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CREATIONS

Ecran total, par Damien Lemaire (MM)

Vendredi 6 Octobre 2023

Ecran total, par Damien Lemaire (MM)

Qu’il est loin le temps où les magazines débordaient d’annonces splendides, dont les visuels étaient immortalisés par les plus grands photographes du royaume et d’ailleurs ! Au point qu’il m’arrive souvent de me demander s’il a jamais existé…
 
Pourtant, je n’ai quand même pas rêvé (éveillé, c’est plus pratique pour feuilleter un magazine), à une époque pas si lointaine finalement : Hak, Levis (peinture), Sadolin, La Redoute, Mobistar, j’en passe et des meilleurs, ont bel et bien multiplié les prix créatifs, notamment dans les compétitions Press, Art Direction ou encore Photography, de ce qui s’appelait alors les CCB Awards ?
 
Que diable a-t-il bien pu se passer pour qu’on en arrive ainsi à tant de médiocrité ? Est-ce que poser la question, c’est à nouveau y répondre ? Nos directeurs artistiques et leurs meilleurs amis précités ont-ils été à ce point aveuglés par le strass et les paillettes de leur gloire d’antan, qu’ils n’ont plus assez de leurs quatre yeux pour réaliser une double page à faire pâlir d’envie un certain Erik Vervroegen ?
 
Je ne pense pas : tous les AD et photographes qui se respectent, nouvelle génération comprise, font encore et toujours des rêves mouillés à l’idée de coucher sur papier glacé un visuel « de la mort qui tue », pour reprendre l’expression d’un autre dinosaure du secteur.
 
Alors, à qui la faute, voire à quoi, me demanderez-vous ? À mon humble avis, vous répondrai-je prudemment, à la même raison qui fait qu'aujourd’hui, les jeunes ne savent plus écrire que par combinaisons de lettres interposées : j’ai nommé l’éphémère, qui dicte et rythme désormais notre quotidien, aussi rapidement que l’effet mère nous faisait monter dans notre chambre pour réviser…
 
« N’importe kwoi, c la faut o budjets ! », me rétorqueraient certainement ceux qui pianotent sur leurs écrans plus vite et habilement qu’un Jerry Lewis au sommet de son art.
 
Peut-être également, mais pas forcément, leur répondrai-je prudemment à nouveau. Parce que, en toute modestie, je suis quand même assez bien placé pour savoir que quand un annonceur est convaincu du bienfondé d’une stratégie et, partant, d’une idée créative, il met généralement tout en œuvre pour les mettre en place et, surtout, récolter le fruit de son audace (calculée), et ce, quel que soit le… média.
 
Mais j’y pense, la voilà peut-être enfin notre réponse, sous forme de question : au fond, la nouvelle génération de créatifs, mais aussi de stratèges, CMO, media planners & co, considère-t-elle encore les magazines comme un média à part entière, dont le rayonnement va au-delà des salles d’attente des professions libérales ou des WC parentaux ?
 
Autrement formulé, tous les nouveaux médias font-ils désormais totalement écran à un support avec lequel on ne peut pas swiper, downloader, partager, interagir, liker, zapper et taguer ?
 
Pour le coup, la question a le mérite d’être posée.
 
Quoicoubeh !

visuel : annonce Sadolin - Diamond CCB Awards 1998 (TBWA - Erik Vervroegen & Eric Maerschalck)

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