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Joeri Van den Bergh : « Le rôle des marques est plus polyvalent que jamais »

Dimanche 3 Avril 2022

Joeri Van den Bergh : « Le rôle des marques est plus polyvalent que jamais »

Il est sans doute inutile de présenter Joeri Van den Bergh, fondateur et associé de InSites Consulting. Lors du récent UBA Trends Day, le trendwatcher NextGen a exposé les tendances les plus marquantes qui caractérisent la GenZ. Une intervention fascinante et essentielle pour toute personne qui veut savoir ce qui motive cette génération montante.

Quand on analyse les tendances et les évolutions qui caractérisent les jeunes d’aujourd’hui – comme ceux d’hier –, une question se pose inévitablement : pourquoi une génération diffère de la précédente à un moment donné ? Est-ce dû à l’âge, à l’esprit du temps ou simplement une phase de la vie ?

Une génération est le résultat de deux facteurs. Tout d’abord, l’éducation que vous donnent vos parents, qui eux-mêmes appartiennent à une autre génération. Les jeunes d’aujourd’hui ont été élevés par des parents qui appartiennent à la GenX. Ceux-ci ont été éduqués dans une forme d’individualisme et, dans une large mesure, ils ont dû eux-mêmes se prendre en charge. Ce qu’ils ont en partie transmis à leurs propres enfants. D’autre part, une génération est aussi le fruit de son époque. Celle de la GenZ est marquée par diverses crises : celle de l’économie, du coronavirus, du climat et maintenant de l’Ukraine. Les millennials, en revanche, ont grandi dans un contexte positif. Ce qui n’est pas sans conséquences. Par ailleurs, des facteurs macro, tels que l’évolution technologique ou d’autres données sociétales jouent également un rôle dans la façon dont les jeunes appréhendent le monde. 

Lors de l’UBA Trends Day, vous nous avez réservé la primeur des résultats d’une étude qualitative menée en ligne en février de cette année, tant au niveau international qu’en Belgique. Dans notre pays, vous avez interrogé 1.000 personnes issues de quatre générations : Babyboomers, GenX, GenZ, GenY. Qu’est-ce qui distingue les jeunes de la GenZ de ceux des générations précédentes ?

On constate qu’ils subissent une pression assez considérable et qu’ils sont davantage stressés que leurs prédécesseurs. Ils sont animés par le désir irrésistible d’accomplir quelque chose, mais il leur manque une certaine assurance. Ce qui frappe, c’est, d’une part, leur "woke attitude" qui les rend particulièrement critiques et assurés, et de l’autre leur envie d’exprimer leur identité par la nouveauté et la co-création. 

L’importance de l’humour comme exutoire, via les mèmes ou des canaux ludiques comme TikTok par exemple, n’est pas à négliger. Ce qui est très particulier, c’est qu’ils utiliseront aussi leur créativité – à laquelle ils accordent une grande importance – pour gagner de l’argent. 

D’ailleurs, la créativité est presque aussi essentielle que le statut et l’argent, qui comptent pourtant beaucoup pour eux, parce qu’elle permet à 4 jeunes sur 10 d’en tirer quelque chose. Ils le doivent en partie à leurs parents, qui appartiennent à la génération yuppie et qui ont transmis cette idée à leurs enfants.

Autre caractéristique qui semble marquer cette génération tel un fil rouge, c’est l’émotion. Où est passée la raison ?

C’est lié au fait que la GenZ est une génération très stressée et qui, dans le même temps, attache une grande importance à la santé mentale. Montrer ses émotions est admis et même requis, y compris chez les dirigeants. On passe donc à une génération qui peut parler ouvertement de ses émotions. Les marques peuvent aussi jouer un rôle à cet égard. 

Que voulez-vous dire ?

