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Reconnecter à la réalité, par Bruno Liesse (Managing Director, Polaris)

Vendredi 3 Avril 2020

Reconnecter à la réalité, par Bruno Liesse (Managing Director, Polaris)

Nielsen vient de nous gratifier d’un nouveau modèle compréhensif pour décrire les phases dans lesquelles nos sociétés marquées de confinement s’inscrivent. Voulant dire, nous aurons eu un avant, un pendant - relativement long et découpé lui-même en quatre étapes - et surtout un après, correspondant au retour à la vie normale. Un sixième et dernier "statut" pour la Belgique, où « les gens reviennent à leurs routines quotidiennes ». Vraiment ? On peut pérégriner longtemps sur l’absence d’enseignement que nous auraient apporté les crashes des deux dernières décennies, et nous en comptons bien quatre : qu’avons-nous seulement retenu de la guerre ? Nous, les enfants et petits-enfants de ce lourd héritage. Mais il faut prendre en compte un fait nouveau : les réseaux sociaux. Ils expriment activement les courants de pensée des populations en trois actes. Ce travail assez complet peut nous laisser croire que ce virus et le confinement laisseront d’autres traces que des disparitions tragiques et des séquelles économiques.

Un, ces réseaux nous ont permis de rester constamment et efficacement interconnectés. Là où des esprits chagrins considéraient qu’un Facebook ou un WhatsApp déchiraient les relations humaines, alors que bien entendu, leur objet serait de les étendre : nous sommes bien heureux d’échanger par le son et l’image avec l’ensemble de nos relations, sur base d’un tarif et d’un équipement minimum. Et inutile de préciser que les plateformes vidéos, dont on regrettait qu’elles nous séparent physiquement, nous permettent à présent de parvenir à travailler ensemble, presque normalement. Quelle belle ironie. 

Deux, il avait été question dans les barbotages politiciens des mois précédents sans gouvernement, de faire appel au peuple par des voies de coups de sonde ou de référendums. Une idée saugrenue bien vite écartée, en oubliant un peu vite que le peuple désormais se concerte, partage et optionne, à nouveau via ces réseaux qui nous relient quasiment tous. D’innombrables initiatives sont prises, des plus anecdotiques comme les apéros du confinement - que d’aucuns jugeront essentiels - aux propositions sociétales les plus utiles, pour venir en aide à tel corps de métier dans votre quartier. En passant par la "viralisation" des encouragements à 20h, tout en musique. Attention aux commentaires structurés et documentés sur les errances de la population et des instances publiques, s’agissant du respect des règles et de la gestion des masques ou équipement divers. Les audiences surveillent, s’expriment, agissent et sanctionnent. Nous ne voyons plus de frontières claires entre les décideurs, les éditeurs de contenus, les ramasseurs de poubelles, les infirmiers, les chômeurs forcés et les citoyens indisciplinés : nous serions tous dans le même bain tiède, à nous parler et commenter les actualités. 

Trois, les réseaux sociaux hébergent aussi l’ensemble de nos réflexions visionnaires et philosophiques. Elles émergent tantôt par des images et maximes à deux cents, il faut l’avouer, tantôt par de vraies réflexions de fond sur nos mauvaises habitudes, élevées à l’échelle d’un système mondial que seul les réseaux sociaux peuvent appréhender. Quand 2,5 milliards de citoyens se parlent, nous avons affaire à une autre dimension qu’un conseil communal. Dont conclusions et recommandations. Le ciel serait mieux sans avions, les rues sans voitures et les canaux de Venise sans bateaux. La vue semble un peu extrême, mais la situation le serait tout autant, et les rêves écologiques (que nous couvons tous) deviennent palpables, du coup. Travailler et acheter des produits sans se déplacer, ou alors pas tous les jours désormais. Consommer local et bio, aussi. Téléphoner plus souvent à sa mère. Reconsidérer les métiers déconsidérés. Juger une dernière fois les responsables irresponsables, et les décideurs aux décisions plus justes ayant prouvé leur courage, côté public comme privé. Sans oublier ces marques et leurs innombrables propositions de support en tous genre, optant pour un marketing au bout du compte bienfaiteur. Tandis que d’autres, assez nombreuses, ont purement et simplement interrompu leurs activités pour tenter de sauver leurs objectifs financiers, acte paradoxal et désespéré.

Oui, notre monde va changer lors de retour à la normale qui n’aura rien de normal. La résilience, et le mot n’est pas trop fort au sortir d’une vraie pandémie mondiale, la seule depuis la grande peste, ne s’obtiendra que par la considération des messages positifs de chacun, dont nous aurons tous besoin. Virus et tsunamis reviendront : nous avons déréglé notre bonne vieille terre, nous dit-on. Marchons dans le même sens pour la faire tourner à l’endroit, nous sommes suffisamment connectés désormais pour se passer le mot.

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