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CANNES LIONS 2018

Brice Le Blévennec (Emakina Group) : "L'essentiel désormais, c'est la conception de User eXperiences élégantes"

Jeudi 19 Juillet 2018

Brice Le Blévennec (Emakina Group) :

Rencontre sur la Croisette avec Brice Le Blévennec, co-CEO chez Emakina Group. Un habitué des Cannes Lions depuis quelques années qui se montre plutôt critique sur les contenus proposés et aussi très lucide par rapport aux évolutions du métier.

Que retiendrez-vous de cette édition des Cannes Lions ?
 
La nouvelle formule est en fait un condensé en cinq jours de tous les sujets et de toutes les catégories, et même en quatre jours en réalité car vendredi il y avait déjà plus un chat pour ainsi dire, au regard du peu de monde qu’il y avait à la soirée de clôture. C’est donc une expérience plus intense, mais meilleure pour ma santé.  Au niveau des accréditations, les possibilités ont été réduites aussi. Nous avons dû acheter des passes pour le Cannes Classic, Innovation et Health. C’est plus cher comparé aux autres années pour moi qui ne m’intéresse qu’à Innovation.
 
Au niveau des contenus, je trouve que bon nombre de conférences sont en fait des débats assez soporifiques. D’autres sont des pitchs commerciaux assez médiocres, qui manquent de concret.

Et puis, nous avons aussi droit aux célébrités qui n’ont rien de pertinent à raconter mais qui font joli sur l'affiche. Bref, les contenus sont toujours aussi inégaux avec un rapport d’un truc intéressant pour 10 conférence nulles. 
 
Par rapport aux cases présentés, online beats the event : le site payant Love The Work permet de tout voir sans aller au Palais, dans des meilleures conditions. Du reste, je suis de plus en plus convaincu qu’il faut séparer clairement les travaux pour le "Bigger Good" des campagnes commerciales. Cela éviterait l’impression que les Lions sont devenus une compétition de grandes causes sans objectifs commerciaux. Mais j’ai noté un progrès : cette année les gagnants avaient enfin un rapport avec la catégorie dans lesquels ils gagnaient. 
 
Pourquoi les Belges remportent-ils moins de Lions qu'auparavant selon vous ? 
 
L’innovation est sur le digital et en Belgique, cela fait deux ou trois ans que nous sommes passés du digital expérimental, où l'on prenait des risques créatifs, à l’industrialisation digitale, où l'on ne prend plus de risques, en tout cas pas créatifs. Bref petit pays, petite population, petit moyens, petits risques. 
 
Les outils de mesure sont devenus si pertinents qu’ils ont castré pas mal de créatifs qui vivaient dans l’illusion que leur super canular sur YouTube avait touché la bonne cible, ou que leur super distributeur de cannette connecté avait fait un buzz tel que les ventes du clients leur étaient entièrement dues. Alors qu’en réalité, il n’avait pas dépassé l'audience des publicitaires s’auto-congratulant de tant de créativité. C’est le prix à payer lorsque l'on mesure la véritable contribution de la créativité dans les résultats de vente d’une marque. Elle a un impact mais dans notre nouveau monde digital, où les consommateurs sont devenus des êtres humains libres de l’asservissement des médias, ce n’est plus l’essentiel. L’essentiel désormais, c’est la conception de "User Experiences" élégantes. Un art discret qui brille par l’absence de frustrations et bien plus subtil que la flamboyante créativité qui épate les jurés à Cannes. 
 
Quel serait votre top 5 parmi les travaux que vous avez pu voir ? 
 
"Today at Apple" : un cas d’école d'UX dans leur propre réseau. Aucun média, pas de créativité farfelue, une véritable valeur ajoutée dans la vie des humains .
 
"Ikea pee Ad" : une innovation biotech dans leur propre catalogue. Aucun média, un vrai service, un vrai discount, un vrai impact dans la vie de nouvelles mamans.
 
"Highway Gallery" : une idée brillante, avec un usage innovant de technologies existantes, qui transforment un trajet pénible en une vraie expérience ludique et culturelle .
 
"My Line" : un coup de génie. Rendre accessible par un simple appel téléphonique la puissance de Google grâce aux progrès en reconnaissance et synthèse vocale.
 
"Sakeru Gummy vs Long Sakeru Gummy" : tous les 11 films sont à regarder parce que c’est juste très drôle et… long.