Après 20 ans aux commandes de TBWA, Bert Denis (Chief Strategy Officer), Jan Macken (Executive Creative Director) et Kris Govaerts (CEO) vont désormais consacrer leur énergie et leur expertise au développement de TBWA Group, tout en conservant leur rôle de conseiller auprès des clients de l’agence belge.
Sa gestion quotidienne est confiée à
un nouveau management de six personnes, biberonnées en interne, afin de garantir une continuité, "tout en misant sur l'innovation et le changement".
Jusqu’ici Strategic Director, Stéphanie Vercruysse en fait partie. Elle vient d’être nommée co-CEO aux côtés de Nicolas De Bauw.
Elle nous a accordé sa toute première interview.
Pouvez-vous expliquer brièvement votre parcours ?
Mon parcours est une histoire d’amour entre le business et la créativité.
Issue d’une famille scientifique, pour mes études supérieures, j’avais le choix entre la médecine, le droit ou l’économie. J’ai finalement opté pour ce qui m’ouvrirait le plus de portes : Ingénieur de Gestion. C’était il y a 14 ans.
Mon diplôme en poche, comme la majorité des Ingénieurs de Gestion, j’ai commencé ma carrière chez un consultant stratégique : Roland Berger, qui travaille pour toutes sortes d’entreprises et de secteurs. J’ai adoré cette première expérience professionnelle.
C’était un job très exigeant, mais j’ai énormément appris en très peu de temps. Après quatre ans, j’ai compris que les projets de "croissance" et "consommateur" m’intéressaient davantage que ceux portant sur la réduction de coût et la transformation d’entreprise. Notamment parce qu’à l’époque je travaillais sur un projet client, qui m’a amené à collaborer avec TBWA. J’ai immédiatement été séduite par leur ouverture d’esprit et, surtout, jalouse de leur liberté de pouvoir penser "out of the box". Un véritable luxe pour un consultant !
Lors de la collaboration, le management de TBWA m’a fait sentir qu’il était intéressé par mon profil, mes compétences analytiques et mon sens du business, qu’il trouvait particulièrement intéressants pour développer des campagnes avec plus d’impact, mais aussi créer des idées à fort potentiel de croissance pour les clients de l’agence. C’est ainsi que mon histoire d’amour entre le business et la créativité est née…
Aujourd’hui, cela fera bientôt 10 ans que je suis chez TBWA. D’abord, en tant que stratège avec en ligne de mire l’innovation produit, le marketing et le développement business des entreprises pour lesquelles nous travaillons. Il y a quatre ans, j’ai intégré le management, avec des responsabilités plus étendues, combinant la stratégie et un rôle plus généraliste et financier avec l’organisation interne et la transformation continue de l’agence.
Pourquoi une carrière dans la pub, et plus spécifiquement chez TBWA ?
Au risque de me répéter, avant tout pour cette complémentarité entre le business et la créativité, dont je viens de parler.
Je suis convaincue que le monde actuel a plus que jamais besoin de créativité pour résoudre les problèmes auxquels il est confronté, mais aussi créer des opportunités, et ce, à tous les niveaux et sur tous les plans. Et quel secteur autre que la publicité est une source intarissable de créativité ?
Ensuite, j’aime également la pub parce qu’elle arrive à transformer une stratégie en réalité, et la créativité en actions concrètes.
Enfin, pourquoi TBWA ? Parce que depuis toujours, cette agence considère la créativité comme un moyen de faire avancer et progresser ses clients et leurs marques. Pour moi, c’est là où le vrai impact se crée. Je ne pourrais pas travailler dans une agence qui saute de campagne en campagne, d’award en award, mais jamais avec un réel impact au niveau du business de ses clients…
Vous êtes co-CEO aux côtés de Nicolas De Bauw. Comment vous êtes-vous réparti les tâches et responsabilités ?
Nicolas et moi nous connaissons depuis bientôt 10 ans, et nous avons collaboré sur de nombreux clients ; lui en tant que Client Services Director, moi comme Stratège.
Il m’a énormément appris non seulement sur la gestion des clients et le business, mais aussi sur la stratégie, parce qu’il est tout cela à la fois : commercial et stratège, mais aussi créatif ! Sincèrement, c’est l’une des personnes les plus talentueuses que je connaisse.
Petit à petit, à force de se challenger l’un l’autre, notre duo s’est rodé, et finalement, tout est devenu tellement harmonieux et automatique entre nous que nos rôles respectifs se sont peu à peu estompés.
Nous formions une vraie équipe, parfaitement soudée, et je pense que cela va perdurer dans nos nouvelles fonctions, parce que nous sommes 100% alignés sur la vision et la stratégie de l’entreprise. Nous avons le même drive et les mêmes objectifs.
Enfin, nous avons également des tempéraments très opposés, mais néanmoins très complémentaires. C’est ce qui fait aussi toute la beauté et la force de notre "co-CEO-ship", avec la touche personnelle de chacun: lui avec son sens de la négociation, son expérience plus profonde de notre business model et son côté plus extraverti ; moi, avec une conviction forte dans le talent et le développement personnel, mon côté plus sérieux, plus analytique et, forcément, plus féminin.
