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Quelques réflexions de Karen Nelson-Field, en prélude à l'étude belge sur l'Attention Economy

Dimanche 2 Octobre 2022

Quelques réflexions de Karen Nelson-Field, en prélude à l'étude belge sur l'Attention Economy

Il y a quelques semaines, la professeure australienne Karen Nelson-Field (Amplified Intelligence & The Attention Council) avait répondu présent à l'invitation de l'UMA et de l'UBA pour parler de ses recherches sur la valeur de l'attention dans l'analyse du reach. Elle a profité de l’occasion pour annoncer une étude belge en la matière dont les résultats seront annoncés dans les prochaines semaines.

Vous êtes venue plusieurs fois en Europe l'année dernière pour évoquer vos travaux sur l'importance de l'attention dans la publicité. Au point que lors des Cannes Lions, l'un de vos interlocuteurs aurait qualifié la mesure de l'attention de « crack pour le secteur publicitaire ». Pourquoi est-ce un sujet si important aujourd'hui ?

Parce que l’on peut affirmer que sans attention, une publicité n'a aucun impact : il existe une corrélation objective entre l'attention active portée à une annonce et son efficacité. Une attention suffisante débouche sur la disponibilité mentale de votre marque chez les consommateurs, et non de celle d'un concurrent. En revanche, si les gens voient une publicité sans y prêter assez d'attention pendant suffisamment longtemps, ils ne s’en souviendront pas et elle ne sera donc pas efficace, à aucun niveau du funnel.

Par ailleurs, la façon dont le reach publicitaire est mesuré aujourd'hui est principalement basée sur des métadonnées qui ne donnent pas nécessairement une image précise et exacte de la façon dont les gens se comportent lorsqu'ils consomment des médias, même si les méthodes en question utilisent des critères généralement acceptés et approuvés.

Qu’est-ce que vous voulez dire par là ?

Ce n'est pas parce qu'une publicité est visible que les consommateurs y prêtent attention et pendant suffisamment longtemps. Outre l'encombrement causé par l'environnement, les gens passent constamment de l'attention à l'inattention. En outre, la quantité d’attention prêtée dépend de nombreux facteurs : la plateforme, le format, le son, etc. Ceux-ci déterminent l'attention maximale (active) qu'une pub peut susciter.

En d'autres termes, ce n'est pas parce qu'une publicité est considérée comme visible sur la base du nombre de pixels visibles (50% pendant 2 secondes, ndlr.) que les gens l'ont regardée. Il en va de même pour des paramètres tels que la "scroll speed", le "time on screen" ou la notion de "ad coverage" : ces éléments ne disent rien sur l'attention prêtée. 

Seul l'enregistrement continu de la direction du regard et des mouvements oculaires individuels des personnes peut donner une image univoque de l'attention. Sur cette base, vous pouvez déterminer l'omnichannel de la même manière et définir s’il est question d’attention active - regard concentré sur la publicité -, d’attention passive - regard à proximité immédiate de la publicité - ou d’inattention. Ces notions-là permettent de mesurer la télévision, le cinéma, l'OOH et le digital exactement de la même manière, et de les comparer pour le planning et le buying.

Vos recherches se sont concentrées jusqu’ici sur les médias visuels sur écran. Y a-t-il moyen d’en appliquer les principes sur l’audio qui devient de plus en plus populaire ?

L’audio est en effet important dans notre monde visuel surstimulé et il a le potentiel de générer beaucoup d'attention. Cette année, après quelques expériences antérieures avec Spotify et une étude de faisabilité en collaboration avec la société de médias australienne CSA, nous avons commencé à mesurer l'attention dans la diffusion audio en broadcast pour voir quel impact elle a sur le "brand choice uplift".

Il est évident qu'il est impossible d'utiliser des techniques d'eye-tracking à la radio. Nous avons donc mis au point une méthodologie différente, qui était loin d'être simple. Nous avons constitué un panel de test avec des répondants que nous avons recrutés lors des écrans publicitaires en direct. Ensuite, c’était tout sauf évident de faire par exemple la distinction entre l'attention active et l'attention passive - mais je peux d'ores et déjà dire que nous observons des schémas qui indiquent qu'il existe en audio aussi une corrélation entre l'attention et l'augmentation du choix de la marque. 

Les résultats de notre première étude seront présentés en octobre. Nous allons continuer à améliorer la méthodologie et nous aimerions élargir les tests avec les autres acteurs du marché, notamment en matière de podcasting.

A la fin de votre présentation lors du MediaDate, vous avez annoncé qu’Amplified allait mener une étude sur l’Attention Economy pour le marché belge, à la demande de VIA. Pouvez-vous lever un coin du voile ?

En effet, en collaboration avec VIA et pendant cinq semaines, nous avons mené une étude nationale analysant l'impact de l'attention sur le STAS - Short Term Advertising Strenght -, un concept qui exprime la mesure dans laquelle les consommateurs vont effectivement acheter une marque après avoir vu une publicité. 

L'étude couvre les cinq principales plateformes BVOD belges - VRT Max, VTM Go, GoPlay, Auvio et RTLPlay - et YouTube sur mobile, complémentaire au grand écran. Il s'agit de la première partie d'un projet plus vaste, dont la seconde sera consacrée à la télévision. 

En attendant, vous auriez l'un ou l'autre conseil à donner aux annonceurs et aux agences ?

Aux annonceurs, je dirais qu’ils doivent garder à l'esprit de ne pas se concentrer uniquement sur le nombre d'impressions de leurs campagnes, ni exclusivement sur la tarification des plateformes sur lesquelles elles sont diffusées. Qu’ils prennent en compte aussi les différentes composantes de l'attention qui caractérisent chaque plateforme. Il s'agit là d'un point que le procurement doit également comprendre : est-il judicieux de consacrer la majeure partie de son budget à des plateformes certes peu coûteuses, mais qui suscitent peu d'attention ?
 
A cet égard, il est donc nécessaire de comprendre comment les différentes plateformes fonctionnent et comment elles se rapportent les unes aux autres. Les schémas identifiés sont systématiquement similaires sur les différents marchés.
 
Pour les agences, il est utile de déterminer avec leurs clients dans quelle mesure la créativité de leurs campagnes peut optimiser l'attention qu'elles suscitent. Comme je l'ai souligné précédemment, chaque plateforme média est caractérisée par une élasticité maximale de l'attention, mais une bonne création peut étirer l'attention générée endéans ces limites.
 
Et à ceux qui doivent mesurer le reach des différentes plateformes : essayez de ne pas penser de manière compliquée et d'ajouter une composante concernant attention à votre écosystème data. Après tout, il s'agit d'un changement fondamental dans notre secteur.

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