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L'agence média du futur sera-t-elle encore humaine ?, par Fred Bouchar (MM)

Dimanche 27 Janvier 2019

L'agence média du futur sera-t-elle encore humaine ?, par Fred Bouchar (MM)

Depuis l’avènement du digital, et en dépit de marges toujours plus réduites du fait d'un business model obsolète, les agences médias ont dépensé sans compter dans des outils, des technologies mais aussi dans l’humain pour permettre de mieux comprendre les interactions entre les consommateurs et les marques, mieux contrôler l’efficacité des dispositifs qu’elles recommandent ou, tout simplement, évoluer avec leur temps. Mais aujourd'hui, les challenges auxquels elles doivent faire face se multiplient : désintermédiation, intelligence artificielle, blockchain, programmatique, privacy, consultants, in-house agencies...
 
Tout le monde s'accorde à dire que le métier des agences médias quitte peu à peu l'univers de la négo et du trading. Mais pour aller où ? Les agences vont-elles évoluer vers le modèle de conseil ? Devenir des intermédiaires supplémentaires entre le monde de la tech et les annonceurs ? Jouer le rôle de super-chefs de projet dans la data ? Se muscler dans la création et le contenu ? Ou, comme les fromages belges, un peu de tout cela à la fois ?
 
Tout au long de l'année écoulée, sous l'impulsion de son CEO Thierry Brynaert, et portée par un positionnement ancré dans l'innovation, Wavemaker Belgium s'est livrée à un fascinant exercice interne de refondation des axes stratégiques qui définiraient l'Agence de 2030. Divisés en huit groupes de travail pilotés par un millennial, et au terme de douze mois de réflexion, les membres du personnel ont présenté leur réflexion au management. Lequel en a retenu trois qui ont ensuite été "fusionnés" dans un projet unique qu'une dizaine de collaborateurs nous a dévoilé en exclusivité il y a quelques jours.
 
Leur constat est sans appel :  dans leur fonctionnement actuel, les agences médias sont amenées à disparaître. 
 
Pour leur démonstration, les équipes de Wavemaker nous ont présenté Lucy, une intelligence artificielle qui interagit avec une plateforme permettant à l'annonceur de gérer l'ensemble des process d'une campagne. Au cœur du projet de nos millennials, cette plateforme tout en un, nourrie et pilotée par une "consultagency", sera basée sur la blockchain ; elle gérera bien évidemment toutes les transactions financières, elle ira jusqu'à intégrer la création et, surtout, elle sera connectée au sell out du client.
 
Lucy incarne en quelque sorte ce nouvel écosystème dans laquelle évoluera l'Agence de 2030 et où ses collaborateurs devront tout à la fois développer un esprit critique, une élasticité mentale, être capables de résoudre des problèmes complexes, faire preuve de créativité, d'intelligence émotionnelle, etc. A côté de ces "soft skills", ils devront bien entendu maîtriser une série de "hard skills" que les auteurs du projet résument avec les acronymes Stem (science, technology, engineering, mathematics) et Smac (Social, Mobile, Analytics, Cloud). 
 
Partant, on assistera à une réorganisation de l'agence avec l'apparition de nouveaux métiers : cloud expert, behavioural scientist, software developers, consultants, artists… D'autres sortiront du modèle : communication advisors, planners, traders, finance, etc. Autant de jobs qui seront impactés par l'automatisation et donc, voués à disparaître. L'autre caractéristique de cette agence d’un futur somme toute très proche, est qu'elle fera de plus en plus appel à des free-lances.
 
Les auteurs du projet nous disent sans sourciller que 40 à 50% des fonctions d'aujourd'hui seront amenées à se transformer ou à disparaître. Et dans ce dernier cas, ils estiment que 20 à 25% des jobs actuels seront impactés. Plus largement, ils estiment qu'avec l'automatisation, le marché du média dans son ensemble aura besoin de 30% de personnel en moins ! Moralité, comme le dit Thierry Brynaert, « mieux vaudra faire partie des 1.300 que des 1.900 du plan Proximus (en référence aux nouveaux profils que l’opérateur entend engager vs. les anciens qui devront dégager), et mieux vaut être inspirant qu'aspiré. »
 
Au-delà de la réflexion rationnelle, j’ai été frappé de voir à quel point le projet que m’ont présenté les jeunes équipes de Wavemaker faisait aussi percoler chez eux une série de questions presque philosophiques et anxiogènes sur le devenir, l’éthique et les valeurs. De leur métier et de notre société dans son ensemble. Bien qu’ils soient tous convaincus du caractère « inéluctable » des évolutions qu’ils anticipent, plusieurs d’entre eux s’inquiètent à juste titre : parlant de leur Agence 2030, ils évoquent une vision… « très éloignée d'une approche humaine ». 

 

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