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SXSW : au retour de la normalité, même sans nouvelle normale (Danny Devriendt, IPG Dynamics)

Dimanche 20 Mars 2022

SXSW : au retour de la normalité, même sans nouvelle normale (Danny Devriendt, IPG Dynamics)

Ça fait du bien de revoir les milliers de participants au SXSW déambuler dans les rues d’Austin. Austin, une de mes villes préférées dans le monde. Quand le Covid-19 a frappé la région début 2020, entraînant l’annulation de la convention, j’ai ressenti toute la souffrance de la ville. Bizarrement, et sans même m’en rendre compte, la douleur s’est ancrée plus profondément que je n’ai bien voulu l’admettre. Le fait d’être maintenant de retour sous le soleil texan m’a armé d’un plus large sourire, d’un regain d’énergie et d’un optimisme retrouvé. Être privé de vols en avion, de voyages, d’êtres humains, d’embrassades, de dîners, de longues conversations et de débats animés pendant 24 mois a été une rude épreuve pour moi. La plupart des personnes que je rencontre au SXSW partagent ce sentiment. Un sentiment de libération. De délivrance de l’esprit. L’impression de tourner la page Covid.
 
Le bourdonnement des participants venus du monde entier pour se retrouver dans le centre de congrès, dans les rues, devant les food-trucks, dans les ascenseurs et dans les restaurants, marque le retour à la normalité, un recommencement. Un lancement. 

Tout le monde est de retour. Les keynotes sont provocantes et bâtissent le futur, alors que de durs enseignements sont tirés du passé. De nouvelles tendances se dessinent au sortir du vaste programme de présentations : "la grande démission". Des modèles d’entreprise axés sur une raison d’être. Des ensembles de valeurs d’entreprises. L’image de marque de l’employeur. Le travail hybride. Des structures de management décentralisées. Une mobilité repensée. Une consultance à la structure alvéolaire. Une numérisation et automatisation accélérées. L’apprentissage artificiel et profond enfin prêt à faire une différence pratique. La puissance des connexions sociales, de l’influence des ambassadeurs, de l’informatique quantique. La transition vers le tout-à-la-plateforme, vers des consolidations axées sur les API. Une soif de toujours plus de données, plus rapides et de meilleure qualité. Le besoin d’analyses de données pertinentes, de visualisation en temps réel. La transformation digitale. Une humanité augmentée. L’accent mis sur l’expérience, la participation, la co-construction et l’attention aux vagues de l’opinion. Le besoin de clarté, d’honnêteté, de sincérité, de courage et d’énergie, en plus d’une saine dose de magie. Le besoin d’accélérer, en gardant l’option de prendre le temps de la réflexion.
 
Tout le monde est de retour, sans pouvoir parler d’un retour à la normale. Cela n’arrivera pas. L’incessant battement typique du SXSW est bien présent. Il est clair, personnel et profond. Il célèbre certes le digital, mais souligne aussi une sage leçon : le mystérieux pouvoir des rencontres en personne.
 
La convention South by Southwest d’Austin a replacé sa méga-conférence consacrée aux technologies, innovations, sociétés, musiques et à la culture au sens large à l’avant-plan et à un extraordinaire niveau. Parmi les grandes tendances de l’innovation cette année, on retrouve l’avenir du travail, l’avenir de la démocratie, l’avenir des communications et des médias, le changement climatique, le Web3, la liberté (d’opinion et d’expression), les fake news, la cybersécurité, les finances et l’art à l’heure de la crypto, et - bien sûr - le Metaverse.
 
Le 35e anniversaire du SXSW se heurte à la refroidissante réalité d’une pandémie qui entre dans sa troisième année ; une inquiétante et agressive polarisation intellectuelle, factuelle, économique et spirituelle ; et un violent conflit en plein cœur de l’Europe de l’Est. Cela amène pourtant, dans le plus pur style Star Wars, "Un nouvel espoir". La vie est de retour, en direct, mais est aussi plus hostile que jamais. Bruce Sterling a bien exprimé la chose : chaque revers nous rend plus forts, différents, plus résilients, plus créatifs et plus optimistes.

Le Facebook de Meta et son emblématique CEO Mark Zuckerberg ont probablement été les sujets qui ont suscité le plus d’agacement au SXSW. Les penseurs libéraux ne prennent pas l’énorme - et négative - influence du géant numérique à la légère. Le potentiel de matraquage, les fake news et les manipulations de logarithmes programmés pour le bénéfice font plus que froncer quelques sourcils.
 
Mark Zuckerberg a néanmoins montré du courage et des nerfs d’acier en se présentant face au public, 14 ans après sa première - et très hésitante - apparition au SXSW. Il a expliqué le comment et le pourquoi du Metaverse et du Web3. Il est évident que l’objectif de Zuckerberg est de relancer et d'étendre Meta au travers d’une accélération vers les mondes mystérieux de la réalité virtuelle augmentée.
 
Pour Zuckerberg, le Metaverse est la « nouvelle génération d’Internet ». Il l’envisage comme une autre plateforme sociale sur laquelle il sera possible de se rencontrer pour des raisons professionnelles, personnelles et de divertissement. La configuration elle-même du Metaverse va permettre une pléthore d’expériences, centrées sur la nature immersive et même haptique de la plateforme.
 
Il estime qu’il en va de son devoir de leader de persister sur la voie de ce qu’il identifie comme l’avenir de l’entreprise multimilliardaire, plutôt que de se cantonner à la réalité d’aujourd’hui. Le Metaverse est l’extension de la réalité dans le monde digital. Un monde qui, il faut bien l’admettre, a encore un peu de chemin à parcourir avant d’être aussi réel que le monde réel. Mais nous allons malgré tout devoir repenser notre sens de la normalité et de la réalité. En tant qu’espèce, qu’économie, que société, nous sommes devenus (et le Covid a accéléré cette tendance) vraiment hybrides : nous vivons dans un double monde, avec des dynamiques nouvelles et exigeantes, mais passionnantes.
 
« Je pense qu’à un certain point, on peut dire que l’avenir appartient à ceux qui y croient plus que d’autres », a-t-il déclaré. Ça me parle.
 
Au moment d’écrire ces lignes, à la lueur d’une lune mystérieuse et avec les apaisantes étendues d’eau du lac Travis en toile de fond, j’ai un sourire aux lèvres.
 
J’y crois.

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