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Engagement, streaming, e-sport: les nouveaux leviers du marketing sportif

Mardi 30 Juillet 2019

Engagement, streaming, e-sport: les nouveaux leviers du marketing sportif

Au cours de la dernière décennie, le sponsoring sportif a connu une véritable métamorphose : l’activation et l'expérience de marque lors de grands événements ont gagné du terrain, et les évolutions se jouent à l’intersection chez les fans de sport. Avant, ceux-ci étaient pour la plupart passifs ; aujourd'hui, ce sont surtout les fans actifs qui ont gagné en importance. Engager la conversation avec eux est devenu un must, porté par la technologie qui a imprimé un élan supplémentaire à cette évolution en facilitant les interactions avec les passionnés de sport et les sportifs amateurs. 
 
Tels sont les principaux thèmes abordés dans ce dossier qui s'intéresse également au phénomène de l'e-sport, dont le nouveau business model suscite de plus en plus l'intérêt des diffuseurs et des marques. 

Le sponsoring sportif fait peau neuve

Au cours des dix dernières années, le sponsoring sportif a connu une véritable métamorphose : les logos sur les maillots des joueurs ont cédé la place à une véritable expérience de marque, qui mise résolument sur les médias, l’activation de marque, l’engagement et les contenus. Mais quels sont les contours précis du modèle en vigueur aujourd’hui ? Et qu’en est-il de sa rentabilité ?

Le logo d’une entreprise sur le maillot d’un footballeur ou sur une Formule 1, la distribution de gadgets par la caravane publicitaire d’une course cycliste, etc. Si ces ingrédients de base du sponsoring classique existent encore de nos jours, ils ne constituent toutefois plus l’axe principal et quasi unique du marketing sportif. A la fin des années 1990 et surtout au début de notre siècle, l’activation de marque lors de grands événements sportifs a gagné peu à peu du terrain. Par ailleurs, au cours de cette dernière décennie, la technologie numérique a imprimé un élan supplémentaire à cette évolution en facilitant les interactions avec les passionnés de sport et les sportifs amateurs. Ces changements se reflètent également dans les investissements en sponsoring sportif.

Les chiffres du World Advertising Research Center (WARC) montrent que le marché mondial du sponsoring sportif représentait près de 66 milliards de dollars en 2018. L’Europe représente 17,5 milliards, tandis que l’Amérique du Nord domine le marché avec 24,2 milliards. Ces dernières années, les investissements ont progressé de 5 % par an. Qui plus est, ces chiffres tiennent compte uniquement des frais de sponsoring. Bob Verbeeck, CEO de Golazo - spécialisée dans les événements, le divertissement et les médias dans le monde du sport - estime que l’on peut ajouter à cela 35 milliards alloués à des activations.
 
Engager la conversation avec les fans actifs
 
Sans craindre de verser dans le cliché, on peut donc affirmer que le marketing sportif fait désormais partie intégrante du marketing mix. Il ne s’agit plus d’une catégorie subalterne, qui autrefois relevait même du département des RH dans certaines entreprises. En outre, des disciplines connexes telles que l’activation de marque ou le marketing de contenu se sont également professionnalisées, fournissant ainsi une base solide au nouveau modèle de sponsoring. Mais en quoi ce modèle consiste-t-il exactement ? 
 

Bob Verbeeck (Golazo)

`Aujourd’hui encore, le sponsoring consiste pour des marques à s’associer à une équipe, un événement, une fédération… Bob Verbeeck appelle ces éléments sponsorisés des "properties": « Le sponsoring a toujours constitué un triangle entre properties, marques et médias. Les évolutions se jouent à l’intersection chez les fans de sport. Avant, ceux-ci étaient pour la plupart passifs, comme les supporters pendant un match de foot. Ces dernières années, ce sont surtout les fans actifs qui ont gagné en importance. »

