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SXSW 2022 : Ode à l'avenir, si avenir il y a, par Danny Devriendt (IPG Dynamics)

Jeudi 10 Mars 2022

SXSW 2022 : Ode à l'avenir, si avenir il y a, par Danny Devriendt (IPG Dynamics)

Un espoir teinté d’inquiétude : c’est mon ressenti de l’ambiance de ces derniers jours précédant le SXSW. Tout comme le légendaire festival interactif SXSW de musique, du film, des technologies et de l’innovation, la ville d’Austin au Texas a encaissé un véritable uppercut il y a deux ans. Le virus SARS-COV-2 a envoyé un coup aussi direct que mal placé, qui a entraîné l’annulation de l’événement quelques jours seulement avant son lancement.

Les organisateurs du SXSW étaient dans les cordes, le souffle coupé, au bord de la faillite. La ville aussi a été touchée au plus profond d’elle-même. Le SXSW est un mastodonte économique qui draine la bagatelle de 350 millions dans la région. Le festival annulé de 2020 et l’édition virtuelle de l’année passée ont tout simplement étouffé la région d’Austin. Plusieurs entreprises dépendantes de ou liées au SXSW ne s’en sont d’ailleurs pas relevées.

L’édition 2022 débute pourtant bel et bien ce vendredi. La ville vient de passer en code 2, ce qui signifie qu’on peut se passer des masques, sauf sur le site du festival, où preuve de vaccination, tests et masques restent des obligations. La ville d’Austin est heureuse du retour du SXSW… mais elle est aussi inquiète. Va-t-on revoir les quelque 200 000 personnes qui assistent normalement à l’événement ? Et même si le festival est une excellente nouvelle pour l’économie de la région, les habitants d’Austin s’inquiètent aussi de ce flux de visiteurs venus des quatre coins du monde : cela ne va-t-il pas raviver le Covid dans la région ?
 
Un espoir teinté d’inquiétude : c’est vraiment une bonne description. Mais le SXSW lui-même se concentre sur l’avenir, les nouvelles frontières, les horizons rêveurs et les lendemains meilleurs. La crème des penseurs futuristes, designers tech, magiciens des données et de l’intelligence artificielle, philosophes brillants et créatifs, ingénieurs de solutions et d’innovations, maîtres des arts numériques et scientifiques, mais aussi des acteurs et amplificateurs de réseau moins connus vont proposer quelques milliers de présentations dans les dix jours à venir.
 
Je m’attends à un cocktail peu orthodoxe mêlant créativité illimitée et innovations technologiques débridées pour me dépeindre un monde qui parvient à sortir des turbulences pour voler vers une nouvelle a-normalité, où le meilleur de la technologie et de l’humanité propulsent les individus vers un bonheur augmenté : avec un développement personnel et financier, une stabilité en tant qu’espèce, sur une planète en convalescence. Mais bon, je reste un incorrigible rêveur optimiste.
 
Ils ne pourraient pas arrêter ça ?
 
Le premier SXSW de l’ère post-Trump se retrouve avec un président de l’autre côté de l’océan, occupé au déploiement de ses chars vers Kiev. La question qui va résonner dans les couloirs du SXSW est simple : on peut avoir toutes ces brillantes réflexions ici, mais cela suffira-t-il pour survivre aux rhétoriques, musculeuses démonstrations et agressions testostéronées de despotes dégarnis aussi périmés que dérangés ? Personne n’est dupe : à trop jouer avec ces codes nucléaires, il pourrait bien ne pas y avoir d’avenir. Du tout.
Une réflexion redimensionnée
 
