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Progress in Motion - Publicis Groupe, vol. 2 : La pandémie a accéléré l'intérêt des marques pour les thèmes sociaux

Mardi 28 Septembre 2021

Progress in Motion - Publicis Groupe, vol. 2 : La pandémie a accéléré l'intérêt des marques pour les thèmes sociaux

Dans son rapport Progress in Motion, Publicis Groupe analyse l'avenir social et économique en pointant quatre grandes tendances que la crise sanitaire a encore accélérées : la customer-centricity, les data, l'empathie (des marques) et les challenges environnementaux. 

Quatre tendances que nous aborderons tout au long de la semaine au travers de quatre interviews. Après avoir évoqué le rôle essentiel de la customer centricity, nous abordons le volet dédié à l'empathie, parlant de la nécessité pour les marques d'assumer un rôle social et de défendre des valeurs telles que la diversité, l'inclusion, le bien-être mental ou la transparence. Anaïs Lavie, Account Director chez Publicis Groupe Belgium, nous livre un tour d'horizon.

Selon l'étude, 64% des consommateurs estiment que les marques devraient s'exprimer sur les questions sociales et adapter leurs produits en conséquence. Constate-t-on des différences en fonction de l'âge  ?
On constate en effet que toutes les catégories d'âge ne répondent pas de la même manière à certaines questions. Toutefois, les différences géographiques frappent davantage. Aux États-Unis, par exemple, la diversité occupe une place beaucoup plus importante que chez nous. On peut trouver une explication historique à cela, mais des mouvements comme Black Lives Matter n'y sont pas non plus étrangers. Les consommateurs européens s'intéressent un peu plus à l'environnement et au réchauffement climatique. 
Les différents thèmes n'ont donc pas le même poids partout, mais nous sommes convaincus qu'avec le temps, tout cela va converger. Si la diversité est sans aucun doute un sujet de discussion chez nous, on constate quand même une grande différence avec les États-Unis, où c'est vraiment un hot topic. Une autre étude ("Connecting The Dots" de GWI, ndlr.) montre que de plus en plus de personnes s'intéressent à la diversité au sein du personnel d'entreprise, et surtout dans le management. 

D'après votre expérience, les annonceurs sont-ils aussi de plus en plus sensibles à ces questions  ?

Cela fait longtemps que les marques s'intéressent aux problèmes de société, mais la pandémie a accéléré ce mouvement. Lorsque les marques nous consultent, nous soulignons toujours l'importance non seulement de se faire une opinion, mais aussi d'entreprendre des actions concrètes. C'est très beau de communiquer, mais cela doit s'accompagner de mesures tangibles. C'est notamment ce qu'a fait la marque Axa sur laquelle je travaille. En 2020, elle a arrêté l'une de ses campagnes pour développer sa plateforme Doctors Online. Ce service gratuit permet de consulter un médecin ou un psychologue en ligne. Voilà une façon claire de contribuer au bien de la société à l'aide d'une initiative qui intéresse vraiment les gens. Axa s'est demandé ce qu'elle pouvait faire concrètement en tant que marque pour aider la population belge à mieux gérer ses sentiments d'insécurité et ses angoisses.

Le groupe Publicis accorde-t-il aussi de l'importance à un tel engagement en interne  ?

De plus en plus. Pendant la crise du coronavirus, nous avons permis à tous les employés d'utiliser gratuitement l'application de méditation Headspace. Nous avons porté une attention toute particulière à leur santé physique et mentale en proposant des séances de yoga en ligne, en veillant à ce que le responsable RH soit plus disponible, etc. Ce sont là de véritables innovations dans nos agences.

Avez-vous mis en place un cadre de référence pour rendre les marques empathiques ou adoptez-vous plutôt une approche ad hoc  ?
 
Publicis Groupe a pour mission d'exercer une influence sur la société, les entreprises et les personnes, et c'est un aspect que nous ne manquons jamais de souligner dans nos discussions avec les clients. Nous travaillons également avec des outils développés par Kantar et GlobalWebIndex. Nous suivons donc de près les évolutions sociales et faisons part de nos observations à nos clients en vue de créer des marques empathiques. 

Peut-on appliquer ces stratégies à n'importe quelle marque  ?

