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Cannes est mort - part 2, par Frederik Braem (Brightfish)

Mercredi 2 Août 2023

Cannes est mort - part 2, par Frederik Braem (Brightfish)

La mort des Cannes Lions a déjà été prononcée plus d’une fois. Et non par les moindres des publicitaires. En 2017, c'est Arthur Sadoun, grand manitou de Publicis, qui a appelé à ne plus soumettre de travaux et à ne plus descendre dans le sud de la France. Aujourd'hui, six ans plus tard, Sadoun lui-même est revenu sur le devant de la scène lors d'un séminaire très couru prônant le pouvoir de la créativité. Cannes est-il de retour, better than ever ?
 
Brightfish est le représentant belge du festival depuis des années et, au fil des ans, j’ai tenté de relater cette expérience cannoise dans quelques articles rédigés à votre attention, fidèles lecteurs. En 2018, ne reculant pas devant l’une ou l’autre hyperbole, j'ai parlé de la mort du festival. À quel point ma prédiction, comme celle de tant d’autres, était-elle alors erronée ? 
 
Appelons un chat un chat : la pandémie a fait du tort au festival. Non seulement parce qu'il n'a pas pu avoir lieu pendant deux ans, mais aussi parce que nous avons tous adopté un mode de vie en ligne. Nous n'avons plus besoin d’être présents en chair et os sur la Croisette pour nous gaver de créativité. Les réunions, les brainstormings, voire le networking, tout cela se passe maintenant bien souvent chez soi, en pyjama (mais peut-être suis-je le seul ?). Alors, a-t-on encore besoin de ce genre de festival ? D'un festival aussi coûteux ? La réponse est assurément oui, mais un "oui" moins franc et massif qu'auparavant.
 
À Cannes, vous venez pour écouter, puis discuter, poser des questions et passer à l'action. Vous voulez être - ou ne pas être - impressionné(e), comme vos coreligionnaires. Vous voulez avoir le sentiment d’être sur la bonne voie, recevoir un coup de pied au cul ou simplement piocher des idées. Pour cela, vous devez être sur place. Mais est-ce toujours aussi évident ? 

Se balader dans le Palais, c'est comme se promener lors d’une journée de rencontre d'anciens élèves. On croise partout des connaissances, arborant une touffe de cheveux de plus en plus gris, une grosse montre hors de prix et une attitude décontractée genre "nous-y-revoilà-une-fois-encore". On rencontre trop peu de jeunes loups affamés à Cannes, et c'est bien dommage. Mais fort logique aussi : vous vous voyez, vous, payer cinq nuitées en haute saison, un pass à 5.000 euros, et une flopée de repas super chers ? Tout cela ne va pas de soi, et les (petites) agences ne disposent pas toutes d’une réserve "spéciale Cannes".
 
Pour être honnête, rejeter toute la responsabilité sur le festival serait évidemment trop facile. Il propose en effet des pass moins chers pour les jeunes - même s'ils restent extrêmement onéreux, surtout pour les starters qui doivent tout payer eux-mêmes - et ne ménage pas ses efforts pour les atteindre. L'accent mis sur la présence en ligne du festival est noble et nécessaire. Il y a aussi les compétitions Young Lions, qui gagnent sans cesse en importance - elles ont eu droit à leur propre cérémonie cette année, sacré dieu ! - et de nombreuses autres initiatives visant à rendre le rendez-vous cannois plus attrayant pour les superstars de la création en devenir. Malheureusement, tout cela ne suffit pas. Nous tous, avec l'ensemble du secteur, nous allons devoir passer à la vitesse supérieure pour que le festival (et par extension le monde de la création) reste pertinent.
 
D’où ce vibrant appel : déployez des moyens, chers annonceurs et agences, pour envoyer vos jeunes talents à Cannes l'année prochaine. Avec un pass, sans pass, dans un camping ou une tente au bord de la mer (non, pas ça, c'est interdit) mais envoyez-les à Cannes. Donnez-leur l’occasion de découvrir l’étendue des possibles, d’échanger et de flâner avec leurs camarades. La valeur d'un jeune créatif qui rentre en Belgique bourré d’énergie est énorme. Ces billets sont immédiatement rentabilisés. Et si nous pouvons vous aider, appelez-nous ou envoyez-nous un mail. Après tout, représenter les Cannes Lions doit bien servir à quelque chose !
 
À ce propos et pour conclure, endossant ce rôle de représentant, nous avons déjà décidé de débloquer les fonds nécessaires pour envoyer davantage de jeunes loups à Cannes, davantage de teams Young Lions. Même si nous ne pouvons plus nous-mêmes nous y rendre aussi nombreux. Walk the talk, comme on dit. Parce que ce sont ces jeunes créatifs, ces jeunes marketers qui ont besoin de tâter le terrain, de sentir où va leur monde et le nôtre. De toute urgence. Oh, et ne vous inquiétez pas pour nous. Nous, avec notre touffe de cheveux gris, nous suivrons tout en ligne. Et en pyjama .
 

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