Autrement dit, les marques ne s’adressent plus uniquement aux gens lorsqu’ils assistent à un événement sportif, mais aussi lorsqu’ils pratiquent eux-mêmes un sport. « Les marques ne se limitent plus à une minorité au travers d’une sélection d’athlètes ou d’une équipe professionnelle », complète Benjamin Bourguignon, co-fondateur de Get In, une agence de sponsoring pour athlètes, marques et événements.« On en trouve une belle illustration dans le cyclisme. Les marques choisissent ce sport en raison de sa réputation et de sa couverture médiatique. Mais elles participent aussi à des événements cyclistes destinés au grand public, où elles engagent vraiment la conversation avec leur cible. Les deux réalités sont parfaitement complémentaires. Le sponsoring traditionnel est une forme de publicité qui jouit d’un haut degré d’acceptation, mais en le combinant à de l’activation, on obtient une expérience de marque à haute valeur ajoutée. »
 
Un sponsoring piloté par la technologie
 
Ni le sponsoring classique ni les événements récréatifs n’ont rien de vraiment neuf. Si les marques ont commencé voici quelques années à combiner efficacement ces deux éléments, c’est surtout grâce aux possibilités offertes par les nouvelles technologies. « Le sponsoring est désormais piloté par la technologie », confirme Bob Verbeeck. « Avant, grâce à ce média de masse qu’était la télévision, il était possible d’avoir un fort impact sur la population au travers du sponsoring classique. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui. Mais les avancées technologiques ont donné naissance à des façons plus performantes de réaliser ses objectifs en interagissant avec ces groupes nombreux de fans. »

Par conséquent, la technologie a été en quelque sorte pour le marketing sportif le point de départ d’une réflexion plus stratégique sur les cibles qu’une marque souhaite atteindre, la meilleure façon de s’y prendre, les partenariats à engager à cette fin et la façon de déployer les activations. « Les marques peuvent désormais mieux exploiter chaque aspect de l’investissement en sponsoring », précise Benjamin Bourguignon. « Une marque qui alloue un budget au parrainage sportif doit veiller à ce que celui-ci soit effectivement rentable. Le sport offre aujourd’hui une multitude de points de contact pour converser avec sa communauté, bien que cela varie fortement d’une discipline à l’autre. Mais c’est dans la façon d’élaborer la stratégie et la tactique que l’on peut optimiser son approche. »
 
Se spécialiser au sein du marché
 
La nouvelle approche en marketing sportif est donc beaucoup plus polyvalente. Il s’agit de sélectionner correctement les cibles, d’exploiter les bonnes technologies, d’en faire un usage créatif, etc. Tous ces processus exigent des solutions spécialisées. Il suffit de jeter un œil sur le marché actuel : les agences de marketing spécialisées dans le sport ne se contentent plus de proposer des "properties"à leurs clients, mais leur fournissent également des conseils stratégiques.

A cette fin, ils font appel à des spécialistes en matière de technologie, création, activation, voire mesure de la rentabilité. Cela prouve surtout que les marques ne sont pas uniquement préoccupées d’établir une connexion avec leurs cibles. « C’est exact. A l’heure actuelle, le marketing accorde une importance cruciale aux contenus et au storytelling », confirme Benjamin Bourguignon. « En Belgique, le sport constitue un contexte privilégié à cette fin. On dit souvent que le contexte est roi, mais alors le contexte peut être qualifié de reine qui fait la loi à la maison. Les marques peuvent véritablement prendre la parole pour aider leurs clients. » 
 
De l’importance des data
 
Si les marques tablent sur les continus pour générer de la valeur ajoutée dans leurs relations avec les passionnés de sport passifs ou actifs, reste à savoir quels contenus elles doivent réaliser. Qu’est-ce qui intéresse ces amateurs de sport ? Les données constituent-elles ici aussi le nouvel or noir ? « Golazo entretient des relations avec quatre ou cinq millions de clients en Europe », indique Bob Verbeeck. « Il s’agit des personnes qui ont déjà fait appel à nos services. Il faut soigner précieusement ces relations, en veillant bien à répondre aux besoins réels des gens. C’est la base de tout bon marketing. L’avantage majeur des données est qu’elles permettent d’établir une correspondance entre les objectifs d’une marque et la plateforme choisie. On peut penser aux affinités entre l’alimentation saine et la pratique du sport. Fervent partisan du purposeful marketing, je suis convaincu que seules les marques en mesure d’offrir cette valeur ajoutée ont encore un avenir. Pour ce faire, elles doivent se mettre à l’écoute des consommateurs, mais ne pas hésiter non plus à les guider. »

« Grâce au streaming, il n’y a plus de sports de niche »



La diffusion en direct sur Internet permet aujourd’hui à n’importe quel événement sportif de toucher une vaste audience. Une évolution qui a un impact non négligeable sur le modèle d’attribution des droits de retransmission et sur la façon dont les chaînes exploitent cette diffusion sur le plan commercial. Pour ces acteurs, le streaming est-il une opportunité ou une menace ?

