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Olivier Degrez (MMD) : "Nous allons remettre l'humain et la solidarité au coeur de nos métiers"

Mercredi 29 Avril 2020

Olivier Degrez (MMD) :

On a beaucoup parlé de la grande distribution ces dernières semaines, assez peu du Retail Media dont la particularité est d’intégrer à la fois des solutions in-home et out-of-home. A-t-il lui aussi souffert de la diminution des investissements marcom ?
 
Nous avons posé la question à Olivier Degrez, Directeur de MMD, la régie de Delhaize, qui s’exprime plus largement sur les enseignements qu’il tire de ce momentum assez particulier pour la distribution, les annonceurs et les médias.
 
Tout d’abord, comment gérez-vous la situation actuelle ? Le moral des équipes est-il toujours bon ?
 

Il l’est. Nous sommes conscients que nous faisons partie des privilégiés : d’une part parce que nous sommes bien équipés en termes d’outils nous permettant de travailler à distance en toute efficacité et d’autre part, parce que l’activité de MMD continue. Je dirais même qu’elle est allée croissante cette dernière semaine.
 
Ce qui est également intéressant et c’est un mot qui prend tout son sens, c’est l’agilité dont l’équipe a fait preuve ces dernières semaines. L’agilité de l’équipe MMD et de ses partenaires clients ou prestataires, mais aussi plus largement, l’agilité du groupe Delhaize. Dans ce contexte très critique, très changeant, il était très important qu’au sein de MMD, nous restions à la fois connectés à la dynamique commerciale et marketing de Delhaize, et à celle de nos clients annonceurs pour plus de relevance vers leurs consommateurs.
 
Parlant des annonceurs justement, quels sont leurs demandes, les questions qu’ils se posent et vous posent ?
 
Les premières semaines, leurs questions portaient logiquement sur la situation en magasin : que peut-on encore faire et ne plus faire ? Doit-on annuler, déplacer les actions, revoir le plan média ? Actuellement, ce qu’ils nous demandent beaucoup, ce sont des conseils et des benchmarks : ils repensent leurs plans marketing et pour actionner les curseurs dans le bon sens, ils font appel à nos analyses des données consommateurs mais aussi à notre connaissance de l’historique des campagnes Retail Media que MMD a pilotées pour eux.
 
Nous avons évidemment aussi beaucoup de questions sur la partie digitale - e-mailing, online targeted advertising et digital signage en magasin - ou sur l’audience des shoppers e-commerce. Les solutions médias digitales ont été adaptées ou développées pour répondre à la demande. Ce sont ces produits qui ont le plus évolué, avec notamment de nouvelles offres natives et des solutions d’extension d’audiences.
 
Dans quelle mesure votre business a-t-il impacté ? L'interdiction temporaire des promotions et la politique actuelle du groupe Delhaize en la matière ont-elles été des freins ?
 
En réalité, nous avons été peu impactés sauf pour une partie du média magasin. C’est aussi ce qui différencie le Retail Media d’autres médias comme l’OOH ou le cinéma par exemple. L’audience à laquelle s’adressent nos clients annonceurs n’a pas changé : elle est soit confinée chez elle à la maison, soit dans nos magasins. Si les comportements d’achat ont énormément changé, ce n’est pas le cas de nos touchpoints : chez lui, le consommateur continue à lire son magazine Delhaize pour chercher de l’inspiration, il continue à faire son shopping en ligne sur le site Delhaize, recevoir ses commandes à la maison ou parcourir ses mails dans lesquels les marques prennent la parole. Quand il sort, il se rend sur nos parkings et dans nos magasins, où il reste plus longtemps… En termes de touchpoints, le consumer journey n’a donc pas changé.
 
