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SXSW - Fake news : pour le pire et pour le meilleur... (Danny Devriendt, IPG Dynamics)

Lundi 14 Mars 2022

SXSW - Fake news : pour le pire et pour le meilleur... (Danny Devriendt, IPG Dynamics)

À qui faites-vous confiance ? Qui connaissez-vous bien ? Qui connaissez-vous vraiment, vraiment bien ? Ces derniers mois, nous sommes nombreux à nous être retrouvés décontenancés en voyant comment des collègues, clients, amis et même des proches pouvaient se transformer en des êtres bien différents de ce que l’on imaginait. Ça commence avec deux fois rien. Un petit J’aime sur une publication discutable. Un petit partage d’un message douteux. Une remarque narquoise dans un commentaire. Mais en un rien de temps, ils deviennent des génies du mal. Diffuseurs de fake news et théories du complot. Adeptes de machinations globales orchestrées par des Illuminati : fraudes électorales à grande échelle ; politiciens mangeurs d’enfants ; Grand Reset ; génocide au virus programmé par la fondation Rockefeller ; sombres desseins d’un Bill Gates qui encourage la vaccination uniquement pour nous injecter des nanorobots biologiques cachés dans les seringues… Une humanité contrôlée par la 5G.
 
Habile érosion de confiance
 
Alors que l’humanité faisait face à une pandémie avec quasiment toutes les ressources informatiques et scientifiques à disposition, une vieille ennemie sournoise est ressortie des confins de l’oubli : la désinformation. Fake news. Une menace aussi dangereuse que sous-estimée qui s’attaque aux fondements mêmes de la société civile et morale. Habilement disséminées, propagées par les médias, partagées par nos entourages, amplifiées par les logarithmes, la désinformation, les fake news, les théories du complot recommandées sur YouTube et les inventions marquées de la lettre Q se répandent comme une traînée de poudre et érodent, lentement mais sûrement, la confiance du grand public dans les institutions citoyennes et scientifiques, à tous les niveaux. Les personnes qui brandissent ces informations douteuses - et sans doute fausses - se considèrent comme des penseurs à l’intelligence supérieure, mieux informés et parmi les plus critiques. Les autres sont rangés dans la catégorie des "endormis", les "moutons" qui suivent le "troupeau".
 
Échos infinis dans un vide intersidéral
 
Monsieur Dupont et Madame Michu vont plus facilement croire une vidéo en ligne vite faite mal faite montrant le coup de gueule d’un crétin déterminé, que des scientifiques, médecins, historiens et universitaires confirmés. Les experts éprouvent les pires difficultés à conserver ne fut-ce qu’un soupçon de confiance pour une grande partie du public. En revanche, le matraquage des "experts diplômés des réseaux sociaux", de rêveurs et penseurs anticonformistes est démultiplié et amplifié par les échos d’un vide intersidéral. La croisade contre les fake news est un thème majeur de cette édition du SXSW. Comment fonctionnent ces news ? Pourquoi apparaissent-elles ? Comment les arrêter ? Devrait-on les stopper ? Où est la limite de la liberté d’expression ? Comment les journalistes, médias, influenceurs (à tous les niveaux) peuvent-ils se lancer dans la vaste quête visant à conserver et reconstruire la confiance du public, tout en renforçant les piliers de la société face à cette sournoise menace ?
 
Éducation, éducation, éducation
 
Le programme SXSW EDU a donné lieu à des débats animés autour de la question de savoir comment les étudiants devraient/pourraient être éduqués pour détecter la mésinformation et, encore plus important, pour comprendre les dynamiques agogiques, neuroscientifiques et démagogiques derrière ces éléments. La National Association for Media Literacy Education souhaite placer les défis de l’enseignement lié à la mésinformation dans, mais aussi en dehors des classes. Des fact-checkers expliquent le processus de détection des fake news, et comment vérifier les informations. J’ai discuté avec des Workplace Experts (c’est un titre de fonction, oui) sur le potentiel des fake news pour détruire en un clin d’œil le lieu de travail, et pourrir une culture d’entreprise jusqu’à la moelle. J’ai bu un verre avec un professeur d’éthique qui nous félicite, nous Belges, pour le bel exemple international qu’est Lead Stories, l’innovant site web de vérification de faits à la frontière entre big data et journalisme, créé par Maarten Schenk : « Ce n’est pas parce que la news est tendance qu’elle est vraie. » Message reçu 5/5, Maarten !
 