En marge de la Coupe du monde de football de l’an dernier, Mindshare a analysé l’intérêt que portent nos compatriotes au sport et la manière dont ils visionnent les événements sportifs. Cette analyse s’inscrivait dans la huitième édition de Mindreader, l’étude internationale menée par l’agence média de GroupM. Elle révèle que 40% des personnes interrogées en Belgique regardent souvent le sport à la télévision, tant les rencontres en direct que les moments forts. Ils sont environ 15% à suivre les résumés en ligne, les moments forts ou les matches retransmis en direct. Seuls 5% disent regarder régulièrement une compétition en direct sur leur mobile. Plus étonnant, 26% disent avoir déjà suivi un direct sur un site de paris sportifs et 3% disent le faire souvent. En se basant sur l’analyse des différentes plateformes de diffusion, Mindshare conclut par ailleurs que la Belgique occupe la dernière place en termes de vision d’événements sportifs sur les réseaux sociaux, que ce soit sur un ordinateur ou sur un smartphone.

La montée en puissance du streaming 

Tous ces résultats prouvent que le livestreamsportif est loin de causer un tsunami dévastateur par rapport au modèle classique. Cela dit, les principaux acteurs de ce modèle historique manifestent un vif intérêt à l’égard des possibilités offertes par le streaming. Tant les organisateurs d’événements sportifs, qui voient diminuer les revenus générés notamment par la vente des droits de diffusion, que les chaînes de télévision, considèrent qu’il y a là des opportunités à saisir. 

Depuis 2010, Flanders Classics organise six classiques flamandes du cyclisme, dont le Tour des Flandres. L’entreprise a vu le jour à l’initiative de Wouter Vandenhaute, qui n’a jamais caché son insatisfaction à l’égard du modèle économique du cyclisme. Et le modèle médiatique laisse lui aussi à désirer, à en croire Tomas Van Den Spiegel qui s’est exprimé récemment sur la question. L’ancien champion de basket sait de quoi il parle. Président de l’Union des ligues européennes du basket-ball (ULEB), copropriétaire de la société de marketing Sporthouse Group, il partage depuis juin 2018 la direction opérationnelle de Flanders Classics avec Wim Tack. « Nous évoluons dans un paysage média en mutation rapide, où la télévision dans son ensemble est sous pression », déclare-t-il, avant d’expliquer comment Flanders Classics a remanié les courses en vue de miser davantage sur le digital dans les années à venir. « Ces dernières années, nous avons réorganisé le calendrier des courses flamandes du printemps et opéré des changements de parcours afin de donner à chacune de nos compétitions une identité propre. Aujourd’hui, le produit est prêt, il ne reste plus qu’à revoir aussi notre stratégie digitale. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’organisateur a fait appel à moi : j’ai acquis de l’expérience en la matière chez Sporthouse Group. Je veux parler de la retransmission en direct des courses sur Internet, de la production de contenus pour les réseaux sociaux, du développement d’applis telles qu’un quiz sur le cyclisme, etc. » 

Marchés mondiaux

Le modèle que Flanders Classics souhaite mettre en place doit combiner télévision linéaire et vision en ligne. L’organisateur a déjà cité explicitement les noms d’Amazon et de Facebook comme possibles détenteurs des droits à l’avenir, soit pour la diffusion fragmentaire des courses, soit pour la revente des droits à des chaînes linéaires. Le cyclisme se portant bien en Amérique du Sud et en Chine, un modèle autour du streaming et de la coopération avec des acteurs internationaux est une piste intéressante. Mais ce n’est pas l’unique sport à mettre ses espoirs dans l’internationalisation. De nombreux organisateurs estiment que le streaming leur permettra de troquer le modèle pushde télédiffusion contre un modèle pull, garant de téléspectateurs très engagés. Et si l’on parvient à trouver ces derniers à l’échelle internationale, le niveau d’audience se maintiendra. C’est également l’avis de Freddy Tacheny, fondateur de l’agence d’activation en sports Zelos.


