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CREATIONS

Escape from Alcannestraz, par Frederik Braem (Creative Services Director, Brightfish)

Vendredi 26 Juin 2020

Escape from Alcannestraz, par Frederik Braem (Creative Services Director, Brightfish)

Day 5. Je me réveille l’esprit encore embrumé. Le rideau est tombé sur les Cannes Lions et nous nous apprêtons à rentrer chez nous, bien conscients d’avoir vécu des moments exceptionnels. 

J’ai eu le privilège d’écouter Elon Musk, le président Obama, le pape Benoît XVI et un Freddie Mercury ressuscité par la magie de l’IA et de la RV. J’ai prêté divers serments et pourchassé des créatifs dans les montagnes. J’ai pu constater que le cinéma était plus vivant que jamais et qu’Amazon resserrait de plus en plus son étau sur nous. J’ai résilié mon abonnement Prime et échangé mon bon SAWA pour un rosé. Je me suis sagement comporté en toutes circonstances, comme me l’a appris ma maman.
 
Le Festival ferme également ses portes virtuelles aujourd’hui, mais cela, vous le savez mieux que moi. 
 
Ce matin, sur la Croisette, Cannes 2020 ne diffère en rien de Cannes 2019. Le lendemain de la fête de clôture, vous vous souvenez ? Des créatifs égarés et hagards qui gardent leur badge sur eux par simple habitude, clignant des yeux à la lumière vive du soleil matinal, ou plutôt du soleil de midi, en quête d’hydratation ou peut-être d’un dernier verre d’alcool. Cette édition des Cannes Lions est à encadrer et à jeter au plus vite au feu, photo et cadre.
 
Non, rendez-moi plutôt mon bon vieux Cannes, avec tous ses défauts. Avec ses lamentations sur la pléthore de bonnes causes, sur la créativité qui semble de plus en plus subordonnée à la technologie et à la data, sur le soap de Publicis, sur le coût exorbitant des entrées, des chambres d’hôtel et, bon sang, du rosé de la marina. 
 
Rendez-moi les rencontres en présentiel, le wi-fi instable, les murs d’affiches chaotiques et les tonnes de livrets gratuits que personne ne lit. Les longues files pour le showcase de Saatchi et les auditoires à moitié vides du dernier jour. Les innombrables séminaires de Tencent aux intervenants qui baragouinent l’anglais, les soirées dans un pub irlandais ou sur la plage, d’où l’on aperçoit les superbes bateaux de plaisance. Les discussions au petit matin ou tard dans la nuit sur les prix mérités ou non, les rencontres dans le hall de l’hôtel avec des personnes que l’on retrouve un peu plus tard au bord de la piscine. 
 
Rendez-moi les petits déjeuners pris sur le pouce et la chaleur qui vous accable dès huit heures du matin. Les restaurateurs qui installent leur terrasse dès l’aube et les touristes américains qui se moquent de tous ces types bizarres affublés d’un badge. Les potins et les débats animés autour d’un verre, la découverte de perles créatives que l’on savoure seul ou entre confrères, les campagnes horribles, les ambitions partagées. Les larmes d’émotion qui coulent lors de certains séminaires, la colère que suscitent les interviewers débiles et les tonnerres d’applaudissements. 
 
Ce Cannes m’a manqué. Dans les mondes réel et virtuel. C’est ce Cannes que je veux voir revenir. L’année prochaine. En votre compagnie physique, autour d’un verre de rosé, sur une plage. Alors, le rendez-vous est pris ?

(Les épisodes précédents sont disponibles ici : Day 1Day 2Day 3, Day 4)

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