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9/04/2017

Brunch

Edito

Follow me, par Griet Byl

Consternation sur la planète Instagram la semaine dernière. Un hacker a réussi à s’emparer du compte de la blogueuse fashionista Tiany Kiriloff et à prendre en otages ses 191.000 followers. Panique générale. Sans eux, l’ex-mannequin se trouvait dans l’impossibilité d’atteindre son quota de likes, déterminé contractuellement, et donc de respecter ses engagements avec diverses marques. « Ils m’enlèvent le pain de la bouche », avait-elle clamé dans les journaux.
 
Il est clair que l’époque où les blogs et des réseaux sociaux comme Pinterest et Instagram faisaient office de journal intime pas si intime que ça ou de hobby créatif pour amateur averti, est bien révolue. Les stars actuelles du Net volent la vedette aux célébrités à l’ancienne et s’arrogent volontiers le titre d’influenceurs. Leur objectif premier ? Commercialiser leur nom et leur image. Et si en plus elles bloguent, c’est entre le rôle de support de communication et vecteur publicitaire que leur cœur balance. Les marketers ont déjà compris leur potentiel, en témoigne la création récente de plateformes telles que Native Nation ou Influo qui fournissent des rankings et des systèmes de mesure dédiés à ces oiseaux branchés du Net.
 
En même temps, dans le petit monde des blogueurs se font entendre des voix pour réclamer la mise sur pied d’une grande organisation professionnelle et la rédaction d’un code de déontologie à part entière… Une noble aspiration, mais en même temps une mission qui n’a rien d’une sinécure au vu de la diversité des acteurs et de leurs activités. Une telle charte pourrait en tous cas contribuer à mettre fin à une série de situations loufoques et ambigües. Tout comme dans l’univers des médias, la frontière entre le véritable contenu rédactionnel et le native advertising s’avère en effet parfois très floue. La question est d’autant plus délicate quand on sait que les consommateurs font aujourd’hui de moins en moins confiance aux médias et aux marques.
 
Entretemps, miss Kiriloff a retrouvé ses followers et peut à nouveau dormir sur ses deux oreilles. Provisoirement du moins. Car combien de temps reste-t-il avant que des chatbots et des cyborgs s’emparent à leur tour du gouvernail des influenceurs ? Pourra-t-on alors également les accuser d’ôter le pain de la bouche de leurs prédécesseurs en chair et en os ?

GB
 

Interview

Comment Buyerminds et FamousGrey veulent influencer notre comportement en ligne

Lancée en février dernier avec FamousGrey, la filiale belge de l’agence néerlandaise Buyerminds entend imposer le concept de "digital persuasion design". Ou pour le dire autrement, accroître les conversions pour les produits et services numériques en appliquant des principes issus de la psychologie comportementale. Explications par Jonathan Detavernier, stratège digital chez FamousGrey, et Joris Groen, fondateur de Buyerminds.

Qui a eu l’idée de lancer Buyerminds en Belgique ?

Joris Groen : Nous avions déjà mené plusieurs projets dans votre pays pour quelques-uns de nos clients néerlandais et nous avions envie d’aller plus loin. Aux Pays-Bas, notre collaboration avec des agences de publicité s’est soldée par de bonnes expériences, d’où l’idée de faire appel à FamousGrey.

Jonathan Detavernier : Notre agence explorait des pistes pour contribuer davantage à la croissance des activités de nos clients. Nous voulions concrètement nous pencher sur les conversions et les ventes. C’est pourquoi nous avons mis sur pied les Famous Friends, c’est-à-dire des partenariats stratégiques avec des entreprises. Nos deux premiers "amis" ont été Bossdata (spécialisée dans les AdWords, ndlr.) et Buyerminds, qui génère des conversions numériques en se basant sur la psychologie des consommateurs. Nous avons vite senti une très forte synergie avec Buyerminds, d’où notre décision d'aller plus loin. Notre filiale bruxelloise compte actuellement cinq collaborateurs, mais ce nombre devrait passer à dix d’ici la fin de l’année. L’entité belge est dirigée par les fondateurs de Buyerminds, Olaf Igesz et Joris Groen.

L’objectif est donc d’être associé plus étroitement au business du client…

JD : En tant qu’agence de publicité, notre rôle est d’attirer l’attention des gens en misant sur la créativité. Nous générons du trafic vers les magasins et les sites web par toutes sortes de moyens. Mais nous voulons encore exploiter d’autres médias numériques pour multiplier les conversions. C’est là qu’entre en jeu le "persuasion design", domaine où Buyerminds excelle. Pour nous, il s’agit d’une couche stratégique qui nous permet d’avoir un impact sur les ventes, mais aussi sur d’autres points de conversion tels que les inscriptions, les changements d’habitude, etc.