En théorie, oui, mais il doit y avoir un réel engagement derrière une telle stratégie. Or, ce n'est pas le cas de toutes les marques. Parfois, un client vient nous voir parce qu'il veut s'exprimer sur une question sociale. Les bonnes intentions sont une chose, la mise en pratique en est une autre. Nous cherchons toujours des éléments concrets à exploiter au sein de l'organisation. Si nous n'en trouvons pas, nous déconseillons de communiquer sur les problèmes sociaux. Parfois, il est préférable de garder le silence...

Vous avez épinglé dans l'étude quatre micro-tendances (santé mentale, transparence totale, inclusion pour tous et capacitation). Pourquoi celles-là précisément  ?

La tendance de fond est la montée en empathie des marques. Mais il s'agit d'un changement à long terme qui se manifestera de plus en plus clairement sur le plan social. Ces quatre micro-tendances s'inscrivent quant à elles dans l'air du temps et nous constatons que chaque consommateur y est désormais confronté dans sa vie quotidienne. 

Pour donner un exemple en matière de santé mentale, Nespresso a développé, en pleine crise sanitaire, un nouveau format de capsule pour ses machines à café, qui permet de préparer deux tasses pour partager ce moment avec un proche. On peut également citer l'Apple Watch et son application de méditation Breath. 

La deuxième micro-tendance, la transparence totale, concerne les marques qui communiquent en détail sur le processus de production ou sur les ingrédients. Les consommateurs ne supportent plus qu'on leur vende des saloperies. Patagonia est l'exemple type d'une marque qui joue à fond la transparence sur la confection de ses vêtements. 

L'inclusion pour tous est liée à la tendance actuelle à tout remettre en question : les minorités, le genre, la religion, etc. J'aime beaucoup la façon dont Nike surfe sur le mouvement Pride avec ses collections Be True pour la communauté LGBTQ. 

Enfin, la capacitation fait référence aux marques qui se positionnent comme des partenaires dans la vie quotidienne des consommateurs. Je citerais l'exemple de notre campagne pour Axa avec Nafi Thiam qui met tout le monde au défi de se dépasser.

En communication, on met généralement l'accent sur les campagnes les plus réussies, mais y en a-t-il aussi qui vous font hausser les sourcils  ?

Cela arrive, mais franchement, de moins en moins. La crise du Covid-19 a sensibilisé les marques aux problèmes sociaux, ce qui a indéniablement conduit à des initiatives tout à fait louables. Il y aura donc de moins en moins de marques qui feront des bourdes. 

Le défi de ces stratégies ne doit-il pas surtout être relevé dans d'autres services de l'entreprise que le marketing et la communication ? Dans quelle mesure un partenaire de communication comme vous peut-il faire bouger les choses  ?

C'est un fait qu'il faut aller en profondeur et mettre en oeuvre ces stratégies à tous les niveaux de l'organisation. De plus en plus d'entreprises ont des services ou des employés qui s'occupent des questions sociales et éthiques. Cette préoccupation doit être partagée par tous les collaborateurs, car ces derniers restent les meilleurs ambassadeurs de la marque. 

Du reste, notre étude montre que les consommateurs attendent des marques qu'elles s'expriment sur les questions sociales et qu'elles agissent. Mais les marques qui communiquent sur ces questions font parfois l'objet de critiques. Je pense aux accusations de greenwashing, pinkwashing, wokewashing, etc. La communication joue donc un rôle essentiel dans ce domaine. Enfin, la communication externe a également un effet positif sur la perception de la marque et la fierté des salariés.

Est-il plus difficile aujourd'hui pour une marque de se distinguer avec de telles stratégies, à l'ère des "woken brands"  ?

Il y a dix ans, il était en effet moins courant qu'une marque prenne position sur des questions sociales. Aujourd'hui, les marques qui ne sont pas à l'écoute des besoins réels des gens ou de ce qui bouge dans la société n'ont aucune chance de s'en sortir et se font détrôner par d'autres. 

Les tendances que nous avons évoquées plus tôt sont désormais devenues la norme. Mais il y a fort à parier qu'elles vont encore évoluer. Je veux dire par là que ce qui est la norme ou le standard aujourd'hui ne le sera plus dans cinq ou dix ans. C'est pourquoi il est important pour les annonceurs et les agences de continuer à défier la norme. Je pense que c'est là la clé pour maintenir un discours sincère sur de telles questions sociales. 

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