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La pub digitale bouscule la pertinence de la notion d'audience, par Fred Bouchar (MM)

Dimanche 2 Septembre 2018


La pub digitale bouscule la pertinence de la notion d'audience, par Fred Bouchar (MM)

« Je n’accorde pas de crédibilité à ces chiffres du CIM. Dans le panel de l’étude, il y a une sous représentativité flagrante des actifs sur Bruxelles (…). Il y en aurait un tiers de moins ! Ce n’est pas crédible. » Dixit Jean-Paul Philippot dans L’Echo le 30 août, parlant de la nouvelle étude RAM. Il y a quelques années, assurément, ce genre de déclaration aurait suscité moult réactions dans le marché... Les plus anciens parmi nos lecteurs se souviendront des empoignades homériques entre la Var, RMB et IP au commencement de l'étude Radio du CIM. Mais là, pour le coup, rien, nada. La petite phrase du patron de la RTBF n'a pas fait de vague. Est-ce un signe des temps ?
 
Certes, Jean-Paul Philippot faisait référence au récent changement de méthodologie de l’étude radio, et pas à l’étude en soi, ni au CIM en tant que tel. Tout le monde s'accorde à dire que les changements de méthodo ne sont pas neutres (voir notamment les analyses de Space ici et ). Et aucune personne censée n’oserait remettre en cause l’existence de la tripartite. Quoique.
 
A l’heure de la pub en temps réel, des campagnes data-driven, du programmatique, etc., et parlant des médias dits "historiques", on peut se demander si les mesures de leurs audiences et les modes de commercialisation publicitaires qui en découlent, ne sont pas en voie d’obsolescence.
 
« L’audience a perdu de sa pertinence. Elle ne sert plus qu’à une partie de la monétisation », peut-on lire dans la très intéressante étude menée par le cabinet BearingPoint à la demande du Ministère de la Culture français et intitulée "Médias et publicité en ligne : Transfert de valeurs et nouvelles pratiques". (Intéressante et anxiogène aussi : selon le rapport, depuis le début des années 2000, la presse française aurait perdu 71% (!) de ses recettes publicitaires, passant de 45% de parts de marché en 2000 à 15% aujourd'hui.)
 
BearingPoint soutient que la publicité Internet a fait évoluer « la proposition de valeur » au détriment des acteurs historiques : la pub digitale est devenue un marché de la donnée qui se distingue de celui des supports historiques par une offre « infinie » et « modulable ». D'une part, contrairement aux grilles radios et TV et aux chemins de fer des journaux et magazines, l’inventaire digital peut être constamment étendu. D'autre part, les régies audiovisuelles et presse ne peuvent commercialiser que l’hypothèse d’une audience là où les régies digitales peuvent garantir l’exposition à cette audience, en modifiant la temporalité.
 
« Alors que les acteurs historiques avaient pour habitude de commercialiser des espaces limités, définis de manière temporelle (diffusion tel jour au sein de tel contexte éditorial) sur la base d’hypothèses d’audience à atteindre en utilisant des panels, les produits digitaux ont proposé un nouveau modèle de commercialisation. La valeur marchande n’est plus liée à un emplacement contextualisé et défini de manière temporelle, mais est déterminée en fonction de l’atteinte d’une cible, qualifiée par un jeu de données. » 
 
En résumé, le mode de commercialisation de la pub n’est plus fondé sur un tarif de base mais sur la mise en place d’une politique de prix variable définie par la cible à atteindre et dont le volume et la temporalité peuvent être des inducteurs, estiment les auteurs de l'étude.