TBWA a été élue plusieurs fois Agency of the Year. Comment expliquez-vous ce succès récurrent ?
Difficile à dire ou, plutôt, difficile à expliquer par une seule chose mais, globalement, je dirais que l’obsession pour ses clients est depuis toujours la plus grande force de TBWA.
L’obsession de toujours vouloir comprendre, déterminer les vrais problèmes des clients, en posant les bonnes questions, afin de sortir de la communication traditionnelle et déceler la réelle problématique à laquelle la marque est confrontée.
L’obsession également de créer avec les clients des partenariats solides et des relations de confiance qui dépassent souvent le cadre professionnel. Parce qu’un briefing s’écrit à quatre mains, tout comme une solution se trouve en équipe, à l’occasion de workshops ou de sessions de travail.
Enfin, l’obsession aussi du succès des clients, bien avant celui de l’agence. Un award ou le titre d’Agency of the Year, c’est évidemment gratifiant, mais ce qui l’est plus encore, c’est un WhatsApp d’un client pour simplement dire "Merci"…
Comment comptez-vous faire perdurer ce succès, d’autant plus dans une conjoncture pour le moins défavorable ?
A nouveau, difficile de répondre à cette question d’une façon simple. Personne ne sait prédire l’avenir, et, si tant est que nous sachions le faire, nous ne partagerions certainement pas nos conclusions avec tout le secteur ! (rires)
Plus sérieusement, réponse très terre-à-terre : ce qui nous permet de continuer à performer malgré les tempêtes, c’est le modèle très solide et la base financière très saine sur lesquels TBWA repose.
Depuis leur arrivée à la tête de l’agence, il y a 20 ans, Kris, Jan, Bert et Sylvie (respectivement Govaerts, Macken, Denis et De Waele, ndlr.) ont toujours géré TBWA "en bon père de famille", en développant une entreprise toujours prête à affronter des périodes plus difficiles, comme celle que nous connaissons actuellement.
Du côté "plus sexy", une autre grande force de TBWA, c’est l’attitude adoptée en interne, qui nous drive au quotidien, le fait que nous ne sommes jamais contents. Attention, pas en termes de "cupidité", mais vraiment en termes de contentement. Nous mettons toujours la barre plus haut et nous nous challengeons et réinventons sans cesse.
Autrement formulé, nous refusons le statu quo, parce que nous sommes persuadés qu’une entreprise qui ne se remet pas en question, qui ne challenge et réinvente jamais sa façon de fonctionner, est condamnée à disparaître.
Si vous deviez changer quelque chose dans le secteur, ce serait quoi ?
Ce que j’apprécie moins dans la pub, et ce à quoi j’ai dû m’adapter, c’est son côté un peu machiste et individualiste : les ambitions individuelles, le besoin irrépressible de se montrer, de se mettre en avant, de gagner des prix et d’être en permanence en concurrence.
Des valeurs qui, en soi, ne sont pas foncièrement mauvaises, mais qui, en excès, sont pour moi la grande faiblesse d’un secteur, qui, au contraire, devrait embrasser davantage de valeurs plus féminines, telles que l’intuition, la collaboration, l’empathie, la créativité, mais aussi l’authenticité.
Quelles sont vos ambitions à moyen et long terme ?
À moyen terme, je compte faire tout ce qui est en mon pouvoir pour aider TBWA à traverser sans trop d’encombre cette nouvelle période de turbulences, le tout en maintenant la stabilité, la sécurité et l’humanité dont tous nos employées ont besoin, mais aussi, comme nous l’avons toujours fait, en osant expérimenter des nouveaux modèles, des nouveaux types de clients ou de projets, etc.
Sur le long terme, je souhaiterais contribuer activement à la transformation fondamentale de l’entreprise et de son modèle. En tant que CEO, vous avez la responsabilité de rendre l’entreprise pérenne et, surtout, la plus saine et "futur proof" possible pour la génération suivante. C’est que Kris, Bert, Sylvie et Jan ont fait pour nous. Mon ambition est de rendre la pareille à l’équipe qui nous succèdera…
Bref, j’espère "secrètement" que cette nouvelle aventure professionnelle va à nouveau m’apprendre énormément de choses. On dit toujours qu’entre 30 et 40 ans, on a encore le droit de plus se tromper que de réussir... Je compte bien profiter des trois ans qui me restent pour m’y consacrer à plein temps !
Quelque chose à ajouter ?
Peut-être encore une petite ambition, et l’avenir nous dira si j’en serai capable ou pas : je souhaiterais montrer qu’une carrière professionnelle est parfaitement compatible avec une vie de famille harmonieuse.
J’ai quatre enfants, que j’ai tous eu quand je travaillais chez TBWA, soit quatre fois quatre mois de maternité sur 10 ans de maison, ce qui ne m’a pas empêché d’évoluer et progresser au sein de l’entreprise… Si je pouvais être un exemple et, surtout, convaincre le plus grand nombre qu’il est tout à fait possible de combiner carrière et famille, ce serait également une grande fierté.
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