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Les futurs diplômés vont-ils tacler "l'idéologie managériale écocidaire"?, par Fred Bouchar (MM)

Jeudi 29 Septembre 2022

Les futurs diplômés vont-ils tacler

Vous avez sans doute vu cette vidéo tournée il y a quelques mois en pleine cérémonie de remise des diplômes d’AgroParisTech au cours de laquelle des étudiants dénoncent les métiers auxquels ils sont formés qu’ils qualifient de « destructeurs ». Si ceux-là proposent de « déserter » d’autres à l’Ecole Polytechnique disent vouloir s’engager dans des fonctions publiques afin « d’impulser et mettre en œuvre des politiques à la hauteur des enjeux ».
 
Autant de signes d’un dilemme grandissant pour une partie de la génération surdiplômée et consciente de la crise écologique, note Le Monde
 
Et il en va de même pour une partie des enseignants. 
 
« Les sciences (économiques et) de gestion reposent sur des paradigmes épistémologiques obsolètes (...). J’ai la conviction que le maintien du paradigme dominant en sciences de gestion équivaut aujourd’hui à une forme criminelle de dogmatisme et d’obscurantisme, contraire à l’esprit des Lumières », écrit Laurent Lievens, Docteur en sciences politiques et sociales & Ingénieur de gestion, dans une lettre ouverte où il explique pourquoi il démissionne de tous ses cours à la Louvain School of Management, évoquant une « idéologie managériale écocidaire ».
 
« Le cadre capitaliste de notre civilisation et sa version néolibérale actuelle (…) donnent lieu à un illimitisme forcené, une démesure extractiviste, productiviste et consumériste, une croissance délétère ainsi qu’une foi béate dans la technoscience salvatrice. C’est à ce cadre-là que contribuent les sciences de gestion, en étant parmi les instruments les plus efficaces de son expansion », écrit Laurent Lievens. 
 
« Que signifie de devoir s'adapter à la décarbonation pour une école de commerce ? », se demande aussi Jean-Marc Jancovici, ingénieur consultant en énergie/climat. « A quoi peuvent/doivent servir les diplômés d'une école de commerce dans un monde qui se démondialise ? Quels sont les débouchés avec une économie qui se contracte de manière structurelle ? »
 
Ce sont quelques-unes des questions qui sont au coeur de la réflexion menée par The Shift Project que préside Jancovici, dans le cadre du projet "Climasup Business" visant à former les acteurs de l’économie de demain et réaliser la transformation des enseignements pour y intégrer les enjeux écologiques dans toutes les formations.
 
« Rares ont été les ingénieurs qui ont dévoué leur vie à la question environnementale (...) Mais voilà, les temps changent. A mesure que nous approchons des limites planétaires, identifiées "en ordre de grandeur" par l'équipe Meadows il y a 50 ans, une fraction croissante des jeunes ingénieurs souhaitent autre chose pour leur avenir professionnel. »
 
Pour Jancovici, des jeunes bien formés peuvent peser à court terme sur les décisions de leurs ainés en refusant de travailler pour les entreprises où l'action ne leur semble pas à la hauteur : « De ma propre expérience, sur les quelques années qui viennent de s'écouler, la crainte du "défaut de talents" est un facteur qui a contribué à rendre un certain nombre de dirigeant(e)s d'entreprises plus actifs sur la question environnementale en général, et le climat en particulier », relève-t-il. 
 
Et attirer les nouveaux talents dans nos métiers passera forcément par cette prise de conscience de l’industrie. Rien qu’en cela, et pour autant qu’elle s’y emploie vraiment, la coalition CommToZero mérite les investissements auxquels ont consenti tous les acteurs locaux… et Google. Dommage que Meta ne l’ait pas compris. Jusqu’ici, Facebook a en effet décliné l’invitation de l’ACC et l’UBA. 

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