Nl

BRANDS

La pub est-elle soluble dans l'avenir de Sapiens ?, par Fred Bouchar (MM)

Samedi 1 Février 2020

« Les questions auxquelles vous ne pouvez pas répondre sont plus importantes que les réponses que vous ne pouvez pas questionner. »

Historien, professeur, écrivain et désormais docteur honoris causa de la VUB, Yuval Noah Harari pose des constats, s’interroge et nous interroge sur l’avenir de Sapiens, des mondes qu’il a façonnés. Yuval Noah Harari n’est ni gourou ni prophète. Il l’a martelé devant plus de 5.000 personnes venues l’écouter au Lotto Arena à Anvers, lors de cette soirée exceptionnelle organisée par Newsweek Belgium. Une salle comble, un public bigarré et (forcément) upscale : représentants du monde académique, étudiants, scientifiques, journalistes, politiques, chefs d’entreprise et bon nombre de marketers.  
 
« Harari pense, étudie et synthétise en permanence, mais il ne parle et n'écrit que lorsque quelque chose est complètement mûr pour être prononcé ou écrit », notait en substance Caroline Pauwels, Rectrice de la VUB dans De Tijd.
 
Harari a donc parlé et nous l’avons écouté. 
 
Il a beaucoup parlé de la transformation technologique et de l’intelligence artificielle, de leur impact sur Sapiens, qui est en train de muter en une autre espèce. L’homme tel que nous ne le connaissons n’existera probablement plus d’ici un siècle ou deux ; nous vivons l’un de ses derniers chapitres.
 
Harari décrit deux scénarios : le techno-humanisme et le dataïsme. Dans le premier, les technologies - la bio-ingénierie en tête - seront au service de l’augmentation des capacités cognitives, émotionnelles ou physiques de l’homme ; Sapiens se transforme en une sorte de produit manufacturé. Dans le second, il devient de moins en moins important et l’autorité passe des humains aux algorithmes. Entre les deux, Harari envisage aussi des scénarios à la médiane, où l’homme est augmenté par sa connexion avec des machines, devenant mi-humain mi-robot.
 
Harari parle aussi beaucoup du libre arbitre. Il dit qu’il ne faut plus l’envisager sous le prisme philosophique mais technologoque : pour la première fois dans l’histoire, nous approchons du stade où un système externe, basé sur toutes sortes de données biométriques qui auront directement prises sur notre corps et notre cerveau, pourra comprendre ce qui s’y passe en temps réel ; comprendre nos émotions et nos choix mieux que nous, et les manipuler sans même que nous nous en apercevions. Ce système n’aura plus besoin de hacker nos données personnelles sur nos devices connectés, il pourra directement pirater notre cerveau.
 
Accessoirement, ceux qui se plaignent de la vitesse du changement n’ont encore rien vu, nous dit encore Harari : la révolution qui s’annonce ne sera plus télévisée, elle sera perpétuelle, évoluant au fil du machine learning, et ce changement sera de plus en plus rapide.
 
Les marketers sont aux premières loges
 
Comme le relevait notre ami Alain Mayné (Hoet&Hoet) : « Bien qu’on la pense lointaine, l’IA est déjà présente, et beaucoup plus qu’on ne le pense. Elle va impacter la manière de faire du marketing jusqu’au niveau des PME. Le capitalisme est à un tournant majeur et que le sens est crucial pour faire survivre notre société dans son ensemble. En tant que marketer, économiste, chef d’entreprise ou responsable de presse, nous avons tous un rôle à jouer. »
 
« Il est clair que des questions sociales fondamentales se posent si nous évoluons de plus en plus vers une combinaison d'un cerveau organique et d'un cerveau binaire, autrement dit l'IA », ajoute Alex Thoré (Buda Agency). « Sur le plan marketing, à court terme, mon cerveau organique pense que l'expertise du performance marketing va s'intensifier faisant que les insights consommateurs, les données et l'automatisation numérique seront de plus en plus intégrées. »

Après ça, on pourra en effet toujours se demander comment on faisait avant Alexa
 
Jusqu’ici, la pub s’inscrivait dans ce qu’Harari appelle « la guerre des récits » - le storytelling et toutes les fictions imaginées par Sapiens pour organiser, régenter, justifier ou amuser nos sociétés. Campaign le rappelait dans un article consacré au penseur-historien, la dystopie à laquelle nous convoque Hariri, selon laquelle l'humanité construit sa propre redondance, vise spécifiquement notre propre espèce - parlant de notre secteur : une fois que les algorithmes choisiront et achèteront pour nous, l'industrie de la publicité telle que nous la connaissons aura fait faillite. 
 
C’est dit. Mais à ce stade, ce sera sans doute aussi la moindre de nos préoccupations.

Archive / BRANDS