Donc, pour en revenir à votre questions, nous avons bien eu quelques annulations, mais surtout beaucoup de déplacements. Et quand annulation il y avait, c’était la plupart du temps sous nos conseils voire à notre demande - pour des questions de sécurité et éviter de gêner le personnel des magasins par des activations - ou alors le fait de décisions liées à des logiques de calendrier, parlant des campagnes en soutien à tels ou tels événements annulés ou déplacés comme l’Euro 2020.
 
La suppression des promotions n’a pas eu non plus beaucoup d’impact, sauf évidemment pour les campagnes qui venaient en relais des promotions hebdomadaires mais ceci représente une partie minime de notre activité.
 
Vous faisiez référence aux changements de comportement d’achat… Qu’est-ce qui vous a le plus frappé en la matière ?
 
Ce que nous observons est assez incroyable. Tous les curseurs traditionnels évoluent fortement. Nous voyons une baisse de trafic logique dans nos magasins, mais des visites étalées tout au long de la semaine. De même, les consommateurs achètent plus, beaucoup plus. A des niveaux historiques, avec des hausses de l’ordre de 50% en magasin comparativement à la même période l’année passée. L’online explose également avec 60% de nouveaux consommateurs.
 
On voit que les habitudes de consommation évoluent, je ne vous apprends rien : on cuisine davantage à la maison, on achète davantage de produits premium en home cooking, plus de fruits et légumes, plus de viande, de poisson, etc. Davantage de produits de soin avec des hausses de plus de 100% ces quatre dernières semaines. Et j’en passe.
 
On remarque également que les marques distributeurs évoluent au même rythme que leur catégorie, mais ce sont les marques A, et plus précisément les marques non leaders, qui surperforment dans certaines catégories. Ce sont elles les véritables gagnantes. Si je prends l’exemple des pâtes (+100%) ou les farines (+150%), Soubry progresse plus que la moyenne dans ces deux catégories où la marque est présente (+280% en farines et dessert !). Idem pour Panzani qui n’est pas leader en Belgique et qui a doublé sa part de marché par rapport à la même période l’année passée.
 
La question que vont se poser ces marques est de savoir ce qu’elles vont faire de tous ces nouveaux clients : comment rester connectées à ces audiences ? Comment convertir les leads ? C’est la force du Retail Media que de pouvoir répondre à ces questions, c’est là que nos data peuvent faire la différence pour travailler la conversion et la fidélisation à chaque étape du funnel marketing.
 
Certaines marques comme D&L ou encore Dr Oetker avec sa campagne "Il ne faut pas être proche pour être ensemble", ont choisi de rester présentes très intelligemment en média durant le confinement avec un message juste et empathique. Il sera moins nécessaire pour elles de regagner la confiance des consommateurs car elles seront restées top of mind. Leurs plans d’engagement seront plus faciles à mettre en œuvre pour augmenter la conversion des différents groupes cibles identifiés.
 
Parmi les changements que vous évoquez, lesquels vont perdurer selon vous, une fois que nous serons sortis de la crise sanitaire ?
 

Les tendances liées à l’online, aux achats de produits locaux, bio, etc. vont s’inscrire dans la durée. Plus généralement, tout ce qui est lié à la confiance, à la santé, à la qualité va perdurer. Ce ne sont pas de nouvelles tendances mais des habitudes de consommation que l’on voyait déjà avant la crise, qui ont été exacerbées par le Covid-19 et qui vont grandir encore.
 
Nous allons remettre l’humain et la solidarité au cœur de nos métiers. Les consommateurs attendront des marques qu'elles soient davantage transparentes, responsables, et qu'elles agissent pour jouer un vrai rôle dans leur vie. Les marques qui intégreront ce besoin dans leur communication vers la cible des consommateurs de la grande distribution seront gagnantes.
 
Puisque cela va dans le sens du positionnement de Delhaize, ce sont de nouvelles opportunités pour les marques "non FMCG" de s’inscrire dans cette mouvance pour autant que nos audiences correspondent à leur cible.
 
Plus personnellement, je pense enfin que ce confinement imposé a donné une nouvelle dimension à la notion de liberté.

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