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Éric van der Haegen (RMB) : "Le podcast, c'est vraiment la limousine dans le show-room des formats publicitaires"

Dimanche 11 Juin 2023

Éric van der Haegen (RMB) :

En dépit de l'annonce récente d'une nouvelle suppression d'emplois au sein de la division podcast de Spotify, leader mondial du secteur qui reconnait avoir trop investi et trop rapidement au regard de la croissance du chiffre d'affaires, la plupart des experts s'accordent pour dire que ce segment de l'audio digital est prometteur et qu'il crée de nouvelles opportunités pour les annonceurs désireux d'atteindre un public engagé et ciblé. 
 
La pandémie a d'ailleurs accéléré deux tendances de fond qui ont dopé le podcasting : l’écoute via smartphones et, à n'en pas douter, une certaine forme de "screen fatigue"... Quoi qu'on en dise chez Spotify, les annonceurs suivent : selon Statista, rien qu'en Europe, les investissements pubs dans les podcasts devraient être multipliés par cinq par rapport à 2019 pour atteindre un peu plus de 207 millions d'euros cette année. Et aux Etats-Unis, un récent rapport de l'IAB indique une croissance du marché du podcast de 26% l'an dernier, à $1,8 milliard. 
 
Pour les marques, les atouts du podcast sont assez bien documentés : un taux d'engagement élevé lié à une expérience d'écoute immersive, des publicités intégrées de manière native et personnalisée qui favorisent l'acceptation et la pertinence, des possibilités de monétisation accrues, etc. 
 
Chez nous, la plupart des publishers développent leurs offres et le marché commence à se structurer. Dernière annonce en date, en avril, RMB lançait une offre "full podcast premium en one stop shopping", qui associe les inventaires dédiés de ses partenaires RTBF et NRJ, ainsi que ceux de Radio France, via Azerion en charge de la commercialisation de l'inventaire podcast de Radio France. 
 
Depuis peu à la RMB avec la casquette de Senior Digital Expert après un long passage chez le pionnier Radionomy/Targetspot, Éric van der Haegen est un fin connaisseur de l'audio digital. Il nous dresse un état des lieux du marché du podcast.
 
Commençons par cette actualité. Quel est l'objectif de cette offre "Podcast by RMB" ?
 
Avec cette offre, nous voulons aligner les marques en fonction de leurs cibles et de la thématique des podcasts sur des contenus qualitatifs et influents en Belgique. L'offre se décline en deux propositions : "Ron of podcast" et "Sponsor podcasts".
 
La première s'incarne par du pre-roll, achetable en direct ou en programmatique, avec une possibilité d’ajout de data. Pas moins de quatre millions d’impressions sont disponibles chaque mois. A cela, peut se greffer une couche de données socio-démo ou intentionnistes. 
 
La seconde est une offre sur-mesure, "native". Via cette formule, RMB propose une gamme complète de services qui va de la création de contenu à la mise en ligne du podcast, en passant par le choix du podcaster, la recommandation du tone of voice et la création de pages promotionnelles. 
 
Dans votre présentation, vous faites état d'une pénétration du podcast de 31% dans le sud du pays vs. 14% au national. Comment expliquez-vous cet écart ?
 

Il s'agit de chiffres de 2022 tirés du Digital News Report. C'est très certainement lié au succès de l'offre française, beaucoup écoutée en Belgique francophone. D'où justement ce package avec Radio France. 
 
Vous pointez également l'accroissement du temps d'écoute...
 
C'est aussi en partie lié à cette tendance de fond de l'écoute drivée par les smartphones qui s'est accélérée lorsque la pandémie s'est déclarée… La dernière étude CIM Audio Time sortie en février indique une augmentation globale de 13% du temps d'écoute, à 2h43 par jour. La part du temps d’écoute est en hausse de 34% chez les 12-74 avec une couverture quotidienne de 65%. 
 
Même si on reste sur des niveaux très faibles en termes de pénétration - de l'ordre de 3% ou 4% par rapport à l'ensemble de l'audio digital -, le podcast peut être considéré comme l'écrin de cette offre. 
 
J'utilise ce terme "écrin" à escient, au regard du profil des auditeurs de podcast : les études nous montrent qu'il s'agit d'une audience plutôt jeune et éduquée, au pouvoir d'achat élevé, dont la principale motivation d‘écoute est d’apprendre. Ces auditeurs rangent le podcast dans la catégorie des "slow media", évoquant une bulle intime qui permet de s’ouvrir sur le monde dans un mode immersif. 
 
