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What matters : weight or size?, par José Fernandez (CMO, D'Ieteren Auto)

Lundi 18 Mai 2020

What matters : weight or size?, par José Fernandez (CMO, D'Ieteren Auto)

En début de semaine, la très attendue, mais néanmoins salutaire étude de l’UMA sur le poids des investissements digitaux en Belgique était publiée, MM titrant d’ailleurs un péremptoire :  "25% des investissements médias : on connaît désormais le poids du digital en Belgique".

L’étude n’a pas manqué de faire réagir sur la Toile certains acteurs du secteur, à l’instar de Thierry Geerts (Google Belgium) qui rappelait que 60% de l’audience se trouve aujourd’hui sur les canaux digitaux et que donc ce “chiffre” traduisait le conservatisme du marché belge, en retard selon lui sur nos voisins bataves (dont les investissements medias digitaux sont estimés à 2,2 milliards EUR selon la dernière étude IAB/Deloitte). Il fustigeait au passage le manque supposé de compétences digitales des agences médias du pays en les rendant responsables du déficit de digitalisation du marché. "Digitalis" ne semble donc pas (encore) se situer en Belgique apparemment...

Saluons tout d’abord la ténacité et le courage de l’UMA, qui, pour la première fois, a réussi à mettre sur la table des 10 agences qu’elle représente en Belgique, les investissements digitaux nets (oui, nets...) de leurs clients. Et donc, de donner une certaine mesure de l'ad spend. Les grincheux diront que ça a vraiment pris du temps, les optimistes que finalement nous avons enfin une (vague) idée de ce que le digital pèse en Belgique.

Et coupons tout de suite les ailes à un vilain canard : non, le digital ne représente pas 25% des dépenses des annonceurs. Le chiffre réel est sans aucun doute beaucoup plus élevé. Chris Van Roey (UBA) cite même le chiffre de 50% et je pense que la réalité effectivement se rapproche de ce niveau (je formule d’ailleurs une suggestion : il serait intéressant que l’UBA - puisqu’on parle des investissements des entreprises - se penche sur une étude de ce type : in fine les factures de Google, Facebook, des agences médias et des agences digitales arrivent toutes... chez les annonceurs).

Pourquoi plus élevé ? Et bien parce que depuis l’avènement du digital sur la scène médiatique il y a maintenant plus de 20 ans, de nombreux acteurs, en ce compris les annonceurs eux-mêmes, “achètent” aussi du média digital et que ces volumes ne sont pas couverts par l’étude de l’UMA. Les agences digitales spécialisées (ClickTrust, BeConnect, Blue2Purple, Universem, Ogilvy Social.Lab, etc.) représentent aujourd’hui une part non négligeable des achats SEA, display, social ads en I/O ou programmatique.

D’autre part, de nombreux annonceurs ont développé leurs propres départements digitaux et gèrent in-house un certain nombre de touchpoints. Singulièrement en SEA ou en social ads. Ce que Google ne peut évidemment ignorer, puisqu’il en est le premier fournisseur et bénéficiaire aux côtés de Facebook.

L’étude de l’UMA est donc tout à fait intéressante du point de vue de la démarche engagée : vers plus de transparence et surtout un lexique de definition de ce qu’on entend exactement par digital media, réparti dans cinq catégories allant du SEA au social en passant par l’online video. Ne boudons pas notre plaisir et saluons cet effort.

Mais elle est évidemment insuffisante et surtout, elle envoie un signal déformé au marché. Les nuances de l’analyse et du contexte, fort justement rappelées par Bernard Cools (Space), Sylvie Irzi (IPG Mediabrands), Gino Back (GroupM) ou Alessandro Papa (Dentsu) qui précisent que l’étude couvre un périmètre spécifique limité à ce que les agences médias gèrent effectivement, seront malheureusement très vite masquées pour laisser place uniquement au titre et à ce constat (faussé donc) : le digital ne représente que 25% en Belgique.

Ceci masque également le fait que le "digital" ne se limite évidemment pas au seul périmètre "paid". Que faisons-nous des énormes investissements consentis par les entreprises en matière de digitalisation de l’expérience, de développement de leur approche en commerce connecté, des solutions data qui "digèrent" de la donnée, du CRM (très souvent internalisé), etc. ? Il s’agit là aussi de touchpoints digitaux pertinents pour le consommateur.

Restreindre le digital belge à son seul univers média "mesuré" est méthodologiquement discutable.

En tirer des conclusions sur le retard du marché en matière de digitalisation l’est encore plus. Certes, il  y a encore beaucoup à faire pour passer d’une "économie digitalisée" à une "économie de l’ère digitale".

Mais le fait est que toutes les entreprises ont depuis intégré le digital au sein de leur réflexion stratégique. Aucun marketer du royaume aujourd’hui n’ignore ces canaux ni les comportements nouveaux qu’ils génèrent chez nos concitoyens.

Certes, Booking, Netflix, Coolblue, Bol.com et d’autres ont décidé de s’installer aux Pays-Bas (dont le gouvernement a depuis longtemps une vraie vision stratégique sur le digital) et boostent la digitalisation de nos voisins du nord. Et 70% des achats en ligne se font sur des sites non-belges. Mais faut-il pour autant en oublier les initiatives locales et les nombreux exemples d’entreprises digital natives nées sur notre sol : Odoo, Cowboy, Poppy, Molengeek... et la liste est longue ?

N’oublions pas non plus que le contexte particulier de la crise que nous traversons pourrait effectivement renforcer notre économie virtuelle locale : un virus de 0,15 microns plus efficace dans la digitalisation de notre économie que les six gouvernements, neuf ministres des masques, quatre ministres de l’enseignement et quelques 600 parlementaires du royaume. Voilà qui devrait faire réfléchir : small is (sometimes) beautiful !

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