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The Art of Strategy avec Tom Theys (FCB)

Samedi 1 Juillet 2023

The Art of Strategy avec Tom Theys (FCB)

« La stratégie sans tactique est la route la plus lente vers la victoire. La tactique sans stratégie est le fracas annonciateur de la défaite. » Ainsi parlait le général chinois et stratège Sun Tzu dans "L’Art de la guerre", quelque 500 ans avant J.C. Et comme il n’est pas question de perdre, mieux vaut compter un stratège compétent dans ses rangs. C’est donc avec plaisir que nous vous présentons les membres de l’Expert Center Strategy APG/Strategic Planning de l’ACC. Cette fois, c’est au tour de Tom Theys, EVP Global Strategy chez FCB.
 
Lorsque nos chemins se sont croisés pour la première fois il y a "quelques" années, vous travailliez chez VTM au département communication corporate. Comment êtes-vous devenu stratège au sein d’un groupe international ?
 
C'est une longue histoire. À l'origine, je voulais être acteur. Alors que j'étais encore à l'école secondaire, j'ai joué dans plusieurs spectacles du KVS. J'aimais beaucoup ça, mais ce petit monde ne me convenait pas. J’ai donc entrepris des études en sciences de la communication à la VUB. Je trouvais très intéressant que cette formation porte à la fois sur des matières comme la psychologie, la philosophie et la sociologie.
 
Ma thèse – consacrée à l'utilité d'une chaîne artistique et d'une chaîne de télévision – m’a permis d’entrer en contact avec le secteur artistique. J'ai ainsi travaillé pour le STUK à Leuven pendant un an. J’ai ensuite effectué des intérims et lors de l’un de ces remplacements, je me suis retrouvé chez Filmnet. Partant de là, j’ai travaillé pour VTM au sein du service communication corporate. J'y ai bénéficié d'une grande liberté, j'ai pu accomplir de belles choses et j'ai beaucoup appris. 
 
C'est à cette époque que j'ai décidé de participer au désormais célèbre concours de copywriting de Guillaume Van der Stighelen, parce que je voulais suivre la formation à laquelle il permettait d’accéder afin d’améliorer la rédaction de mes newsletters. À ma grande surprise, j'ai remporté ce concours. 
 
À la suite de quoi Duval Guillaume m’a approché pour savoir si j’accepterais d’entrer chez eux comme copy. Je n’ai pas commencé tout de suite, parce que cette idée n’était pas du goût de VTM, leur client... Mais après un détour chez MTV/TMF, l'agence m'a à nouveau contacté, non pas pour y travailler comme copy, mais cette fois comme stratège.
 
Pourquoi avez-vous accepté ?
 
Parce que cette dénomination de fonction a vraiment de l’allure. Chez VTM, j'avais souvent rencontré le titre de "strategic director" dans mes fichiers d'adresses, sans avoir la moindre idée de ce que ce terme signifiait. 
 
Lorsqu'on m'a proposé le poste, j'ai appelé Wim Demyttenaere, avec qui j'avais suivi le cours de copywriting. Je n'oublierai jamais ce qu'il m'a dit : « Ce travail te conviendrait très bien, mais tu dois être prêt à accepter qu’il s'agissait et s'agirait toujours d'un boulot de l'ombre, dans les coulisses. »
 
N'est-ce pas difficile pour quelqu’un qui voulait être acteur ?
 
En fait, l'envie d'être sous les feux de la rampe s'est estompée. J'ai certes envie de reconnaissance, mais pas de gloire ni de notoriété. 
 
Après l’acquisition de Duval Guillaume par Publicis, vous avez participé à l’aventure de Publicis Brussels comme Head of Strategy et Managing Partner.
 
Ce fut une période très instructive, notamment parce que nous devions composer avec des caractères totalement différents, et que nous étions jeunes, naïfs et ambitieux. C’est à ce moment-là que j'ai fait la connaissance de Carter Murray et Nigel Jones, respectivement CEO et CSO de FCB, et le courant est clairement bien passé. Du coup, quand ils m'ont approché en 2014, j'ai dit oui.
 
Qui vous a appris le métier ?
 
Guillaume Van der Stighelen, pour commencer. Il m'a transmis des choses de manière à la fois consciente et inconsciente, comme un certain entêtement, mais surtout le fait qu'il ne faut pas déroger à ses principes. Mais j'ai aussi beaucoup appris des éléments les plus jeunes de mes équipes – y compris des stagiaires, notamment chez Publicis –, de leur dynamisme, de leur façon de s’épanouir.
 
Aujourd’hui, vous êtes EVP Global Strategy chez FCB. En quoi consiste exactement votre travail ?
 
J’aimerais bien que quelqu'un me le dise (rires). Chez FCB, mon travail comportait à l'origine trois volets. Tout d'abord, j'ai passé beaucoup de temps à définir la méthodologie stratégique et les outils que nous utilisons pour la stratégie au niveau mondial. À côté de cela, je formais les gens ou les agences à l'utilisation de ces outils. Enfin, mon aide pouvait être sollicitée pour le new biz et les clients. 
 
Quand j'ai commencé en 2014, certaines agences au sein du groupe traversaient une période difficile, j'ai donc dû intervenir plus souvent, lorsque cela s’avérait nécessaire. La qualité a progressivement augmenté et les incendies à éteindre ont été beaucoup moins nombreux. 
 
