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Thomas De Greef (Kinetic) : « Tous les grands du monde digital font appel à l'OOH pour leur propre communication »

Lundi 24 Septembre 2018

Thomas De Greef (Kinetic) : « Tous les grands du monde digital font appel à l'OOH pour leur propre communication »

Thomas De Greef est un fin connaisseur de l'OOH. Il y a fait l'essentiel de sa carrière. D'abord en régie et, depuis plus de six ans, chez Kinetic, l'agence spécialisée de WPP, dont il est aujourd'hui Managing Director pour la Belgique. Nous l’avons soumis à notre interview SWOT.

Quelles sont les principales forces du média OOH dans le marché publicitaire actuel ? 
 
La première chose pour moi, qui n'est pas forcément nouvelle, mais que j'aime bien rappeler, c'est clairement le caractère "média de masse" de l'OOH, qui persiste et qui prend ou plutôt reprend un peu d'ampleur ces derniers temps. Et ce, par opposition aux autres médias, qui, pour certains, ont tendance à se fragmenter légèrement, tandis que d'autres évoluent dans leur consommation. Comme, par exemple, la télévision qu'on ne regarde plus aujourd'hui comme hier. D'ailleurs, on ne parle plus vraiment de télé désormais au sein des agences médias, mais de vidéos ou d'écrans… Par contre, la consommation de l'OOH, elle, reste stable. Les gens continuent à sortir de chez eux et, ce faisant, continuent à entrer en contact avec des supports affichage. C'est pour moi l'une des grandes forces de l'OOH.
 
A l'inverse, quelles seraient ses faiblesses ?
 
A ce niveau, je suis beaucoup moins inspiré, mais suis-je objectif ? Probablement pas, étant très passionné par ce média… Cela dit, je reste lucide et je me rends évidemment compte que l'affichage, quel que soit le format et l'univers, aura toujours des difficultés à transmettre des messages complexes. Un affichage papier ou digital doit être décrypté en deux ou trois secondes, voire moins avec l'émergence des smartphones que l'on consulte, selon les chiffres de JCDecaux, en moyenne 150 fois par jour (rires). Plus sérieusement, si je devais trouver une faiblesse au média OOH, ce serait celle-là.
 
Quelles sont les opportunités qui s’offrent à l’affichage à court terme ?
 
Il y en a une énorme, fatalement liée au digital : une flexibilité extrême. Il n'y a pas si longtemps, on affichait le même message du mardi au lundi, sans interruption et, surtout, sans possibilité de modifications. Aujourd'hui, grâce aux écrans, nous pouvons davantage contextualiser et faire du "smart planning". Ce qui, entre autres, permet déjà d'aller convaincre de nouveaux annonceurs, qui, jusqu'ici, n'étaient pas forcément des consommateurs d'affichage. Nous avons donc désormais la possibilité d'élargir fortement la base de consommation affichage. C'est un premier élément.
 
Secundo, le digital permet également d'enrichir les campagnes, grâce aux fameuses big data, dont nous pouvons profiter à deux niveaux : contenu, avec des flux dynamiques et l'utilisation du contexte dans la copy, et forme, avec cette fois la possibilité d'acheter des moments très spécifiques, comme le matin quand il pleut ou aux heures de pointes, et non plus uniquement du mardi au lundi.
 
Enfin, n'oublions pas non plus le point de vue technologique, qui, pour sa part, permet d'optimiser la pression publicitaire, au bon moment. Et plus précisément le "share of voice", sur base duquel se vend aujourd'hui le digital. Il y a plus de trafic à proximité de mon écran ? Nous augmentons automatiquement le share of voice à 30%. Il y a moins de monde ? Nous le redescendons tout aussi facilement à 10%. Malheureusement, les régies ont encore aujourd'hui trop souvent un vieux réflexe d'afficheur, qui est de vendre le digital de manière linéaire : 20% du mardi au lundi, à nouveau… 
 
Enfin, last but not least, toutes ces nouvelles possibilités de flexibilité, qui sont donc nées grâce au digital, ont également impacté le papier. Jusqu'à il y a trois ou quatre ans, on achetait un package bête et méchant d'un certain nombre de faces figées, sur lesquelles l'annonceur n'avait plus ou moins aucun droit de regard. Aujourd'hui, les régies, ou du moins les deux principales, sont équipées d'algorithmes, qui leur permettent de réallouer un parc de panneaux disponible, et partant, d'affiner leur offre d'affichage traditionnelle.
 
Quelles sont les principales menaces pour le développement de la publicité extérieure en Belgique ?
 
Aujourd'hui, tant les régies que les agences médias ne cessent de mettre en avant les possibilités de flexibilité et de dynamique dans les solutions digitales, d'intégration de flux, etc. Bref, tout ce dont nous venons de parler. 
 
Personnellement, je pense qu'il est grand temps de passer à l'étape suivante. C'est-à-dire que nous arrivions enfin à mettre en place une structure ou une "market place", qui nous permettent de connecter nos systèmes respectifs, afin, pour le coup, d'optimiser l'efficacité. Nous faisons déjà des campagnes avec des flux dynamiques, des campagnes "weather adaptive", etc., mais cela reste encore relativement anecdotique. C'est pourquoi si nous voulons développer ce média à part entière qu'est le DOOH, nous avons intérêt à rapidement nous asseoir autour d'une table pour mettre en place une "market place" qui concerne tous les acteurs.
 
Autrement dit, la menace, c'est clairement de ne pas réussir à franchir ce pas et, si nous n'y arrivons pas, ce sera au détriment de notre média et de son évolution. Il faut absolument que tous les acteurs arrivent à se connecter entre eux.
 
Que vous inspirent les velléités de Google d’investir l’OHH ?
 
Avant tout, il est intéressant de noter que tous les grands du monde digital, à commencer par Facebook et Google font déjà appel à l'OOH pour leur propre communication. Ce qui me conforte dans l'efficacité de notre média.
 
Pour le reste, je ne suis pas vraiment surpris que Goolge s'intéresse à l'OOH. En revanche, je suis presque étonné que cela n'arrive qu'aujourd'hui. Google a clairement les moyens, financiers et en termes de données, qui lui permettraient d'avoir un rôle assez important sur le marché du DOOH. Le tout, évidemment, en respectant scrupuleusement la RGPD.
 
Maintenant, c'est clair aussi que cela peut effrayer qu'un acteur comme Google s'intéresse à l'OOH, mais de mon point de vue, je pense que cela peut également créer une émulation positive et, peut-être, dynamiser un marché affichage qui est plutôt traditionnel dans sa composition et ses acteurs, que ce soit en Belgique ou ailleurs.
 
Pour conclure, comment envisagez-vous l’avenir du média ?
 

Je suis un optimiste et donc, je suis plutôt enthousiaste. Je trouve que nous vivons une période passionnante au sein de l'affichage. Une période de mutation qui s'est enclenchée fin 2011, avec l'arrivée du premier réseau affichage digital dans les gares… L'arrivée du DOOH a poussé les régies à sortir de leurs zones de confort, pour reprendre l'expression consacrée, à repenser la manière de voir l'affichage, de le planifier, etc. 
 
Bref, nous sommes dans un marché en pleine mutation avec plein de nouveautés et de nouvelles opportunités, qui nous permettent notamment de gonfler la part de marché affichage, d'une part parce que l'offre est plus importante qu'avant en quantité et, d'autre part, parce qu'elle a une valeur plus importante.
 
Dans un avenir proche, l'affichage devait grappiller quelques pourcents dans le média mix belge. Future is bright !

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