Où votre expertise s’avère-t-elle surtout utile ?

JG : Partout où il est question de vente en ligne, mais aussi dans le caritatif. Le persuasion design a pour but de convaincre les consommateurs de passer à action et de les fidéliser, influencer leurs comportements. Une entreprise peut par exemple souhaiter que ses clients l’appellent moins souvent lorsqu’ils ne comprennent pas quelque chose, un éditeur de journal peut vouloir recruter plus d’abonnés ou limiter les désabonnements…

Quel est le rapport entre l’utilisation de données et le recours à des techniques issus de la psychologie comportementale ?

JG : Il s’agit des deux piliers du persuasion design. On trouve de nombreux manuels de psychologie comportementale qui expliquent comment convaincre quelqu’un et orienter sa conduite. A l’aide de ces connaissances, nous mettons en place des études qualitatives pour découvrir les mobiles et les entraves chez les consommateurs. Nous combinons cela avec les connaissances et les données présentes dans l’entreprise. Ensuite, nous tirons les conclusions. Tous les collaborateurs de Buyerminds possèdent un bagage en psychologie ou ont suivi une formation en communication persuasive. Par ailleurs, nous proposons des cours pour devenir designer ou copywriter. Cela nous réussit d’ailleurs mieux que nos efforts pour convertir les designers en psychologues (rires).

JD : En outre, ces données peuvent être utilisées dans les applications de persuasion design. On peut ajouter des données à son site web comme une sorte de preuve sociale. Booking.com est passé maître dans cette technique. Les visiteurs du site voient s’afficher des messages comme "cet hôtel a enregistré 10 réservations au cours des 10 dernières heures". De tels messages incitent les internautes à passer à l’action. L’influence des comportements a toujours joué un rôle clé en communication, mais son importance s’est encore accrue avec l’accroissement du digital. L’acheteur est seul face à son écran, sans vendeur pour l’orienter. C’est pourquoi il faut créer une sorte d’interface conduisant à la prise de la meilleure décision. Le numérique offre une foule de possibilités pour exploiter certains mécanismes.

Pour conclure, pourriez-vous nous donner un exemple concret ?

JG : Nous avons appliqué nos méthodes aux activités de l’acteur de financement participatif Lendahand, qui prête de l’argent à des entrepreneurs dans des pays tels que le Cambodge et les Philippines. Avant, cela prenait en moyenne 90 jours pour financer entièrement un projet. Nous avons pu ramener ce délai à 50 jours, voire ensuite à seulement cinq jours. Une simple intervention dans la conception du site a par exemple permis de convaincre les gens de donner plus. Si l’on commence par demander un faible montant, on obtient beaucoup moins d’argent que si l’on débute par un gros montant. En effet, si la mise de départ est élevée, les montants suivants paraissent moins grands.

Le persuasion design ne se concentre pas seulement sur la conception du site, mais aussi sur le texte. La rédaction en ligne doit montrer clairement en cinq secondes au consommateur ce qu’il peut faire sur le site en question et l’avantage que celui-ci lui procure. Nous vivons à une époque où les gens sont très impatients et s’occupent d’un tas de choses en même temps. Qui s’y prend de façon rigoureuse et trouve les mots justes est en mesure de générer des conversions.

En ce qui concerne les images, l’authenticité est essentielle. Trop d’entreprises ont encore recours à des photos qui proviennent clairement de banques d’images américaines. En soignant ce point par le choix de photos authentiques, on peut obtenir d’excellents résultats, et c’est aussi le cas lorsqu’on parvient à visualiser la récompense liée à une conduite. On peut par exemple transmettre de façon très visuelle une destination de vacances pour faire sentir au consommateur ce que cela fait de se trouver à cet endroit, ou visualiser ce que l’on ressent en utilisant un produit déterminé ou en le tenant en mains.

JD : La force de l’impact dépend de la façon dont on combine copy, design et stratégie. D’ailleurs, nous constatons déjà que nos copywriters n’écrivent plus de la même façon après avoir suivi une formation chez Buyerminds... 

UBA Academy Talks : Kristin Verellen, à propos du Stakeholder Engagement

« La force d’une marque est davantage déterminée par les stakeholders que par l’organisation elle-même. C’est pourquoi il est très important de les écouter et de les impliquer dans l’ensemble du processus marketing. » Le stakeholder engagement, c’est tout l’art de susciter la confiance, l’adhésion, la contribution, l’assentiment et l’engagement des parties prenantes. Comme cette capacité est devenue plus importante que jamais dans le secteur marcom, l’UBA Academy a décidé de consacrer une masterclass à ce thème le 27 avril prochain. Kristin Verellen (Peel The Onion - We have the choice), professeur du jour, nous en dit plus.
 