Freddy Tacheny (Zelos)

Tacheny parle avec enthousiasme du Superbiker, une course de motos qu’il organise lui-même (sur le circuit Jules Tacheny). Pour la prochaine édition, il prévoit un streaming mondial payant, dont une partie des revenus sera reversée aux pilotes sous forme de commission. L’organisation intègre de la publicité au cours du streaming et réalise un documentaire en anglais (étant donné que plus de la moitié des 400 participants sont des étrangers). « C’est un nouveau modèle que Zelos lance sur le marché avec la conviction qu’il peut aider à développer le sport. Au cours des prochaines années, le streaming va encore gagner du terrain, sans que la télédiffusion ne perde son importance. Le streaming aidera les sports de niche à toucher un plus vaste public. En Europe, on constate que les événements sportifs qui attirent les foules peuvent être suivis gratuitement à la télévision, tandis que les sports de niche voient des opportunités dans un modèle de streaming payant. Ces petites disciplines bénéficiaient auparavant d’une très faible visibilité. »

Petit en Belgique, grand dans le monde

Freddy Tacheny estime que ces sports moins médiatisés peuvent désormais accroître et valoriser leur visibilité à l’international grâce au streaming. « La diffusion sur Internet abolit la notion de sport de niche. Chaque discipline, aussi modeste soit-elle, peut désormais toucher le monde entier. On peut créer une communauté internationale, échanger des contenus, fédérer les gens autour de son sport. Il n’y a donc plus que des sports mondiaux. C’est le cas notamment du Superbike. En Belgique, la discipline est peu suivie, mais elle jouit d’une grande popularité à l’échelle planétaire. Nous pouvons désormais surfer cette tendance grâce au streaming. » 

Le cyclisme masculin, bien qu’il soit surtout très prisé en Europe, peut difficilement être considéré comme un sport de niche ; en revanche, le cyclisme féminin a pendant longtemps souffert d’un déficit d’intérêt. Tomas Van Den Spiegel estime que, dans cette discipline aussi, le streaming vient apporter une solution. « On sent que les choses sont en train de bouger rapidement sur le marché des droits sportifs et que les plateformes en ligne manifestent déjà un vif intérêt. Pour l’instant, nous les renvoyons aux détenteurs de droits actuels. Voici quelques années, le cyclisme féminin ne suscitait encore aucune demande ; aujourd’hui, nous diffusons en direct toutes les courses. Cette année, le Circuit Het Nieuwsblad a été retransmis pour la première fois en direct sur la page Facebook de Proximus Sports. Et il a enregistré quelque 218.000 vues. » 

Tacheny souligne en outre que les liens entre les activations lors d’événements et la commercialisation classique sont en train de se resserrer. RMB, la régie de la RTBF, et Zelos ont annoncé il y a peu la création d’une filiale commune visant à développer des synergies en matière de commercialisation d’événements sportifs. Baptisée SMS (Sport & Media Saleshouse), elle associera l’activation de terrain à des campagnes dans les médias, en proposant aux annonceurs des offres sportives combinées. « Le lancement de SMS est une étape importante pour le marché », indique Tacheny. « Ce rapprochement stratégique va booster les packages événementiels, digitaux et médias que nous élaborons avec l’appui et l’expertise des spécialistes du marketing et de la planification chez RMB. » 

L’apparition de structures conciliant d’emblée télévision linéaire, solutions numériques et communication en direct est un signe sans équivoque. Le streaming, la télédiffusion, et par extension l’activation de marque ou le marketing de contenu : tout cela est possible simultanément. Ces différents canaux sont en effet parfaitement complémentaires au sein du modèle qui emporte à la fois l’adhésion des organisateurs et des marques. 

