C’est la guerre des chiffres à Davos. Est-ce que le top 1% détient autant que les 99% ? Est ce que les 30 milliardaires les plus riches détiennent autant d’argent que la moitié de la terre ? Les débats en doudoune et parka - celui en col fourrure semble avoir gagné cette année, n’en déplaise à Moncler - sur les plateaux des chaines internationales en témoignent.
Quoi qu’il en soit la concentration des richesses atteint des sommets (et pas que enneigés). Ce n’est pas Piketti qui me contredira. Cette concentration met à mal les fondements de notre capitalisme basé sur une classe moyenne large et une consommation de masse. Consommation soutenue notamment par la communication. En soi notre métier est fabuleux : par la communication, on rend public des innovations, des produits et services qui vont améliorer la vie de ceux qui les achètent. La révolution digitale a aussi permis de diminuer les coûts de communication, de favoriser les circuits courts, l’émergence de marques locales et hyper locales destinées à des communautés, à des tribus de plus en plus pointues, de favoriser le dialogue entre les marques et les consommateurs…
Cette vision idéale je la partage avec moi-même au réveil entre 6h30 et 7h00. Dès que j’ouvre un magazine ou Instagram, les marques de luxe, les produits soi disant premium, les collections capsules, les croisières, les séries limitées de montres et autres vélos carbone m’envahissent. L’industrie du luxe me fait croire que tout cela est à ma portée, que tout le monde possède tout cela. Et c’est vrai qu’autour de moi, à l’agence, au studio, au bureau, tout le monde surfe sur son iPhone. Le week-end à la mer, on roule en groupe déguisés en cycliste pro (avant on fantasmait sur les MILF, aujourd’hui nous sommes devenus des MAML - Middle Age Men in Lycra) sur des vélos à minimum 3.000 euros. Madame a son Alexander Wang ou Balenciagga, les enfants ont l’overboard et le pyjama OnePiece. Normal quoi. Le kit de base.
Et bien non, ce n’est pas normal. Regardez plus loin que vos amis et collègues proches. Sortez de votre voiture de société, quittez la petite ceinture ou le ring, prenez le métro, marchez sur les piétonnier (faut bien qu’il serve à quelque chose). Le monde n’est pas notre monde.
L’industrie du luxe a rendu l’extraordinaire ordinaire, alors que notre métier est de rendre l’ordinaire extraordinaire. Où est le talent ? Frustrer des millions d’individus incapables de se payer un sac monogrammé visible sur tous les murs de la ville ? Ou rendre accessible et désirable un vêtement banal et abordable ? Notre responsabilité consiste à rendre désirable ce qui a priori ne l’est pas, sublimer le quotidien de la masse, rendre supportable la monotonie de l’existence de la plupart d’entre nous. Contribuer à une création de richesse partagée, permettant une consommation de masse garante d’un bien-être, d’un développement, d’une émancipation globale et d’un contrôle social. La tension sociale provoquée par l’exclusion de plus en plus flagrante d’un nombre important d’individus porte en elle les germes d’une explosion sociale.
Le retail, ce sont des gens ordinaire qui font des choses extraordinaires. Rendons ces lettres de noblesse au quotidien, à l’ordinaire, au normal, à la masse, et utilisons notre talent à cela.
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