Où puisez-vous l’inspiration pour votre travail ?
 
Il faut accorder suffisamment d'attention aux éléments qui, à première vue, n'ont aucun rapport avec la marque. Dans une stratégie, il y a trois composantes principales. Premièrement : tout ce qui concerne les gens (culture, comportement, etc.), tout ce qui tourne autour du business et du marché et, enfin, les éléments spécifiques à la marque. 
 
Je prends pas mal de temps pour "m’imprégner". Je lis toutes sortes de choses, qui sont liées de près ou de loin au problème de la marque – parce que toute question que pose la marque part d’un problème. En ligne, par exemple, je me plonge dans des sites comme Reddit, où des spécialistes amateurs expriment librement leurs opinions. J'ai toujours été plus sensible aux affirmations bien senties des gens qu'aux moyennes plates des études de marché. 
 
Je crois également en la valeur de l'instinct. Notre microbiome est vraiment fascinant. Les bactéries présentes dans nos intestins complètent parfois les fonctions de notre cerveau, parce qu’elles reconnaissent des facteurs que nos sens ne nous permettent pas de percevoir. 
 
En même temps, votre propre instinct peut aussi vous tromper. Cela peut déboucher sur une hypothèse, ce qui est toujours un point de départ plus solide qu'une feuille blanche. Mais en fait, ça doit toujours s’arrêter là : vous devez être prêt à tester l'hypothèse et à l'écarter si elle s'avère erronée. C’est particulièrement vrai quand vous travaillez sur d'autres cultures ou communautés.
 
En parlant de culture, que signifie pour vous la culture populaire ?
 
Guillaume avait pour habitude de nous conseiller de sortir de notre propre sphère une fois par jour. C'est beaucoup, mais je me force régulièrement à faire quelque chose dont je n’ai pas l'habitude : entrer dans un magasin qui vend des articles qui ne m’intéressent a priori pas, aller au Tuning Show de Ciney,... Les sous-cultures sont extrêmement intéressantes. Les chauffeurs de taxi aussi. 
 
Quelles sont vos ambitions pour les années à venir ?
 
Devenir jeune ? Blague à part, je ne suis pas très ambitieux. J’ai dû apprendre l'ambition et la planification, parce que je suis diabétique depuis l'âge de six ans. Durant mon enfance, les traitements en étaient encore à leurs balbutiements et l'avenir extrêmement incertain. Ce n'est que depuis une dizaine d'années qu’ils ont suffisamment évolué pour que j'ose penser au futur et m’y projeter.
 
Ce qui me plaît de plus en plus, ai-je remarqué, c'est d'enthousiasmer celles et ceux qui font leurs débuts dans le métier. C'est notre ambition avec la formation HYPE de l’APG/ACC, mais il est parfois surprenant de constater à quel point vous pouvez influencer quelqu'un inconsciemment. 
 
Il y a environ cinq ans, on m'a présenté Todd Sussman, alors nouveau planner chez FCB New York, qui est depuis devenu un CSO très apprécié. Quand il a entendu mon nom, il m'a regardé avec stupéfaction. Il y a une dizaine d'années, il était tombé sur un vieux Slideshare que j'avais réalisé à l’époque pour les jeunes stratèges de Publicis Groupe. Et c'est précisément cette présentation qui l'avait persuadé de se lancer à fond dans le métier de stratège.
 
Si telle pouvait être mon ambition, motiver les jeunes et les mettre au défi, alors je serais ravi d'être ambitieux.
 
Quelles sont les qualités d'un bon stratège ?
 
Le département stratégie, c’est un peu la cuisine fusion d'une agence. Un stratège est souvent quelqu'un qui effectue différentes choses, qui combine des activités inhabituelles, quelqu'un dont les expériences sont variées.
 
Autre point important : un stratège doit prendre plaisir à écouter, à observer.
 
Comme stratège, quel spot ou campagne vous a particulièrement marqué ?
 
Je me souviens de mon premier Cannes Lions, auquel j’avais participé avec les Young Creatives. C'est là que j'ai vu pour la première fois "Odyssey", le spot réalisé par Jonathan Glazer pour Levi's et Bartle Bogle Hegarty. Il traduisait parfaitement ce que je ressentais à ce moment-là : le sentiment du passage à un nouveau millénaire au début des années 2000, un mélange de peur et d'enthousiasme. Si votre campagne parvient à exprimer ce que les gens ressentent et qu’ils s’y retrouvent, vous pouvez changer le cours des choses. 
 
Quel serait votre cheval de bataille ?
 
Il faut que cela reste agréable. Ou à tout le moins stimulant. Il m’est très difficile de faire délibérément croire aux gens quelque chose que j'ai moi-même du mal à croire. Il faut donc parfois oser ne pas participer à certains pitches, parce que la marque ne correspond pas à la direction que votre agence veut prendre, par exemple. 
 
Un conseil pour les stratèges en herbe ?
 
Faites de la stratégie votre second choix. Je veux dire par là que j'aurais trouvé très contraignant de commencer ma carrière comme stratège. Faites d'abord – ou en même temps, pourquoi pas – autre chose que de la stratégie. Une stratégie est un moyen, un chemin pour atteindre un objectif. Pour moi, ce n’est pas une fin en soi. Personne ne dit jamais : « Cette campagne est épouvantablement mauvaise, mais quelle bonne stratégie ! »

 
 

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