Pourriez-vous avant tout nous préciser ce que vous entendez par "stakeholders" ?
 
Il s'agit de toute personne ou groupe ayant un intérêt dans la vie d’une organisation ou d’une marque, et pouvant exercer une influence sur son fonctionnement. Ce sont tant les groupes cibles externes d’une organisation ou marque (consommateurs, fournisseurs, distributeurs, presse, monde politique, partenaires…) que les groupes cibles internes (collaborateurs, candidats potentiels, actionnaires…). 

Pourquoi leur engagement est-il tellement essentiel ?
 
Il est vital pour le succès d’une organisation ou d’une marque de développer de bonnes relations tant avec les parties prenantes internes qu’externes. Encore plus important, dans le contexte social, économique et écologique difficile du 21ème siècle, les organisations et leurs marques ne peuvent survivre, à moins d’assurer leur interdépendance et de collaborer avec les autres parties concernées, dans leur écosystème.

Quelles sont les implications pour le secteur marcom ?
 
Engager les parties prenantes suppose une approche radicalement innovante du marcom et de la manière de créer de la valeur concurrentielle et un engagement durable auprès des parties prenantes.
 
La dernière révolution dans le secteur marcom a été celle du passage d’une approche centrée sur le produit à une approche centrée sur la cible. La nouvelle révolution en marketing va encore un pas plus loin : les groupes cibles ne sont plus simplement considérés comme les récepteurs, tout au bout du processus marketing, ils occupent maintenant le centre de la stratégie et sont impliqués durant tout ce processus marketing.
 
En misant sur les relations durables, on réduit la distance entre les organisations et leurs parties prenantes (internes et externes) et dans le meilleur des cas, on fait naître une collaboration. Cela signifie concrètement qu’il est crucial pour les responsables marcom d’impliquer, dans la mesure du possible, à la fois les collaborateurs extérieurs au service marcom et les consommateurs et partenaires, dans le développement de la marque et le marketing.

A quoi peuvent s’attendre concrètement les participants à cette UBA Masterclass ?
 
A obtenir des enseignements sur la façon dont l’engagement des stakeholders peut aider au développement de relations durables avec des groupes cibles internes et externes, et à trouver, soutenir et commercialiser des idées (évolutives ou innovantes) propices à la construction du futur.
 
A découvrir des méthodes faciles à déployer pour installer efficacement le stakeholder management dans la pratique. Mais aussi comment créer la synergie entre le marketing et la psychologie afin d’obtenir un résultat optimal.
 
Les questions concrètes que nous abordons sont les suivantes : quelle est l’importance du stakeholder engagement ? Quelles sont les parties prenantes internes et externes ? Comment peut-on les inviter à dialoguer et comment entretient-on les relations avec les parties prenantes et entre celles-ci ?
 
A qui est destinée cette masterclass?
 
A tous ceux qui souhaitent apprendre comment améliorer la relation avec les groupes cibles internes et externes importants et créer un socle social durable pour le développement et l’application réussie d’idées contribuant à la construction du futur. Tous les niveaux, des débutants aux plus avancés, sont les bienvenus.
 
 
Kristin Verellen : son CV
 
Kristin travaille à la croisée du développement humain et sociétal, du changement organisationnel et de la stratégie corporate. Sa petite entreprise, Peel the Onion, accompagne le développement de personnes, d’équipes, de marques et d’organisations en évolution.
 
“Lorsque j'épluche l’oignon, je vais au cœur de la question et retire l’essentiel de la complexité, je stimule une collaboration co-créative qui permet d’appréhender les défis de manière participative, de créer un engagement commun et de sortir plus fort d’une évolution”, dit-elle. Son approche est systémique, basée sur l’expérience et créative.
 
En tant qu’initiatrice du mouvement citoyen "Circles - We have the choice", Kristin Verellen entend également susciter de nouvelles formes de rencontres comme réponse positive à la violence aveugle (son mari fut l'une des victimes des attentats du 22 mars 2016, à Bruxelles). “Dans un monde ou la dureté, l’extrémisme, la violence aveugle et la terreur débouchent sur des situations traumatisantes, cette asbl veut œuvrer à la construction d’une culture d’inclusion et de dialogue, à partir de laquelle peuvent se développer la solidarité et la motivation. Avec nos cercles nous créons des ondes qui s’étendent en continu. Ils créent un socle propice à un avenir humain, aimant et pacifique”, explique-t-elle.

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