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Space Doctors sur les tendances de fond dans le secteur de la mode d'aujourd'hui

Vendredi 24 Février 2023

Space Doctors sur les tendances de fond dans le secteur de la mode d'aujourd'hui

Dans la série des webinaires sectoriels organisés par DPG Media Advertising au cours de ces derniers mois, le secteur de la mode a également été abordé. Au menu, entre autres, une présentation particulièrement intéressante de Space Doctors sur certaines grandes tendances qui reflètent les nouveaux besoins fondamentaux des consommateurs actuels plutôt conscientisés. Explications avec Claire Powell, Alex Bee et Diana Goderich (Culture & Trends Consultants).

La mode est toujours étroitement liée à la société dans laquelle elle s’inscrit. Comment décririez-vous le contexte social actuel ?
Claire Powell : On constate d’une part que la société est très fragmentée, et de l’autre qu'elle est sous pression à de nombreux égards, notamment à cause du coût de la vie, de la crise climatique, etc.

Parallèlement, on voit les gens se rabattre en réaction sur des structures plus locales et alternatives, parce qu'ils ont le sentiment de ne plus pouvoir compter sur les grands ensembles. 
Dans le secteur de la mode, on observe le même manque de confiance dans les grands acteurs internationaux. Ils sont toujours là bien sûr, mais on remarque que l’intérêt des gens s’oriente vers des alternatives de plus petite taille et plus diversifiées. Les communautés et les niches gagnent en importance : les gens reviennent à des sous-cultures. 
Diana Goderich : Et on les voit expérimenter d’autres façons d’acheter, comme le vintage et la seconde main.

Il y a aussi le rôle des médias sociaux : ils sont omniprésents, ils documentent tout, d’où une évolution de plus en plus rapide des tendances, qui viennent de partout.
CP : Les besoins humains sous-jacents sont les mêmes pour tous ls secteurs, comme nous les avions cités dans nos présentations précédentes, mais la façon dont nous essayons d’y répondre diffèrera selon le contexte culturel. Par exemple, notre tendance "La mode comme point d'ancrage" explore la manière dont la mode peut être utilisée pour nous soutenir et nous procurer un sentiment de sécurité dans les moments difficiles.

Nous voyons de plus en plus de marques créer des articles qui durent plus longtemps ou qui sont multifonctionnels, comme la chaussure "Everyday" de Nike, qui répondent à la fois aux défis du coût de la vie et de la crise climatique.

Par ailleurs, les gens trouvent important d'exprimer leurs valeurs, et la mode est un outil utile pour cela, servant à manifester ce qu'ils défendent et à afficher leur identité, non seulement avec des T-shirts arborant des slogans, mais aussi par le biais des matériaux qu'ils portent.
Alex Bee : On voit aussi clairement le besoin d'échapper au quotidien sérieux, par toutes sortes d'expériences ludiques.

On peut associer ce besoin à ce que nous avons appelé le "blended self", où divertissement et mode se rejoignent, notamment grâce aux possibilités qu’offrent les nouvelles technologies.
Le digital permet aux gens de s’exprimer sans les contraintes du monde physique : les possibilités sont infinies. La collaboration de la marque ultra classique Burberry avec Minecraft, qui permet à la mode de se faire une place dans le monde virtuel du gaming, en est un bon exemple.

DG : Ces expériences, où la mode fait irruption dans le monde virtuel, accompagnent d’ailleurs aussi la prise de conscience grandissante selon laquelle nous en demandons beaucoup à la planète pour suivre les tendances fast fashion. Et qu’en expérimentant ce besoin de nouveauté et d’exubérance dans le monde virtuel, l’impact est nettement moindre, même s’il ne faut pas oublier que le digital a également un impact. 

Quelle influence ont ces tendances sur la manière dont les marques doivent gérer leur communication ?

AB : Elles influencent entre autres la stratégie média : les marques ne communiqueront plus par saison, mais penseront en termes d’expériences toute l’année durant.

