Nl

MEDIA

Stefan Lameire : "Si je ne parviens pas à faire coïncider confiance en soi et ambition au sein de la tripartite, le CIM mourra d'une mort lente"

Dimanche 18 Décembre 2022

Stefan Lameire :

Invité de l’édition de décembre de notre magazine, le nouveau président du CIM, Stefan Lameire, nous a accordé il y a quelques semaines un long entretien au cours duquel il revient sur son parcours et explique comment sa fonction de business consultant le place également dans une position extérieure qui lui sera sans bien utile pour tracer l'avenir de la tripartite. Morceaux choisis.

Commentant votre nomination à la présidence du CIM, son Directeur Général Stef Peeters a déclaré que les dossiers difficiles pourraient être abordés avec davantage de résolution. A quels dossiers faisait-il référence exactement ?

Lors des débats que vous avez organisés l’an dernier à l’occasion des 50 ans du CIM, un certain nombre de suggestions prometteuses ont été avancées, mais jusqu’ici, peu d’entre elles se sont concrétisées. Je pense que l’actuelle gouvernance du CIM fait obstacle à toute action fondamentale relevant d’une stratégie globale, car l’impact de tout changement technique sur l’output actuel est pour l’instant tellement important qu’il y a peu de place pour parler de stratégie. Je veux dire par là que, jusqu’à présent, toutes les parties prenantes ont d’abord et avant tout réfléchi du point de vue de leur propre réalité opérationnelle, avec l’intention de protéger au mieux leur part du gâteau, sans considérer le secteur dans son ensemble.

Cependant, les annonceurs veulent obtenir la mesure des contacts avec leurs consommateurs la plus exacte et la plus neutre possible. Aujourd’hui, ils ne s’inquiètent plus de savoir par quel canal leur message est diffusé. Ce qui leur importe, c’est d’atteindre leurs consommateurs de manière optimale et donc, par définition, cross-média. Au sein du CIM, il est difficile de leur fournir les chiffres dont ils ont besoin, parce que les études sont organisées par média.  

Pour que les currencies restent pertinentes et crédibles, le digital doit donc jouer un rôle beaucoup plus important, surtout quand on pense aux grands annonceurs internationaux qui, s’ils le souhaitent, peuvent établir leurs plans médias depuis leur siège d’Atlanta par exemple, sans que la Belgique n’y figure. D’autre part, dans notre pays, environ 50% des achats sur le marché des médias s’effectuent aujourd’hui sans currency CIM. Cela s’explique par l’absence des Google et Facebook dans cet univers, qui n’ont pas non plus été repris dans la réflexion sur la direction que doit prendre le CIM. Il en va de même pour Proximus et Telenet : ils ne sont actuellement pas parties prenantes du CIM, alors qu’ils sont pourtant des acteurs pertinents de l’écosystème et qu’ils peuvent au final également jouer un rôle dans la mesure du reach cross-média grâce à leurs données. 

À cet égard, ToVA, le nouvel outil du CIM, est un grand pas dans la bonne direction, non ?

Oui, parce qu’il s’agit d’un outil qui combine des données sur les acteurs technologiques internationaux avec des données provenant des médias locaux. Je constate néanmoins que tout le monde attend les résultats avec impatience mais aussi appréhension. C’est pourquoi j’ai précisé, lors de mon premier conseil d’administration, que ma tâche consistait à gérer de multiples stakeholders. Chacun défend évidemment sa propre marque et son propre secteur, mais j’espère que toutes les parties impliquées pourront en même temps se comporter comme des multi-citoyens de notre marché publicitaire. Avec comme objectif de maintenir et d’améliorer la pertinence, la fiabilité et la neutralité du CIM. Le marché ne s’en portera que mieux.

C’est un énorme défi, et si je ne parviens pas à faire coïncider confiance en soi et ambition au sein de la tripartite, avec la volonté de cocréer et de changer, le CIM mourra d’une mort lente et chacun devra peut-être recommencer à effectuer ses propres mesures. Ce serait dommage, car le CIM jouit d’une réputation considérable et faisait figure de référence mondiale par le passé. 

Comment l’introduction des modèles AVOD chez les acteurs du streaming affectera-t-elle le marché, pensez-vous ? Et ceux-ci ne devraient-ils pas également s’asseoir à la table des stakeholders du CIM ? 

Je trouve que c’est une évolution très intéressante. Ce qui l’est plus encore, c’est que des acteurs internationaux comme Disney+ et Netflix participent à l’étude du BARB sur le streaming au Royaume-Uni. C’est encourageant, cela montre que les services de streaming au niveau international choisissent de s’installer de manière premium sur le marché, alors que les acteurs technologiques ont précédemment choisi de dévaloriser le marché via la programmatique. Autrement dit, les acteurs du streaming ne veulent pas détruire le marché du broadcasting, mais s’y superposer. Il existe une convergence entre streaming et diffuseurs, et les acteurs locaux doivent se demander comment ils vont réagir face à cette évolution. S’ils ne le font pas, le CIM devra peut-être le provoquer. On n’arrêtera pas cette évolution. Il suffit de regarder votre propre consommation média et celle des jeunes générations. 

L’autre grande nouveauté de ces derniers mois a été le lancement de MediaWatch, un panel qui compte actuellement environ 2 200 répondants et qui est appelé à devenir une source de recrutement majeure du CIM. Allez-vous également commercialiser ce panel et le mettre à la disposition d’autres parties ?

Le CIM réalise chaque année environ 46.000 enquêtes sur les médias. Le recrutement devient de plus en plus coûteux et difficile, surtout depuis la période Covid. Comme annoncé, nous souhaitons également mettre le panel MediaWatch à la disposition de nos membres, mais ce n'est évidemment pas son core business. Cette commercialisation potentielle est principalement liée à la nécessité de maintenir les coûts à un niveau abordable. Comme je l'ai dit, nous travaillons encore trop en silos et j'espère que l’utilisation de ce panel pourra automatiquement contribuer à plus de synergie et de rentabilité pour les différentes études.

De nos jours, la consommation média comprend également une proportion considérable de gaming et d’esport. Ces domaines font-ils partie des futures priorités du CIM ?

Je ne les considère pas comme prioritaires. Mais si le CIM devait demain muer en une société d'audit pur dédiée à l'authentification des profils et des données des utilisateurs, nous pourrions parfaitement mesurer le poids en ligne de l'esport et du gaming. Mais à court terme, je dirais : commençons par le commencement. Le plus grand défi est la patience et la prise en compte de l'inertie qui accompagne les changements stratégiques puis structurels nécessaires. 

Archive / MEDIA