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Ce que nous savons, par analogie (Benoît De Nayer, Actito)

Vendredi 14 Avril 2023

Ce que nous savons, par analogie (Benoît De Nayer, Actito)

J'ai quelques Violons d'Ingres qui me font passer pour un vieux schnok aux yeux de mes enfants et de mes collègues.
 
Ainsi, je n'écoute pratiquement que de la musique classique sur de vieux disques, j'ai une série de livres anciens dont un volume daté de 1721, et je conserve avec religion des vieux films super 8 et 16 mm dont certains ont plus de 80 ans.
 
Pourquoi cela ? Parce que je pense sincèrement que l'avenir de l'humanité se joue dans la conservation de ces pièces de musée.
 
Ce qui relie ces objets est qu'ils datent tous d'une époque qui ne connaissait pas Internet, ni la numérisation (à l'exception des CD de musique). Ce sont des médias que, par opposition aux supports numériques, on peut qualifier d'analogiques.
 
Analogique signifie qu'ils sont le reflet immédiat de la réalité physique qui les a vus naître. Ainsi, l'image qui est conservée par la pellicule 16 mm est due à la transformation chimique d'un grain d'argent percuté par quelques photons émis ou reflétés 80 ans plus tôt. Cette image n'a subi depuis aucune modification quelconque. Il est relativement aisé de dater avec précision le moment, voire le lieu de prise de vue en fonction de l'émulsion et des bains de développement utilisés.
 
De même, les livres anciens ont été imprimés sur un support réalisé à partir de tissus récupérés. On peut en connaître facilement la provenance.
 
Dans le monde de l'analogique, la falsification est extrêmement coûteuse, voire impossible. La certitude d'avoir face à soi la version originale de l'information est donc quasi-totale.
 
Dans le monde que nous connaissons, en revanche, ou chaque bout d'information est numérisé, voire généré par des machines ; il n'est tout simplement plus possible de déceler le vrai du faux. La technologie est devenue tellement sophistiquée qu'il est possible de générer à très peu de frais, une information de toute pièce. On peut ainsi créer un avatar de Trump entonnant l'Internationale. 
 
Dans peu de temps, 80% des contenus que nous ingérerons seront des faux. Les intelligences artificielles se nourriront de ces faux pour en produire de nouveaux.
 
Les historiens qui se pencheront sur notre siècle devront faire l'amer constat que toute information datant d'après 2020 (peut être même depuis 2000) n'est plus digne de foi.
 
Ils tenteront de retrouver des bribes de réalité dans les supports analogiques qui auront été conservés par des gens comme moi, dans des fonds de greniers.
 
Ces supports acquerront une valeur inestimable. Car toute information datant d'avant 2020 sera considérée comme étant le "mètre-étalon" de la connaissance humaine. Ils serviront à "ré-initialiser" les intelligences artificielles quand on aura estimé que, décidément, elles sont à côté de la plaque.
 
Mon bureau est encombré ces derniers jours de caisses de livres que je m'apprêtais à jeter, mais aussi de vieilles cartes géographiques, de cassettes audio, de films super 8.
 
J'ai renoncé à mon projet de rangement. L'avenir de l'humanité n'a tenu qu'à un fil.
 
Benoît De Nayer, co-fondateur et co-CEO d'Actito
 

Le titre de cette chronique est de la rédaction.

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