L’e-sport belge rêve d’un grand tournoi




Le sport électronique ou e-sport est-il vraiment une discipline sportive ? Si les avis sont partagés sur la question, la réponse n’a à vrai dire pas grande importance. En effet, le business modelqui est déjà en train de se développer autour du sport électronique n’a rien à envier à celui des sports traditionnels. Il s’agit qui plus est d’un marché juteux à l’international. Mais de quelle impulsion le marché belge a-t-il encore besoin pour adopter définitivement l’e-sport ?

Depuis quelques années, la famille du sport s’est agrandie avec l’arrivée d’un nouveau bambin : l’e-sport ou sport électronique. Cette notion ne fait pas référence à de simples jeux vidéo, mais à de véritables tournois où des joueurs amateurs ou professionnels donnent le meilleur d’eux-mêmes, que ce soit à titre individuel ou en équipe. Ces compétitions ne se déroulent pas uniquement en ligne, mais donnent aussi lieu à l’organisation de grands événements. En Europe, on connaît notamment la ligue ESL (Electronic Sports League), mais comme la plupart des sports physiques, la discipline a aussi ses grands championnats internationaux, avec notamment le tournoi annuel The International. En Belgique, les "athlètes" de l’e-sport peuvent déjà gagner leur vie grâce à FIFA et CS:GO (Counter-Strike: Global Offensive), mais le marché est encore beaucoup plus étendu. La compétition League of Legends compte plus de 100 millions de joueurs dans le monde entier, et des tournois tels que Dota 2 et StarCraft II sont également très courus. Tous ces événements permettent aux participants de gagner des sommes considérables. En 2018, le montant total des prix pour The International Dota 2 s’élevait déjà à plus de 25 millions de dollars. Une grande partie de cette cagnotte est d’ailleurs récoltée par les organisateurs par le biais du crowdfunding.

Place à Twitch

A l’instar des échecs, l’e-sport se voit souvent ranger dans la catégorie "compétition" plutôt que "discipline sportive". Pourtant, l’année dernière, le Comité International Olympique a examiné la possibilité d’intégrer le sport électronique aux Jeux Olympiques. Mais le CIO a abandonné le projet à cause du caractère trop commercial de ces activités. Il est vrai que l’e-sport brasse beaucoup d’argent. Non seulement en raison des prix à gagner, mais aussi de la médiatisation toujours plus marquée des tournois. De nombreux événements, dont celui de The International, peuvent être suivis sur la plateforme de streaming Twitch (propriété d’Amazon). Les diffusions sont dotées de commentaires et d’analyses, et des émissions distinctes permettent même aux novices de se familiariser avec les règles du jeu. Si des chaînes classiques, telles que la chaîne sportive ESPN, diffusent aussi des compétitions de sport électronique, force est de reconnaître que l’impact de Twitch est non négligeable. En 2015, la plateforme a franchi le cap des 100 millions de visiteurs uniques ; elle compte aujourd’hui 15 millions de visiteurs uniques par jour.

Une absence de tournois majeurs

Il n’est donc pas étonnant que l’on voie se développer aussi dans notre pays un nouveau modèle autour de l’e-sport. Proximus a investi ce créneau l’année dernière. En collaboration avec ESL Play et la Pro League, elle a mis en place trois compétitions officielles, qui portent respectivement sur les jeux League of Legends et Counter Strike et sur une équipe nationale de football virtuelle baptisée Belgian eDevils. Proximus et la Pro League ont conclu un accord exclusif, les clubs professionnels de foot ont intégré des e-sportifs et Proximus se charge de la diffusion. L’impulsion a donc été donnée, mais la véritable percée se fait encore attendre chez nous. Koen Speelmeijer, Global Esports Lead chez Wunderman Thompson, en explique les raisons : « Le groupe cible, souvent composé de Millennials, est très intéressant et ouvert aux initiatives de marque. Toutefois, il faut garantir un nombre suffisant de grands tournois à l’échelle locale, nombre qui reste encore assez réduit pour l’instant. La Belgique accueille des tournois plus petits dont les gains ne dépassent pas les quelques milliers d’euros, de sorte que les meilleurs joueurs belges évoluent d’emblée au niveau international. »