Les marques peuvent montrer que les imperfections sont possibles et autorisées. Elles peuvent et doivent donc reconnaître leurs erreurs plus rapidement qu’auparavant, être plus transparentes aussi. D’autre part, elles peuvent également assumer une fonction de soutien et d’accompagnement dans la vie de ces jeunes gens. Les possibilités sont innombrables, des formations à l’aide à la rédaction d’un CV. Au-delà de ça, les marques peuvent aussi répondre à l’énorme besoin d’exutoires qui caractérise cette génération. En résumé, il s’agit de signifier quelque chose pour les jeunes, littéralement comme au figuré.

Pouvez-vous citer une marque qui y parvient ?

La première qui me vient à l’esprit est Nike. Parce qu’avec son slogan "Just Do It", elle incarne ce désir d’accomplissement dont je parlais. En outre, la marque réagit toujours un peu plus tôt que les autres à ce qui se passe dans la société. Je pense à sa collaboration avec une figure emblématique comme Colin Kapernick, avant même que le racisme et le mouvement Black Lives Matter ne deviennent un sujet sociétal important. Par ailleurs, Nike comprend fort bien le besoin de personnalisation et d’expression créative des jeunes. Ainsi, en 2011, elle a offert à ses clients la possibilité de styliser eux-mêmes leurs sneakers ; ce faisant, la marque était très en avance sur son temps. Dans ses collaborations avec entre autres Virgil Abloh (le designer de Christian Dior et le label Off-White), elle démontre à quel point elle a su rester trendy et unique.

En fast moving, je fais volontiers référence à Ben & Jerry’s, en raison de son approche concrète de l’activisme de marque. Ils utilisent leurs produits pour prendre position sur des questions sociétales importantes. C’est résolument audacieux pour une marque de crème glacée d’aller aussi loin dans le brand activism. Et la GenZ attend des marques qu’elles aient une opinion et qu’elles la défendent. 

La GenZ commence petit à petit à travailler, et donc à devoir collaborer non seulement avec les millennials, mais aussi avec la GenX et même quelques baby-boomers. Comment cela va-t-il se passer ?

Ce n’est en effet pas si simple. Il faut savoir que la GenZ est très indépendante et autonome. Les études montrent que près d’un jeune sur deux souhaiterait créer sa propre entreprise. Ils ont un besoin de participation beaucoup plus important et s’épanouissent mieux dans des structures plus plates. Cela implique de remettre en question les structures verticales classiques au sein des entreprises. On remarque par ailleurs qu’ils ont un énorme besoin de coaching, tant en termes de santé mentale (et physique) que d’expertise professionnelle. 

Enfin, cette génération veut aussi occuper un emploi dont elle comprend l’utilité, qui a un impact sur la société. Elle veut participer à la réflexion sur la manière dont l’entreprise peut contribuer à améliorer le monde.

Quel genre de génération suivra celle-ci ?

Il s’agira de la génération Alpha, qui est actuellement à l’école primaire (ou qui est encore plus jeune). Il est difficile d’en dire grand-chose pour l’instant, si ce n’est qu’elle aura grandi dans un environnement virtuel. Le métavers sera totalement naturel pour elle, tout comme le gaming. Le texte perdra encore de son importance. La voix et la vidéo, en revanche, prendront encore plus de place, tout comme la symbiose entre le monde virtuel et physique.

Quel serait votre message aux marketeers qui veulent s’adresser à la GenZ ?

Cette génération sera très importante, parce qu’elle changera la société, parce que c’est ce qu’elle veut et elle dispose des skills pour le faire. Elle s’exprime avec beaucoup plus d’assurance que la précédente, mais elle est aussi vulnérable et grandit à une époque difficile : elle a un énorme besoin d’être guidée, y compris par les marques. Le rôle de ces dernières est donc plus polyvalent que jamais, comme support, exutoire et vecteur d’expression personnelle. Plus que jamais, les marques doivent représenter et défendre quelque chose, et le mettre en pratique.

Le rapport complet est disponible ici.

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