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Big Tech : la fin d'une époque, par Fons Van Dyck (Think BBDO)

Dimanche 29 Janvier 2023

Big Tech : la fin d'une époque, par Fons Van Dyck (Think BBDO)

Il semblerait que l’âge d’or soit bel et bien passé pour les géants d’internet comme Meta (Facebook), Amazon, Google, Salesforce et autres Twitter. Les chiffres d’affaires et le cours des actions ont subi de graves revers et l’on a également assisté à des coupes sombres parmi le personnel. Plus qu’une dépression passagère, tout porte à croire que le secteur soit à un tournant dans son développement, voire que son pic de croissance soit derrière lui. Reste à savoir quelle sera la prochaine grande vague technologique.
 
Faut-il le répéter, à bien des égards, l’année 2022 a été un tournant dans l’histoire moderne, dont l’ombre planera encore longtemps. J’ai déjà évoqué cette situation faite d’une succession rapide de crises qui se renforcent mutuellement : la "permacrise". J’ai aussi pointé le coronavirus, qui ne cesse d’exercer son influence sur une inflation galopante et la menace imminente de récession économique. Sans parler du réchauffement climatique qui a provoqué de pénibles records de chaleur entre Noël et Nouvel An, y compris chez nous.
 
Dans ce contexte, l’affaissement des géants d’Internet paraît être un phénomène marginal, mais pas moins pertinent pour l’avenir pour autant. Il ne sera en tout cas pas temporaire. C’est plutôt le symptôme d’un renversement de tendance imminent. Les belles années des ordinateurs, téléphones mobiles, Internet, médias sociaux et e-commerce sont derrière nous. Les ingénieurs de l’entreprise américaine Intel qui ont mis au point le premier microprocesseur il y a un demi-siècle, n’imaginaient alors peut-être pas la révolution technologique qu’ils allaient déclencher. Ni l’impact que cela aurait sur nos vies personnelles et la société en général. 
 
Il y a 25 ans de cela, la chercheuse Carlota Perez qualifiait déjà les technologies de l’information et de la communication de plus importante vague technologique des temps modernes. Ce type de vague se caractérise par une innovation majeure (dans ce cas-ci, le microprocesseur d’Intel en 1971), qui donne lieu à une véritable "ruée vers l’or", suivie par l’éclatement d’une bulle à un moment donné (la crise des dotcom du début du siècle en l’occurrence). De nombreux chercheurs d’or disparaissent sans laisser de trace, tandis quelques-uns parviennent à résister aux crises et à devenir de nouveaux géants (Apple, Microsoft, Google, Amazon). Mais ce genre de vague arrive elle aussi un jour à un stade de maturité, à un pic technologique (probablement en 2022). Et c’est là qu’elle commence immanquablement à décliner.
 
Le même schéma a déjà prévalu par le passé, par exemple pour les industries de l’acier et du charbon qui ont marqué de leur empreinte la première moitié du XXe siècle. Ou, après la Seconde Guerre mondiale, le pétrole, la chimie ou les voitures à combustible fossile. Les entreprises qui doivent leur importance à ces nouvelles technologies révolutionnaires tentent d’atteindre leur apogée, de prolonger leur cycle de vie en s’adaptant et en changeant leur fusil d’épaule par nécessité (deux exemples : l’industrie automobile qui investit aujourd’hui massivement dans les moteurs électriques, et les compagnies pétrolières qui se "verdissent"). Dans de nombreux cas, cela va de pair avec des licenciements massifs, des restructurations, des fusions ou des scissions d’activités. Parfois, elles mènent un ultime combat à mort, comme les industries de l’acier et du charbon dans les années 1970-1980. Les vagues technologiques affichent un trait déterministe.
 
Beaucoup d'éléments laissent penser qu’aujourd’hui ou demain, même les géants d’Internet n’en sont ou n’en seront plus à leur apogée. Mais nul doute qu’ils mettront tout en œuvre pour survivre en ajoutant à leur technologie de base ou leur modèle économique de nouvelles applications pour les utilisateurs (AR/VR/Metaverse pour Facebook, Microsoft et Apple par exemple). Certains demeureront donc des entreprises saines et matures pendant de nombreuses années, un peu ennuyeuses aussi. Certains ne disparaîtront jamais complètement, car nous resterons (trop) dépendants d'eux dans une large mesure (pensez aux téléphones portables) mais leur position économique et sociale dominante s'estompera progressivement, ou ils continueront à subir la pression de consommateurs et de gouvernements sûrs d’eux. Chose dont le gourou de l’innovation Rik Vera se montre de plus en plus convaincu lors de conversations informelles.
 
Reste bien sûr la question cruciale de savoir quelle sera la technologie du futur, le nouvel eldorado de demain. D’aucuns misent depuis des années sur les bio-tech, d’autres sur l’intelligence artificielle (IA). Lors de certaines de ses conférences récentes, Carlota Perez s'en tient aux technologies durables. Soyons honnêtes et réalistes : personne aujourd'hui ne peut prédire quel sera le graal technologique du futur. Il y aura à nouveau beaucoup d’appelés et peu d’élus. "History does not repeat itself, it only rhymes", dit le proverbe. Ce qui a été ne reviendra pas, mais l’avenir ressemblera toutefois un peu au passé, surtout en ce qui concerne les modèles de vagues technologiques. 

Quoi qu’il en soit et qui que ce soit, nous sommes déjà demain.

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