CP : L’expérience que l’on a de la mode évolue constamment. Il peut donc être utile de suivre les conservations à ce propos sur les médias sociaux, pour être en prise directe avec la réalité et pouvoir réagir rapidement. Les marques doivent en effet être à l’écoute et se montrer empathiques quant aux besoins et émotions des gens. C’est ce que les marques ont dû apprendre, avec des mouvements comme #MeToo ou BLM. Les communautés attendent des marques qu’elles s’investissent dans ces questions et thématiques, qu’elles s’engagent dans les conversations .

DG : Les consommateurs attendent clairement des marques, certainement des grandes, qu’elles soient en contact étroit avec leurs communautés. Quant aux marques plus petites et alternatives, elles doivent faire partie de la communauté qu'elles ciblent, ou du moins prouver qu'elles la comprennent. Il y a de fortes chances que les grandes marques devront faire plus d’efforts pour être au fait des grands débats culturels, mais elles ont les moyens pour le faire et devraient fournir les efforts nécessaires.

Pouvez-vous nous donner un exemple ? 

CP : Un bon exemple d'une marque qui sait exactement comment s'engager auprès de sa communauté est la marque belge locale Mosaert. Celle-ci se considère comme un label créatif et est donc active dans la musique, la mode et les médias audiovisuels - tous les domaines qui aident les gens à exprimer et à renforcer leur propre identité. Ils créent des collections capsules avec des matériaux recyclés ou des vêtements unisexes. Ils utilisent leurs collections pour lancer la conversation sur des défis sociaux tels que les questions raciales et le climat - bien qu'il soit important de reconnaître que cette marque ne s'adresse qu'à une petite sous-culture et n'est pas facilement accessible au grand public.

AB : La marque britannique Lucy & YAK me semble également être un bon exemple. Ce sont les insights de la communauté qui déterminent ses actions. Elle a ainsi lancé une reselling page pour aider ses clients à vendre les articles qui ne leur vont plus. Elle considère la gestion de ses vêtements de seconde main comme partie intégrante de son héritage. 

Y a-t-il des différences entre les générations dans la façon dont les gens abordent la mode ?

DG : Les jeunes générations sont considérées comme les plus exigeantes à l'égard des marques lorsqu'il s'agit d'œuvrer pour un monde et une planète meilleurs, mais ce sont aussi elles qui souffrent le plus des contraintes financières. ’est en grande partie dû au fait qu'ils ne peuvent pas toujours s'offrir les produits les plus durables. C’est aux marques qu’il revient d’éliminer cette tension entre l’envie d’acheter des produits éthiques et durables et leur accessibilité du point de vue financier. 

AB : Au lieu d'une « cancel culture », on assiste à l'émergence d'une attitude positive de personnes choisissant consciemment des marques dont les valeurs s'alignent sur leur mission et leurs valeurs personnelles. Les vêtements sont un achat essentiel - nous devons avoir quelque chose à porter - mais nous voulons utiliser ce pouvoir d'achat pour avoir un impact positif, que ce soit sous la forme d'un T-shirt en coton éthique ou d'une marque qui donne un pourcentage de ses bénéfices à des œuvres caritatives.

Les gens sont-ils à nouveau fiers des marques ?

CP : La question est de savoir d’où vient cette fierté. Il ne s’agit pas de marques aspirationnelles ni de love brands telles qu’on les connaissait auparavant, mais bien de la signification et des actes d’une marque : ils doivent avoir du sens et être cohérents. 

DG : Les marques ne sont plus les héroïnes de leur propre histoire. Elles doivent donner aux gens les outils pour leur permettre de vivre de manière plus durable. Ce n’est pas toujours facile, et cela entraînera probablement des discussions peu agréables dans les salles de réunion des marketers. Comment faire passer votre marque à l’arrière-plan et mettre les consommateurs et la bonne cause à l’avant-plan ? 
 
photo cover: Anna Sullivan op Unsplas

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