Tickets, merchandising et pub

Ces dernières années, Wunderman Thompson a fait œuvre de pionnier en créant une cellule dédiée au développement d’un modèle commercial autour de l’e-sport. Elle a notamment conçu le spot TV et le logo de l’Esports Cup organisée par les marques MNM et Sporza de la VRT. « Notre agence veut booster ce nouveau marché en proposant des services de création, de design et de production, mais aussi en développant le volet stratégique. Nous voulons vraiment accompagner nos clients et les aider à appliquer correctement le business model, aussi en interne. Il faut pouvoir démontrer le potentiel à un public belge ou étranger. » 

Reste à savoir si ce potentiel existe bel et bien. Une entreprise belge qui créerait sa propre équipe pourrait-elle récupérer son investissement dans League of Legends, par exemple ? Il faut savoir qu’une licence coûte facilement 10 millions d’euros, auxquels s’ajoutent les salaires des joueurs. « Ce n’est pas donné », reconnaît Speelmeijer. « Des marchés similaires comme les Pays-Bas ou la Suède sont en train d’évoluer dans ce sens. L’investissement est plus important que celui nécessaire pour acquérir un joueur de la FIFA, mais les revenus le sont aussi. Le modèle que l’on peut mettre en place n’est pas si éloigné de ce que les clubs professionnels font aujourd’hui dans les sports traditionnels. Qui plus est, l’e-sport permet aussi de générer des revenus par la vente de tickets, le merchandising et les droits publicitaires. Et l’on peut coupler cela au développement d’une équipe en veillant à cultiver les talents des joueurs et à leur inculquer de bonnes habitudes d’entraînement. » 

Club Media House

Si l’on rencontre ce modèle dans la pratique, les clubs de foot professionnels préfèrent toutefois appliquer une démarche quelque peu différente. Le Club Brugge, par exemple, a engagé cette année un partenariat avec Bundled, la marque d’e-sport qui épaule notamment Ajax, Feyenoord et Wolverhampton. Les Blauw and Zwarte restent fidèles à la FIFA. « De cette manière, nous ne nous éloignons pas trop de notre cœur de métier », indique Kirsten Willem, Communication Manager. « C’est une autre façon accessible pour les gens de rester en contact avec leur équipe favorite. A l’international, cela fait des années qu’il existe déjà de grands tournois où les meilleurs joueurs mondiaux s’affrontent et, à l’échelle nationale, on a annoncé voici quelques mois le lancement de l’ePro League. Le Club Brugge veut afficher ses ambitions avec ses propres e-sportifs qui défendent ses couleurs en étant professionnellement encadrés. » 

Les activités d’e-sport du Club sont gérées par Club Media House, la cellule mise en place pour développer de nouveaux modèles médias. Elle réalise notamment les reportages en coulisse diffusés après chaque match des Play-Offs 1. « Les résultats d’audience sont plutôt élevés. Dans certains cas, nous touchons quelque 500.000 personnes, soit plus que certaines émissions télévisées. Club Media House veut être le one stop shoppour les partenaires commerciaux du Club Brugge en misant sur la communication, l’engagement des supporters et le développement d’une communauté. » Par exemple, en partenariat avec le fabricant de tracteurs CNH, le Club a réalisé des vidéos originales dans lesquelles les joueurs se rendaient sur le terrain en tracteur pour annoncer la pose d’une nouvelle pelouse. 

Cerise sur le gâteau

Club Media House se charge aussi des activités d’e-sport du Club Brugge, mais celui-ci n’envisage donc pas encore d’étendre son modèle à des tournois autres que FIFA. Comme la plupart des clubs professionnels, il attend de voir comment le marché global du sport électronique va se développer dans notre pays. « Pour déployer ces activités, nous travaillons en étroite collaboration avec les villes, les organisateurs, les marques et les communautés sportives locales, à l’affût de nouvelles idées », explique Koen Speelmeijer. « Nous avons également tissé de solides relations avec Twitch, la plateforme incontournable en matière d’e-sport et de gaming. De cette manière, nous exploitons toutes les pistes pour assurer la croissance du modèle. La cerise sur le gâteau serait de convaincre un grand tournoi d’e-sport de venir en Belgique. »
 

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