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Sara Vercauteren (Medialaan) : « Un porte-parole est à la fois l'avocat de son entreprise et celui du diable »

Dimanche 11 Mars 2018

Sara Vercauteren (Medialaan) : « Un porte-parole est à la fois l'avocat de son entreprise et celui du diable »

Son numéro de GSM figure dans la liste de contacts de tous les journalistes spécialisés dans les médias. Ses informations sont toujours précises et elle ne manque jamais de vous rappeler. Sara Vercauteren peut se prévaloir de quinze années d’expérience en tant que porte-parole, d’abord dans la politique, ensuite chez Medialaan, où elle est arrivée voici huit ans. Elle a aujourd’hui synthétisé son expertise dans un ouvrage intitulé "Geen Commentaar", qui sera publié le 22 mars chez Pelckmans Pro.

Votre livre dévoile toutes les ficelles du métier. Pourquoi cette envie soudaine de partager vos secrets ?

Je serais tentée de répondre à votre question par une autre question : pourquoi pas ? Il existe très peu de littérature spécialisée pour les porte-paroles et conseillers en RP. Il faut le plus souvent apprendre sur le tas ou, si vous avez de la chance, être formé par son prédécesseur. D’où l’idée de présenter de façon systématique les différents aspects du métier. La première partie s’adresse principalement aux débutants, tandis que la seconde a pour ambition d’inspirer les porte-paroles déjà actifs. De façon générale, j’espère que le livre intéressera les organisations ayant besoin d’aide pour développer leur communication professionnelle avec la presse, les journalistes désireux de collaborer efficacement avec les porte-paroles et organisations et tous ceux que la création d’information passionne. Ce livre est enfin destiné aux étudiants en communication, notamment à ceux qui suivent la formation de porte-parole à la haute école Thomas More de Malines, où je donne cours.

Pourquoi y-a-til si peu d’ouvrages sur le sujet selon vous ?

Si le propre du porte-parole est bien sûr de prendre la parole, il ne le fait toutefois presque jamais pour parler de lui ou de sa fonction. Il s’exprime au nom de l’organisation ou de la personne qu’il représente, sans que cela corresponde nécessairement à sa propre opinion. Par ailleurs, les porte-paroles sont toujours pressés par le temps : la plupart travaillent seuls et doivent combiner de nombreuses tâches et compétences. Ils n’ont donc pas souvent la possibilité de réfléchir à leur métier.

Vous-même, pourquoi avez-vous décidé de devenir porte-parole ?

Dans mon enfance, j’avais paraît-il une explication à tout (rires). J’ai étudié les sciences politiques et sociales, option communication. J’ai commencé ma carrière au service presse du ministre Frank Vandenbroucke, alors figure de proue du sp-a. J’ai tout de suite réalisé que c’était le job de mes rêves. Ensuite, je suis devenue porte-parole au cabinet de Kathleen Van Brempt. Pendant mon congé de maternité, j’ai été contactée par Medialaan pour succéder à Mark Vanlombeek, qui allait partir à la retraite. Comme j’ai toujours été passionnée de télévision, cette fonction constituait vraiment une combinaison idéale pour moi. Cela fait maintenant huit ans que je travaille pour le groupe.

Quelles sont les qualités principales d’un bon porte-parole ?

Il s’agit d’une fonction très polyvalente qui demande d’avoir une bonne plume, de posséder une solide capacité d’analyse, d’être capable d’organiser des formations sur les médias, de jouer le rôle d’intermédiaire, de masser...

Pardon ?

Au sens figuré, bien sûr (rires). Pour mettre tout le monde sur la même longueur d’onde. Il faut aussi respecter des délais stricts et donc être résistant au stress. Bref, de bonnes aptitudes en multitasking sont un atout certain. Il est en outre essentiel de savoir faire preuve de discrétion et de diplomatie. Mais le plus important est encore de savoir mettre les autres en avant.

La crédibilité me semble aussi être un élément important...

Tout à fait. D’ailleurs, le mensonge est proscrit dans notre profession. Il faut aussi être doté de sens critique : on est à la fois l’avocat de son entreprise et celui du diable. Je veux dire par là que l’on doit oser poser les bonnes questions en interne, et jouir de la liberté nécessaire à cet effet. Je ne vous cacherai pas que c’est un travail exigeant, où l’on ne compte pas ses heures, car il faut être joignable à tout moment. Mais cela en vaut la peine, vu que les porte-paroles peuvent améliorer la communication d’une organisation et l’aider ainsi à remplir son devoir de transparence.

Chez Medialaan, vous présidez le comité pour la communication de crise et vous êtes membre du senior management. Quelle est la place idéale d’un porte-parole au sein d’une entreprise ?

Il devrait participer à toutes les discussions, ou en tout cas être informé en détail de tous les dossiers importants et avoir un accès direct aux plus hauts échelons. Il ne doit pas forcément siéger au comité de direction, mais doit être tenu au courant. Rien de pire que de recevoir un coup de fil d’un journaliste qui en sait plus que vous…

Quelle est la situation la plus difficile à laquelle vous ayez dû faire face ?

Les moments les plus pénibles pour un porte-parole sont ceux où il doit défendre une position qui lui pose personnellement problème. Rien de plus désagréable que de se retrouver alors sur la sellette. Les meilleurs moments sont ceux où quelque chose de magique se produit, quand on se rend compte que l’on peut faire la différence grâce à la communication. C’est arrivé dernièrement avec l’histoire de notre journaliste Bo.

Les choses ont dû évoluer pas mal au cours de toutes ces années où vous avez exercé cette fonction. Quel a été le principal changement à vos yeux ?

Sans le moindre doute : l’impact des réseaux sociaux et du smartphone. Lorsque j’ai commencé à travailler ici, VTM n’avait pas encore de page Facebook. Les commentaires des téléspectateurs nous parvenaient par téléphone ou par e-mail. Et une seule personne s’en occupait entièrement. Aujourd’hui, nous avons une équipe de cinq collaborateurs qui assure la veille 24h sur 24 de nos marques sur les réseaux sociaux. Les nouvelles circulent beaucoup plus vite qu’auparavant. Il y a plus d’échéances à respecter, et elles sont plus serrées. En même temps, les porte-paroles disposent d’un plus vaste éventail d’outils pour communiquer avec le grand public. Et ils peuvent s’adresser directement aux gens, sans l’intermédiaire des journalistes. Mais cela vaut en fait pour tous les collaborateurs de l’entreprise, de sorte que le porte-parole n’est plus le seul à avoir le droit de communiquer avec le monde extérieur. D’où l’importance pour le porte-parole de veiller à garder la mainmise sur l’ensemble de la communication, tant en externe qu’en interne. Cette fonction a donc encore un bel avenir devant elle.

Avez-vous une dernière recommandation pour les journalistes ?

Les relations entre porte-paroles et journalistes sont très particulières et se basent sur le principe du donnant donnant. Souvent, les journalistes nous considèrent comme un obstacle, alors que nous sommes en fait les seuls à les défendre en interne. Bref, chers journalistes, n’hésitez pas à vous adresser à nous !

Dernière question : voyez-vous une différence entre la presse généraliste et la presse spécialisée ?

La manière de travailler est différente, mais les journalistes sont au fond tous les mêmes, qu’ils s’occupent de politique, de show-biz ou d’un autre domaine.

Sara Vercauteren présentera son livre le 22 mars. Il est en vente aux éditions Pelckmans Pro.

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