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La désintermédiation épargnera-t-elle les agences médias ?, par Thierry Brynaert (CEO, MEC Belgium)

Dimanche 17 Décembre 2017

La désintermédiation épargnera-t-elle les agences médias ?, par Thierry Brynaert (CEO, MEC Belgium)

En Angleterre, selon un article paru début novembre dans The Telegraph, de grands groupes FMCG tels qu’Unilever, Mars et Reckitt vont tenter en 2018, de commercialiser leurs produits via une plateforme en ligne commune, et en pratiquant des prix visiblement plus bas que ceux des enseignes classiques… Une approche poussant une fois de plus à la prise en main de leur propre circuit de distribution, stimulant de la sorte la désintermédiation par rapport aux retailers "classiques", et ce tout en constituant une alternative à Amazon et aux autres e-retailers. 
 
Ce phénomène touchera-t-il aussi les agences médias ? Alors que plusieurs annonceurs ont déjà effectué le choix d’internaliser certains types d’achats programmatiques ou signé des deals en direct avec Google ou Facebook, d’autres modèles en cours de développement risquent de précipiter ce phénomène. Les évolutions des solutions programmatiques combinées à l’intelligence artificielle ainsi que les technologies blockchain, contribueront sans équivoque à la désintermédiation au sein de notre secteur. A titre d’exemple, Brave, un browser open source gratuit, développé sur une technologie blockchain par Brendan Eich, le co-fondateur de Mozilla et le créateur de JavaScript, a pour vocation d’offrir au surfer une plateforme où toute sa navigation sera associée à son compte. Les annonceurs souhaitant lui soumettre leurs publicités devront directement payer le surfeur sans même passer par une agence média, et ce au moyen du BAT (Basic Attention Token). Une menace donc pour les agences, mais aussi pour des browsers de renoms qui connaissent leurs belles années pour le moment. Il est donc urgent et nécessaire pour les agences médias de se réinventer afin de développer de nouveaux services et produits à forte valeur ajoutée s’inscrivant dans ces domaines. 
 
Pour éviter une désintermédiation partielle ou totale, les agences devront se transformer et réussir cette transformation tant en au niveau de l’offre de leurs produits et services qu’au niveau de leurs "talents" au service des annonceurs.
 
Même si plusieurs agences ont effectivement compris l’importance des enjeux induits par cette transformation, le challenge reste de taille car nous sommes à la croisée des chemins. D’une part, les annonceurs attendent de leurs agences la capacité de développer avec excellence les meilleures stratégies médias et/ou de communication ainsi que leur implémentation. D’autre part, les agences   doivent en même temps se préparer à l’avenir en investissant dans d’autres types de profils (plus pointus) et de compétences pour lesquelles les annonceurs à ce jour "ne nous attendent pas" et qui pourtant permettront au secteur de garder sa place dans un écosystème de plus en plus challengé.
 
A titre d’exemple, même si aujourd’hui leur pénétration au sein des foyers belges reste embryonnaire, les smart speakers et home assistants (Google home, Amazon Echo…) ou encore les robots (humanoïdes ou non) engendreront une véritable révolution au sein des foyers. Ils permettront la création de nouveaux modèles publicitaires encore plus pertinents que ceux que nous connaissons aujourd’hui. Ici aussi, les agences médias peuvent anticiper cet état de fait et prendre une place de choix en créant des solutions innovantes au sein de ces nouvelles technologies : de par leurs capteurs en tous genres (température, détecteur de présence, consommation d’énergie…), il sera en effet possible pour les marques de communiquer avec les membres du ménage de manière intelligente et ultra ciblée. D’ici 2030 avec l’arrivée des véhicules autonomes, tant le secteur du média que de l’entertainment vont voir leur engouement s’accroitre de manière considérable car tout leur contenu pourra être consommé le temps des déplacements sur les vitres du véhicule. Ici aussi de nouveaux business models publicitaires pourront voir le jour, tenant compte de la durée des trajets, de la géolocalisation du véhicule, du type de profil des personnes présentes dans la voiture… 
 
Vous l’aurez compris, toutes ces innovations sont et seront génératrices d’une multitude de types de données différentes issues de nouvelles solutions. Les agences qui investiront et qui parviendront à s’inscrire dans ce nouvel écosystème technologiquement dynamique et ultra personnalisé, seront les grandes gagnantes de demain et parviendront probablement à éviter cette désintermédiation qui touche tous les secteurs. Mieux, elles connaîtront un avenir plutôt serein.

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