Toutes les études sur la publicité podcast renvoient aux mêmes tendances : l’attention est hyper forte, avec une mémorisation des messages plus de quatre fois supérieure aux autres médias digitaux. Ce qui fait du podcast un vrai champion de l'attention, et dieu sait que cette notion est devenue importante ! C'est évidemment la conséquence logique d’un contenu écouté on-demand, très immersif et intimiste. 
 
Ces atouts vont de pair avec un encombrement publicitaire très faible
 

Effectivement, on parle le plus souvent d'un unique pre-roll. Sachant aussi que ce format est très bien accepté dans le cas du podcast, peu skippable et très peu irritant. Une récente étude française de Targetspot montre d'ailleurs que la pub podcast est considérée comme "pertinente", "crédible" et "inspirante". A tout cela s'ajoute évidemment un environnement super-qualitatif et brand safe. Bref, c’est vraiment la limousine dans le show-room des formats publicitaires !
 
Quel type d'annonceurs visez-vous plus précisément ?
 
Même si actuellement ce sont les annonceurs traditionnels de la radio - retail, telco, banques, automobiles, etc. - qui s'intéressent au podcast au travers d'offres couplées avec la FM, nous voulons vraiment le développer comme un canal digital à part entière et attirer de nouveaux annonceurs. Compte tenu des profils des auditeurs - jeunes, écoutés, curieux, etc. -, nous visons des entreprises type start-ups, digital natives, tech, hype… à la recherche d'inventaires "podcast only". 
 
Nous avons récemment évoqué le podcast sur le foot que RMB a produit pour Napoleon Sports & Casino… Vous avez de plus en plus de demandes pour du "sur-mesure" ?
 
Clairement, et nous pouvons désormais répondre à ces demandes pour des podcasts natives au travers de SLICE. De même que nous pouvons aussi produire des podcasts sur-mesure qui sont ensuite proposés en sponsoring…
 
Il n'en demeure pas moins qu'il y a encore tout un travail d'évangélisation à mener : même si tout le monde s'y intéresse, force est de constater que peu d'annonceurs investissent dans le podcast actuellement. Il y a donc selon nous un potentiel énorme qui est sous-exploité au regard de la croissance des audiences du podcast. 
 
Quels seraient les freins ?
 
En réalité, il y en a très peu. Le reach sans doute… Raison pour laquelle nous avons lancé cette offre premium qui combine puissance, reach et efficacité. On évoque aussi parfois la mesurabilité et le ciblage, mais là aussi les choses évoluent avec des KPI comme le listen-through-rate. En réalité, à mon sens, le frein majeur reste un manque d'évangélisation du marché belge. 
 
Vous évoquiez le programmatique, quels outils utilisez-vous ?
 
Nous travaillons avec AdsWizz, qui a intégré la DMP dans son système. Ce qui nous permet à la fois d'injecter le spot et de cibler. C'est une tech vraiment conçue pour l'audio digital. 
 
Parlant de programmatique, c'est d'ailleurs parmi ce vivier d'adeptes du digital que nous voulons recruter les nouveaux annonceurs que j'évoquais. Nous voyons d'ailleurs de plus en plus d'agences digitales et des trading desks qui s'intéressent à l'OLA et aux podcasts. Même si aujourd'hui c'est toujours l'achat en bon de commande qui prédomine, nous voulons faire du podcast un média digital à part entière. 
 
Un mot sur les tendances futures dans cet écosystème ?
 
Il y a évidemment la montée en puissance de l'écoute via smart speakers qui va de pair avec l'adoption des enceintes connectées. L'étude dédiée de Wavemaker montre que près de 35% de la population détient désormais un smart speaker.
 
Je citerais aussi la pub "host-read", un format dans lequel l'hôte ou le présentateur d'un contenu audio ou vidéo présente lui-même le message publicitaire. Très développé dans les pays anglo-saxons, il est souvent utilisé dans les podcasts, où l'hôte a généralement une relation étroite avec son public et peut créer une connexion plus forte. 
 
Et puis, on constate que les influenceurs montent de plus en plus sur les podcasts. L'intérêt étant qu'ils y viennent avec leurs communautés hyper engagées. Sachant aussi qu'ils ont un savoir-faire certain pour monétiser leurs contenus. 

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