La culture médiatique est la clé
 
Michelle Ciulla Lipkin, administratrice de l’association à but non lucratif National Association for Media Literacy Education, a expliqué que pour des étudiants, la valeur d’un apprentissage visant à détecter et aborder la mésinformation devrait aller au-delà d’un cours à donner. Cet apprentissage devrait permettre la mise en place d’un ensemble de compétences susceptibles d’être appliquées pour tous les thèmes et sujets, partout et tout le temps. « Pour nous, la culture médiatique est la capacité d’accéder, d’analyser, d’évaluer, de créer et d’agir en utilisant toutes les formes de communication », a indiqué Michelle Ciulla Lipkin. Cela génère une capacité de réflexion critique. Un esprit formé est plus difficile à influencer, et plus résistant aux assauts de la désinformation. Cela mène néanmoins à une question logique : Qui est assez qualifié (et/ou "neutre" et/ou "impartial") pour proposer une telle formation ? Autre point encore plus important, qu’est-ce que la désinformation, et a-t-elle oui ou non une raison/un droit d’exister ?
Michelle Ciulla Lipkin souligne que la tendance croissante qui pousse à catégoriser des réalités complexes en disant "noir "ou "blanc" n’aide pas : « Une des difficultés majeures avec la désinformation et les fake news est qu’elles cantonnent beaucoup trop souvent les informations dans deux camps : le vrai ou le faux, le fait ou la fiction. En réalité, et le plus souvent, c’est plus compliqué que ça. La vérité se trouve dans une zone grise… »
 
La vérité plutôt que le bénéfice ?
 
On pointe aussi plus d’un doigt vers différents acteurs : vers les journalistes, qui donnent souvent un même temps d’antenne à des experts reconnus par leurs pairs, et des charlatans douteux, ce qui crédibilise aussi ces derniers. Vers les médias, qui "citent" de plus en plus, ont tendance à moins vérifier les faits et perdent l’art de relater des sujets avec une perspective claire. Vers les GAFAM, qu’Amy Webb a élégamment renommés "G-Mafia", car leurs puissants logarithmes finissent par éliminer tous les messages anticonformistes de la timeline d’un utilisateur. Vers l’industrie de la publicité, parce qu’elle continue à sponsoriser les dynamiques mêmes qui propagent les fake news. Vers les marques, qui n’ont bien trop souvent pas le courage et le cran de retirer leurs milliards de plateformes d’information et de divertissement douteuses. Vers l’industrie de la communication dans son ensemble, pour son manque d’autorégulation. Vers les politiciens, qui ne font pas passer la vérification de faits dans des textes de loi. Vers les entreprises, pour leur manque d’investissements dans une communication push & pull claire et interactive.
 
Le deepfake au service du bien ?
 
Une présentation sur les manières dont les gouvernements, universités et industries utilisent le deepfake et des applications similaires pour le bien a retenu mon attention. Ça m’a glacé jusqu’à la dernière goutte de sang. Une séance qui explique comment on aurait vu plusieurs « cas révolutionnaires d’utilisation positive où des collaborateurs ont utilisé des technologies de deepfake et de fake news pour protéger la vie privé, améliorer l’accessibilité à et même inspirer la justice » est juste invraisemblable. Pour l’amour du ciel : on ne combat pas le mal par le mal. On le combat par le bien. La réflexion qui dit « J’utilise mon deepfake pour contrer tes mauvaises intentions et fake news » me fait penser à James Bond qui utilise les femmes pour sauver le monde. Et la comparaison est loin d’être flatteuse.
 
Ça commence par… vous
 
On doute de plus en plus de la moindre réponse reçue. Il faudrait donc commencer par bâtir la confiance. Mettre les choses en perspective. Montrer qu’il y a tout un spectre de couleurs entre le noir et le blanc. Montrer de la compréhension, aussi, tout en gardant une certaine fermeté. Guider vos clients sur le chemin éthique, vers le choix équilibré. La lutte pour le consommateur est certes féroce. Mais lorsque les fumées du champ de bataille de dissiperont, il apparaîtra clairement que les marques qui se sont montrées honnêtes et dignes de confiance auront un avantage concurrentiel… Et on parle d’un avantage rentable.
 
Faites-moi confiance : Je suis un consultant.
 

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