marques. En effet, les GAFAM sont régulièrement pointés du doigt en raison de l’utilisation abusive qu’ils font des données personnelles de leurs utilisateurs. Ces plateformes, qui dépendent des revenus de la publicité, génèrent ainsi des milliards de dollars en rentes publicitaires en permettant aux annonceurs de toucher la bonne audience. Mais cela se fait aux dépens des consommateurs eux-mêmes. 
 
Pour lutter contre les faux utilisateurs, véritables fléaux des réseaux sociaux, Twitter s’appuie d’ailleurs déjà sur la blockchain. Cette technologie est également une bonne candidate pour répondre aux problématiques posées par le RGPD, notamment la collecte, l’historisation, la gestion et la transmission (partage) du consentement. Seul bémol, les informations ainsi stockées étant immuables, elles remettent en cause le fameux "droit à l’oubli" de chaque internaute.
 
Une technologie en devenir
 
Mais tout cela reste encore bel et bien de l’ordre de la fiction. Si le domaine des cryptomonnaies comme le Bitcoin a permis de populariser la blockchain, son application à grande échelle dans le domaine de la publicité en ligne n’est pas pour demain. Les annonceurs ont tout à gagner à se pencher sur le sujet. Cela reste néanmoins plus facile à dire qu’à faire, puisqu’aujourd’hui ni eux ni les éditeurs ne disposent de la compétence pour gérer des plans médias en cryptomonnaies. 
 
Comme dans de nombreux autres secteurs d’activité, la publicité en ligne doit pourtant adopter ce changement technologique qui la rendra plus efficace pour toutes les parties prenantes. La Blockchain peut non seulement faciliter le processus de publicité, mais aussi le rendre plus rapide, plus sûr et transparent. A mesure que cette technologie émergente continuera à se développer, il existera de plus en plus de versions stables. Mais comme pour tout marché en création, on peut légitimement se demander si c’est l’offre qui créera la demande ou l’inverse. Les acheteurs et les vendeurs se renvoient aujourd’hui la balle… Alors, qui fera le premier pas ? 

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