24 mois d’un télétravail hybride et différent ont aussi ancré des habitudes différentes. Cette période a montré la vulnérabilité humaine face à quelque chose d’aussi minuscule et insignifiant qu’un virus. On peut perdre tout ce que l’on a et tout ce que l’on est, en quelques semaines seulement. Le silicium se fait rare, des ingrédients et marchandises sont moins facilement disponibles. Nous commençons à manquer de minéraux rares, de forêts, d’eau claire, de calottes glaciaires, de glaciers, de métaux précieux, de temps, de connexions humaines. On a vu des gens se battre sur des parkings pour du papier toilette ; les systèmes de distribution atteignent leurs limites ; les marchandises sont bloquées par des guerres, des bateaux dans des canaux, des économies à l’arrêt et des chauffards coincés dans les embouteillages. Nous allons devoir redimensionner, repenser, renormaliser et recalibrer notre avenir, si nous voulons en avoir un. Le confort a un prix, et nous allons devoir passer à une approche plus mesurée et redimensionnée, axée sur l’humain et la nature, qui doivent porter le nouvel écosystème : une nouvelle donne, un nouveau contrat social.
 
Hors des sentiers battus ? Il n’y a même plus de sentiers !
 
Nous sommes souvent impressionnés lorsque des personnalités ou marques semblent défier les lois de la logique elle-même. Amazon donne l’impression de créer de son côté une économie globale complète, Elon Musk peut à lui seul éviter une fin précoce de la Station spatiale internationale souhaitée par la Russie tout en déviant quelques centaines de satellites vers l’Ukraine pour que la résistance puisse compter sur une connexion internet.
 
Bruce Sterling le disait déjà il y a des années, en parlant de la bataille des stacks ou piles de technologie : l’avenir sera à ceux qui sortent des sentiers, dispersent les règles, et osent s’aventurer dans des réflexions combinatoires non conventionnelles. Briser les codes, réinventer la roue, questionner le statu quo : voilà la recette pour la plus grosse partie d’une disruption réussie.
 
Il ne s’agit cependant pas d’un jeu de destruction sauvage : on parle de stratégies audacieuses, tirées de tendances avérées, de renseignements en béton et de données à toute épreuve. Une combinaison d’enseignements liés aux consommateurs, de bonnes réflexions d’affaires et de nouvelles plateformes technologiques. On travaille aujourd’hui aux futurs besoins. Parce que la réflexion d’hier ne répondra pas à ces besoins de demain. Combiner et atténuer habilement les limites entre différentes disciplines et approches, pour les mélanger dans un état d’esprit holistique plus large, est la bonne recette d’un cocktail gagnant.
 
Meta par-ci, Meta par-là
 
Le Metaverse, les Tokens et les NFT sont évidemment sur toutes les lèvres à Austin. Il y a même des PoP (Proof of Presence), de petites choses virtuelles qui prouvent que vous avez participé à quelque chose. Le Metaverse gagne en vitesse et en attention, et il sort de la niche du gaming. L’inventeur du Metaverse, Neal Stephenson (auteur du livre Le Samouraï virtuel), va tout remettre en perspective cette semaine sur la scène principale du SXSW : cela va bien plus loin que l’objectif ultime de Facebook… Et si le Metaverse représente ne fut-ce qu’une infime fraction du changement de culture décrit dans son livre, on peut s’attendre à un futur bien rock’n’roll…
 
Authenticité et expérience totale
 
Droits des femmes, Black Lives Matter, sexualité sortie d’un système binaire, droits des enfants, valeurs et raison d’être… Tout cela fera aussi partie du SXSW, à juste titre. Il y a un flux de nouveaux standards éthiques qui se répand comme une lame de fond. La volonté du peuple contre les remparts de la conventionalité. Et à l’arrivée, c’est l’authenticité qui va gagner. Elle gagne toujours.
 
Une expérience totale : en tant qu’humain, parent, citoyen ou partenaire, tout sera déterminé par des ensembles de valeurs partagées, avec le bien-être comme ingrédient majeur, dans des technologies qui doivent être accessibles et nous aider, pour déboucher sur un environnement qui doit être rassurant, en restant motivant. On se fixe aujourd’hui des objectifs de vie nouveaux et fondamentalement différents.
 
L’avenir des marques sera à ceux qui sauront écouter les plus infimes vibrations de ce désir, et agir en conséquence. L’avenir est moins personnel, il sera surtout partagé.
 
Game on, SXSW 2022 : Je suis prêt.

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