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Project Poirot : comment Google a contré le header bidding

Dimanche 29 Janvier 2023

Project Poirot : comment Google a contré le header bidding

Au cœur de la nouvelle plainte antitrust déposée par le Ministère de la Justice américain à l'encontre de Google, on trouve notamment ce mystérieux projet Poirot qui, selon le Département de la justice (DOJ) aurait permis à Google de limiter la portée du header bidding. 

Devenue populaire au milieu des années 2010, cette technique permet aux éditeurs d'offrir aux enchères des impressions publicitaires à un plus grand nombrea d’ad exchanges, SSP ou trading desks et de mettre ces acheteurs potentiels en concurrence. Dans la pratique, le header bidding a permis à des adtechs concurrentes de Google de remporter davantage d'enchères et de revenus… 
 
Ce n'est pas la première fois que la firme de Mountain View est accusée d'utiliser la dynamique des enchères pour avantager son adtech : on rappellera ce système appelé Project Bernanke et le Jedi Blue, dans le cadre duquel Google aurait conclu un accord pour empêcher Facebook d'entrer dans le header bidding. Mais selon des spécialistes interrogés par Adweek et le DOJ, le projet Poirot a eu des effets bien plus profitables pour Google car prolongés dans le temps. 
 
Comme l'explique très clairement notre excellent confrère Nicolas Jaimes dans Minted, « début 2017, ce sont plus de la moitié des investissements qui transitent via DV360 qui vont à ces ad exchanges. Les plus gros d’entre eux s’appellent alors Appnexus, Rubicon Project, Smart, Yahoo, Index Exchange. Pas une bonne nouvelle pour Google, dont le vaisseau amiral, par lequel transite une grande partie des investissements des annonceurs, alimente donc la croissance d’adtech concurrentes. DV 360 est le premier acheteur de la plupart d’entre eux ! Le géant de la publicité se met donc en tête de diminuer ce quota, et tant pis si cette décision se fait au détriment des éditeurs ou des annonceurs. L’objectif est clair : tuer la pratique du header bidding et, avec elle, la croissance des concurrents, comme l’assure le DOJ dans sa plainte. » 
 
« C’est ainsi qu’est né le projet Poirot, qui sera connu du grand public, sous l’appellation Optimized Fix Bidding à partir de juin 2017. Concrètement, la fonctionnalité permet à DV360 de réduire automatiquement les enchères formulées en réponse à des bid requests provenant d’outils header bidding. De 10 à 40% dans un premier temps. Jusqu’à 90% dans un second temps à partir de septembre 2018, estime le DOJ. »
 
Avec pour conséquences que les ad exchanges concurrentes de Google ont vu leurs volumes de transaction dans DV360 chuter de manière significative, de 22% à 42% pour les Rubicon, OpenX, AppNexus/Xandr et autre PubMatic, toujours selon le DOJ. 
 
Google se défend, parlant d’un outil bien connu proposé aux annonceurs afin qu'ils puissent enchérir plus efficacement : « Il a été conçu pour les empêcher de surpayer, ce qui se traduit par des économies qu’ils peuvent réinvestir. De nombreux autres acteurs du secteur proposent des services similaires, notamment Trade Desk et MediaMath. Nos outils d'optimisation pour les éditeurs ne manipulent aucune enchère. Nous leur proposons de nombreuses solutions pour optimiser l’inventaire qu'ils vendent à l'aide de Google Ad Manager afin de les aider à tirer davantage profit de leur espace publicitaire. Nous mettons fréquemment en œuvre des optimisations de ce type, spécifiquement pour aider les éditeurs à maximiser leurs revenus. Depuis 2017, les frais de service de l’ad tech ont d’ailleurs diminué dans l’absolu et sont stables au regard de l’augmentation des dépenses dans le secteur. »
 
Des arguments qui laissent songeurs plus d’un concurrent… Comme l’écrit Jeff Green, fondateur et CEO de The Trade Desk : « Pourquoi Google créerait-il le projet Poirot pour saper les innovations des éditeurs, telles que le header bidding, s'il se souciait vraiment de marchés équitables et ouverts ? »

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